L'if à baies : plante toxique

De par son feuillage vert luisant et ses petits fruits de couleur rouge vif, l'if à baies est une espèce arbustive très prisée dans les parcs et jardins. Ce conifère est pourtant bien connu pour sa toxicité en cas d'ingestion, aussi bien pour l’Homme que pour de nombreuses espèces animales. Il représente d'ailleurs l'une des premières causes d’intoxications végétales chez les équidés, souvent mortelle. Bien que la présence de l’arbre demeure assez rare dans les prairies, il arrive que des chevaux s’intoxiquent en consommant la plante fraîche ou en ingérant des résidus de taille laissés à leur portée.

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Niveau de technicité :
if à baies
Sommaire

Comment reconnaître l’if à baies ?

L’if commun ou if à baies (Taxus baccata) est un conifère non résineux de la famille des Taxacées (Taxaceae) à feuillage touffu et persistant. S'il peut atteindre jusqu’à 15-20 mètres de haut, cet arbre/arbuste est généralement de taille plus modeste, mesurant en moyenne 2 à 3 mètres. Il présente une longévité exceptionnelle (certains spécimens âgés de plus de 1000 ans).

if à baies
If à baies - format arbre © N. Genoux / IFCE


Les feuilles

Allongées, aplaties et molles, les feuilles de l’if à baies sont des aiguilles lancéolées (à bout pointu) non piquantes, de 2 à 4 cm de longueur. De couleur vert foncé luisant sur leur face supérieure et vert pâle plus mat sur leur face inférieure, elles sont disposées en spirale autour des rameaux. La nervure principale est bien visible et saillante sur le dessous des aiguilles. Les jeunes pousses de l’année sont souples et d’un vert assez clair.

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Jeunes pousses vert clair © N. Genoux / IFCE
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Aiguilles vert foncé luisant sur le dessus et vert pâle plus mat sur le dessous © N. Genoux / IFCE


Les fruits

La fructifcation a principalement lieu en fin d'été / début d'automne. De forme ovale, les fruits de l'if à baies se composent d'une enveloppe mucilagineuse charnue de couleur rouge vif, ouverte au sommet et sucrée (appelée « arille ») qui renferme une graine d'abord verte, puis noire à maturité. Les arilles sont la seule partie non toxique de la plante.

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De petits fruits charnus de couleur rouge vif © N. Genoux / IFCE
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Zoom sur un fruit, avec l'arille enveloppant la graine © N. Genoux / IFCE


Le tronc et l'écorce

Le tronc de l'if à baies, d’où partent souvent des branches à quelques centimètres du sol, est court et noueux. Il peut mesurer jusqu’à plus de 4 mètres de diamètre chez certains vieux spécimens. Assez fine et écailleuse, l’écorce est généralement de couleur brune à brun rougeâtre, parfois très foncée voire pourpre, et se détache par plaques.

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Tronc d'un vieil if à baies © N. Genoux / IFCE
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Zoom sur l'écorce qui se détache par plaques © N. Genoux / IFCE

Milieu de vie de l’if à baies

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Ifs taillés dans un parc © L. Le Masne / IFCE

Originaire d’Europe et d’Amérique du nord, l’if commun est très répandu en France.

La plupart des spécimens à l’état naturel ayant été abattus, on le retrouve aujourd’hui quasi exclusivement dans les parcs et jardins, notamment sous forme arbustive, comme plante d’ornement (arbustes taillés, haies…). Cet arbre/arbuste est en effet apprécié pour le vert foncé luisant de son feuillage touffu, qui contraste avec le rouge vif de ses baies. Il est en outre assez résistant, supporte les grands froids, s’accommode de la plupart des sols et est facile à tailler.

Quelles sont les circonstances d’intoxication à l’if ?

Une plante très toxique, potentiellement attractive

L’if à baies est toxique pour de nombreux mammifères (dont l’Homme, la vache, le mouton, la chèvre, le porc, le chien…) et oiseaux, mais les équidés sont très sensibles à ses substances toxiques.

