

La définition juridique du propriétaire d'équidés
Dans le langage courant, le propriétaire est la personne qui possède un bien. Le régime qui entoure la propriété des équidés est issu de différentes normes et de nombreuses questions peuvent se poser au cours de la vie du cheval qui, souvent, connaît plusieurs propriétaires.

- Base légale et réglementaire
- Les éléments de définition du propriétaire d’équidé
- Quelques illustrations jurisprudentielles
Base légale et réglementaire
- Articles 515-14 et 528, 1358, 544, 2276 du code civil
- Articles L212-9, D212-49, R215-14, D212-54 du code rural
- Code des courses au galop
- Code des courses au trot
- Règlement général FFE
L’article 515-14 du code civil indique que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ».
Les animaux sont considérés comme des biens "meubles", définis comme suit par l’article 528 du code civil : « Sont meubles par nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre ».
Les éléments de définition du propriétaire d’équidé
La carte d’immatriculation de l’équidé, quelle valeur juridique ?
Article L212-9 du code rural
« […] Tout changement de propriété d'un équidé ou d'un camélidé doit être déclaré à l'Institut français du cheval et de l'équitation par le nouveau propriétaire […] »
Article D212-49 du code rural
« Sur demande du propriétaire […], une carte d’immatriculation contenant son nom et son adresse, ainsi que le nom et, le cas échéant, le numéro d'identification de l'équidé, lui est transmise par l'Institut français du cheval et de l'équitation […]
Le gestionnaire du fichier central est informé du changement de propriétaire de l'équidé par le nouveau propriétaire qui lui retourne, lorsqu'elle a été établie, la carte d’immatriculation de l'animal endossée par l'ancien propriétaire. Le gestionnaire du fichier central établit ou modifie la carte d’immatriculation au nom du nouveau propriétaire […] »
Article R215-14 du code rural
« Est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait de : […]
3° Céder à titre onéreux ou gratuit un équidé ou un camélidé jusqu’alors non identifié, sans avoir fait procéder au préalable à son identification ;
4° De vendre ou donner un équidé sans avoir délivré immédiatement au nouveau propriétaire la carte d’immatriculation endossée ;
5° Pour tout nouveau propriétaire, de ne pas avoir adressé la carte d’immatriculation au gestionnaire du fichier central, dans les trente jours suivant la mutation […] »
Article D212-54 du code rural
« Les frais d'identification, d’immatriculation et de contrôle de filiation sont à la charge du propriétaire de l'équidé concerné. Après transfert de propriété, les frais de délivrance de la nouvelle carte d’immatriculation sont à la charge du nouveau propriétaire. »
La Cour d’appel d’Aix en Provence a, par exemple, rappelé ce principe dans un arrêt rendu le 05 novembre 2015 : « […] La carte d'immatriculation d'un cheval n'est pas un titre de propriété mais constitue une présomption simple du droit de propriété et, en matière de propriété d'équidés, la preuve peut être apportée par tous moyens. En l'espèce, la cession du poney au club est corroborée par divers éléments dont des attestations, un feuillet de vaccination et les statuts du club hippique qui mentionnent le poney au titre de l'apport en nature effectué […] ».
La propriété de l’équidé est définie par le code civil
La propriété est définie par l’article 544 du code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Cette définition doit être complétée par l’article 2276 du code civil qui nous revoie à la notion de possession au sens juridique : « En fait de meubles, la possession vaut titre.
Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ».
Deux conditions doivent être réunies :
- La dépossession du propriétaire : le propriétaire doit s’être dessaisi volontairement de son animal (hors cas de perte ou de vol) en le remettant à titre précaire à un détenteur (emprunteur ou dépositaire par exemple).
- La possession de l’acquéreur doit être réelle, utile et de bonne foi.
La charge de la preuve pèse sur celui qui revendique la propriété de l’animal.
Qu’en disent les codes des courses et les règlements de la Fédération française d’équitation (FFE) ?
Le propriétaire d’un cheval de course doit être agréé. Pour être propriétaire au sens des codes des courses au galop et au trot, il est nécessaire d’avoir reçu un agrément (délivré par France galop ou la Société d’encouragement du cheval français) permettant de faire courir le cheval sous ses couleurs dans une course publique. Cet agrément peut être délivré au propriétaire au sens du code civil, mais également à une autre personne telle qu’un locataire, un entraîneur, un associé etc.
Par ailleurs, le règlement général de la FFE renvoie également directement à la notion de propriété, notamment dans son article Art 7.1 | Enregistrement des poneys/chevaux | A- Procédure d’inscription : « Tout équidé participant à un concours ou présent dans l’enceinte d’un concours doit être muni d’un document d’identification portant un numéro SIRE établi par l’Institut français du cheval et de l’équitation ou d’un document d’identification émis par un autre organisme et enregistré auprès de l’Ifce. Pour pouvoir engager un poney/cheval dans une compétition de la FFE, celui-ci doit être enregistré par son propriétaire ou une personne mandatée sur le site www.ffe.com ».
Quelques illustrations jurisprudentielles
Cour d’appel de Paris, 13 mars 2018