EspèceChevalVacheMoutonPorcChien et volailles
Dose létale minimum (grammes)100-200500100-2007530

Chez le cheval, la dose létale minimum est faible : 200 à 400 mg de feuilles/kg de poids vif (PV). Autrement dit, 100 à 200 g de feuilles suffisent à tuer un cheval de 500 kg. Cette dose est équivalente à la dose létale pour un mouton, ce qui montre que le cheval est particulièrement sensible à ce toxique.

if à baies dans un cimetière
Intoxication historique du cheval de corbillard © N. Genoux / IFCE

Historiquement, l’if était souvent planté dans les cimetières. De nombreux chevaux de corbillard ont ainsi été victimes d’intoxication, en consommant la plante par ennui lorsqu’ils étaient laissés attachés à l’entrée du cimetière pendant les cérémonies. On parlait autrefois d'une « intoxication du cheval de corbillard ». C’est ainsi que la toxicité de l’if pour les chevaux a été découverte.

Toutes les parties de l’if à baies sont toxiques, à l’exception de l'arille (enveloppe charnue rouge des fruits). Les aiguilles, les rameaux, l’écorce, le bois et les graines contiennent en effet des taxoïdes diterpéniques (alcaloïdes), dont la taxine B : une substance cardiotoxique (qui affecte gravement le cœur). Les aiguilles sont la partie la plus toxique. L’if contient également des huiles irritantes susceptibles de provoquer une inflammation gastro-intestinale.

La toxicité de la plante serait maximale en hiver, en lien avec une concentration en taxine plus élevée à cette période qu’en été.

La saveur douce et sucrée de l’arille, le fait que les aiguilles ne piquent pas et l'absence de résine, rendent la plante consommable pour les animaux. Les herbivores en consomment donc volontiers lorsqu’ils y ont accès.

Une intoxication souvent accidentelle

Aujourd’hui, bien que la présence d’if à baies soit rare dans les prairies, la plante reste néanmoins l'une des premières causes d’intoxications végétales chez les équidés. L’intoxication a en général lieu suite à l’ingestion de résidus de taille (déchets verts jetés en pâture, restes de taille non enlevés sur une pelouse où les chevaux ont accès…) ou de plante sur pied à la portée directe des équidés dans les infrastructures équestres et leur voisinage (jardins/parcs, haies…) ou lors de sorties en extérieur (attache du cheval à proximité d'un if en randonnée par exemple).

La plante reste toxique même une fois séchée (dans les fourrages par exemple).

Quels sont les signes cliniques d’une intoxication à l’if ?

La gravité des signes cliniques dépend de la quantité de substances toxiques ingérée, mais l’intoxication est très souvent mortelle.

Le plus souvent : atteinte suraiguë

La dose létale étant faible chez le cheval, l’ingestion d’if se conclut très souvent par une mort subite d’origine cardiaque, quelques heures voire quelques minutes après ingestion, le cœur en diastole.

Parfois : atteinte subaiguë

En cas de consommation de plus faibles quantités, comme par exemple quelques dizaines de grammes d'aiguilles, les chevaux peuvent manifester une forme subaiguë, avec apparition de premiers signes cliniques dans les 24 heures après ingestion :

  • Troubles cardiovasculaires : arythmies, bradycardie (ralentissement de la fréquence cardiaque)
  • Troubles nerveux : prostration, tremblements musculaires, convulsions, ataxie (troubles de la coordination des mouvements), agitation, état de faiblesse
  • Troubles respiratoires : dyspnée (difficultés respiratoires)
  • Troubles digestifs : diarrhées, coliques

L'évolution, défavorable, est en général assez rapide. La mort survient généralement dans les 24 heures suivant l’apparition des signes cliniques.

L’ingestion d’une très faible quantité de plante peut provoquer de légers symptômes : agitation peu marquée, augmentation du rythme respiratoire, légère hyperthermie…

Quel traitement ?

En général, lors d'apparition des symptômes, il est trop tard pour mettre en œuvre un traitement. Il n’existe par ailleurs pas de traitement spécifique et/ou d’antidote connu disponible pour les équidés.

En début d’intoxication, un traitement symptomatique et éliminatoire peut être tenté, avec un lavage gastrique et administration de charbon activé ou d'huile de paraffine, associés à une fluidothérapie intraveineuse. Pour lutter contre la bradycardie et les blocs auriculo-ventriculaires, on peut administrer de l’atropine par voie intraveineuse (0,025 à 0,050 mg/kg en IV).

Le pronostic reste sombre dès lors que le cheval présente des signes cliniques.

Quels sont les moyens de prévention ?

Les seuls moyens pour limiter les risques d’intoxication à l’if sont la maîtrise de l’environnement dans les infrastructures équestres et leur voisinage proche, ainsi que la vigilance des cavaliers et détenteurs d'équidés. Aucun arbre/arbuste et aucune partie de la plante ne doivent se trouver à la portée des chevaux. Pour cela :

  • Limiter au maximum la présence de l'if à baies dans l’environnement où évoluent les chevaux, en particulier à proximité des prairies de pâturage et de fauche, des paddocks, des aires de pansage/douche…
    • Proscrire la plantation d’ifs à baies.
    • Si des ifs sont déjà présents dans l’environnement, tenir les chevaux éloignés de la plante (clôtures...).
  • Assurer une bonne gestion des déchets verts :
    • Ramasser la totalité des résidus de taille/tonte.
    • Les emmener à la déchetterie.
    • Ne jamais les distribuer aux chevaux pour s’en débarrasser, en vert comme séchés (car la plante reste toxique même après dessication) !
  • Toujours rester vigilant :
    • Lors de sorties en extérieur (balade, randonnée, concours…) ⇒ ne jamais attacher (même temporairement) un cheval à un tronc d'if à baies.
    • Lors d’un changement de biotope (déménagement...).
  • Bien informer et sensibiliser le public ⇒ faire connaître la plante et les risques qui y sont liés aux cavaliers et détenteurs de chevaux.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE
  • Nathalie PRIYMENKO Docteure vétérinaire - École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT)
  • Gilbert GAULT Docteur vétérinaire - Centre National d'Informations Toxicologiques Vétérinaires (CNITV) - VetAgro Sup, École Nationale Vétérinaire de Lyon
  • Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE

Bibliographie

  • Comité National de Tourisme Équestre et Comité Départemental de Tourisme Équestre du Loir-et-Cher (2005). Guide des plantes toxiques pour le cheval. Paris, Comité National de Tourisme Équestre, 72 pages.
  • CORTINOVIS C. and CALONI F. (2015). Alkaloid-containing plants poisonous to cattle and horses in Europe. Toxins, 7(12), pages 5301-5307.
  • DELORME M. et COUDERT P. (2017). Intoxications des chevaux par les plantes. Actualités Pharmaceutiques, 56(563), pages 49-51.
  • ISLER C., PINEAU X. et ALVES DE OLIVEIRA L. (2007). Intoxication à l’if dans un élevage bovin. Bulletin des GTV, n°39.
  • KOHLHAUER M. (2014). Quelques intoxications chez le cheval. AVEF Jr.
  • MILLECAMPS J.M. (2004). L’herbier de St Georges - Guide des plantes toxiques pour les équidés. Éditions La Tanière, 132 pages.
  • PRIYMENKO N. (2018). Les différentes plantes toxiques majeures et les circonstances d'apparition. Le Nouveau Praticien Vétérinaire Équine, 12(45), pages 11-16.
  • TODOROV T., STAMBEROV P., NIKOLOV B., MANOVA G. and MAVOV V. (2019). Fatal European yew (Taxus baccata) poisoning in two horses. Tradition and Modernity in Veterinary Medicine, 4(2), pages 34-39.
  • WILSON C.R. and HOOSER S.B. (2018). Chapter 74 - Toxicity of yew (Taxus spp.) alkaloids. In : Veterinary toxicology - Basic and clinical principles. Academic Press, pages 947-954.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

Fiche réalisée avec nos partenaires

RESPE Ecole vétérinaire de Toulouse

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