Quatre ponettes sont confiées à un dirigeant de centre équestre via un contrat de prêt à usage. Elles sont utilisées lors de cours d’équitation en contrepartie de leur entretien et de leurs soins. Trois des quatre ponettes sont restituées à leur propriétaire au terme du contrat de prêt à usage. La quatrième ponette demeure au centre équestre qui s’en occupe intégralement à ses frais. Le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption. Il appartient donc à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence d'un don manuel ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace. Le désintérêt manifeste du revendiquant au sujet de la propriété de l'animal conforte l'existence du don manuel revendiqué par le détenteur du cheval qui, dans le même temps, a exercé un acte de possession non équivoque (paiement des honoraires du vétérinaire par exemple), qu'il a confirmé un an plus tard en faisant aboutir les formalités d'immatriculation de la ponette à son nom.
Cour d’appel de Montpellier, 02 juin 2016
Deux chevaux ont été acquis par M. R. et réglés par lui au moyen de 3 chèques auprès du vendeur. M. R. revendique la propriété des animaux à l’encontre de Mme M. qui dispose des cartes d’immatriculation à son nom et de factures d’entretien. Les chevaux sont situés sur un terrain, comprenant des boxes, loué auprès d’un agriculteur. Mme M. indique que les chevaux ont été acquis par M. R. dans une intention libérale à son égard. Elle invoque l’existence d’un don. M. R. rapporte la preuve qu’il a continué à s’occuper des animaux et à financer leur entretien : factures de location de box, soins vétérinaires et produits alimentaires. Il a également fait édifier une construction pour installer les chevaux. Une attestation indique que, lorsqu’elle désignait les animaux, Mme M. s’adressait à M. R. en désignant « tes chevaux ». Le juge considère que la preuve d’un don des chevaux au profit de Mme M. n’est pas rapportée. Les conditions de l’article 894 du Code civil ne sont pas rapportées. Il n’est pas prouvé que M. R. se soit dépouillé actuellement et irrévocablement des chevaux et il n’est pas prouvé que Mme M. ait accepté de façon non équivoque la donation. Même si le nom de Mme M. figure sur les cartes d’immatriculation, c’est M. R. qui est propriétaire des chevaux au sens juridique.
Cour d’appel de Toulouse, 14 septembre 2010
Une jument trotteuse a fait l’objet d’un contrat de location de carrière de course jusqu’au 31 mars 2006. Après le terme du contrat, le locataire n’a pas restitué la jument à son propriétaire. Ce dernier a saisi le tribunal pour obtenir la restitution de son animal et de ses 3 poulains. La carte d’immatriculation est au nom du propriétaire bailleur de la jument. Le propriétaire a adressé au locataire une lettre recommandée avec accusé de réception l’informant de sa volonté de reprendre possession de sa jument. S'il est incontestable qu'en fait de meubles, possession vaut titre (article 2276 du Code civil), encore faut-il que le possesseur soit de bonne foi, c'est-à-dire qu'il ait cru, de manière pleine et entière, en la qualité de propriétaire de celui qui lui a transmis la jument. Or, tel ne peut être le cas dans la mesure où le possesseur s'est vu remettre la jument par une personne qui la détenait en vertu d'un contrat de location de carrière de courses conclu avec le propriétaire de l'animal et où le possesseur ne rapporte pas la preuve d'une cession effective de la jument par le propriétaire à son profit. En outre, le propriétaire de la jument lui a adressé plusieurs demandes de restitution de l'animal et de ses poulains. Le possesseur de mauvaise foi doit donc restituer à leur légitime propriétaire la jument et ses poulains, mais aussi les documents qui les concernent, tels que leurs livrets signalétiques et leurs cartes d'immatriculation modifiées. Il doit en outre indemniser le préjudice personnel, direct et certain, qui en résulte pour le propriétaire auquel avaient d'ailleurs été cachées les naissances des trois poulains. Il devra donc lui verser le montant correspondant aux gains perdus ainsi que la prime à l'éleveur déclaré qui est évaluée sur la base de 12,5% du gain de course de référence. Le montant total s'élève à 38 722 euros.
Tribunal de grande instance de Carpentras, 28 février 2007
Dans le cadre d’une procédure de divorce, M. A., ex-mari de Melle L., fait assigner cette dernière en vue de se voir restituer la jument, ainsi que ses poulains, offerte à Melle L. avant leur mariage. La jument objet du litige est née dans l’élevage de M. A. qui en était donc propriétaire à cette époque. Il ressort de différentes attestations que la jument avait été donnée à Melle L., compagne de M. A., en vue de leur mariage intervenu quelques temps après le cadeau. Plusieurs attestations, toutes concordantes et circonstanciées, rapportent une parole directe de M. A. établissant que la jument avait été donnée à Melle L. en cadeau de fiançailles. En outre, il résulte de la carte d’immatriculation de la jument, établie au fichier central des équidés, que Melle L., devenue Mme A. est bien enregistrée comme étant la propriétaire de la jument. Même si la carte d’immatriculation n’est pas un titre de propriété, elle est considérée comme pouvant établir une présomption de propriété sur l’animal. Ce présent, offert conformément aux usages, est estimé de grande valeur par le demandeur qui n’apporte aucune preuve de la valeur réelle de la jument, ni de ses revenus à l’époque des faits, éléments permettant d’évaluer l’importance du don. Le présent offert par M. A. à Melle L. avant leur mariage, alors qu’il était à l’époque éleveur de chevaux, est qualifié de présent d’usage insusceptible de révocation par l’article 1088 du Code civil (« toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s'ensuit pas »). La demande de restitution de la jument et de ses poulains par M. A. doit être rejetée car il n’a pas la qualité de propriétaire de l’animal.

En savoir plus sur nos auteurs
- Claire BOBIN Institut du Droit Équin (IDE)
- Laurie BESSETTE Institut du Droit Équin (IDE)
