Les séneçons : plantes toxiques
Plantes herbacées communes à fleurs jaunes, les séneçons sont considérés comme des adventices des prairies, notamment du fait de leur toxicité pour les herbivores en cas d’ingestion. Ils contiennent des substances toxiques qui détruisent les cellules du foie de façon irréversible. Peu attractives du fait de leur goût amer, ces plantes sont normalement ignorées par les chevaux au pâturage. Ces derniers s’intoxiquent le plus souvent en consommant du fourrage contaminé, le séchage diminuant l’amertume, ou en cas de disette au pâturage, notamment lors d’étés secs.
- Comment reconnaître/différencier les espèces de séneçon les plus fréquentes ?
- Quelles sont les circonstances d’intoxication au séneçon ?
- Quels sont les signes cliniques d'une intoxication au séneçon ?
- Quel traitement ?
- Quels sont les moyens de prévention ?
Comment reconnaître/différencier les espèces de séneçon les plus fréquentes ?
Les séneçons sont des plantes herbacées communes à fleurs jaunes appartenant à la famille des Composées (Asteraceae), dont fait partie le pissenlit. Sur les plus de 1 200 espèces de séneçon répertoriées dans le monde, trois principales espèces peuvent être trouvées en France :
- Deux espèces indigènes, originaires d’Europe :
- Le séneçon commun (Senecio vulgaris)
- Le séneçon de Jacob (Jacobaea vulgaris)
- Une espèce invasive, originaire d’Afrique du Sud : le séneçon du Cap (Senecio inaequidens)
Si elles possèdent certains points communs, ces espèces sont néanmoins assez facilement distinguables. Voici un tableau de comparaison présentant leurs principales caractéristiques.
Espèce de séneçon | SÉNEÇON COMMUN Senecio vulgaris | SÉNEÇON DE JACOB Jacobaea vulgaris | SÉNEÇON DU CAP Senecio inaequidens | ||
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Durée de vie | Plante annuelle | Plante bisannuelle, mais certains pieds persistent au-delà de 2 ans (plante alors qualifiée de vivace) | Plante vivace (pluriannuelle) | ||
Habitat | Jardins, milieux pauvres, bord de routes/chemins... | Prairies, jachères, champs cultivés, talus, bord de routes/chemins, lisière de bois... | Long des axes de communication, talus, zones abandonnées, côtes… | ||
Aspect général | Port dressé, avec des tiges ramifiées dès leur base | Port dressé, avec des tiges ramifiées au sommet (forme en éventail) | Forme buissonnante, avec de nombreuses tiges très ramifiées, couchées à la base puis qui se redressent, parfois légèrement ligneuses | ||
Hauteur (en cm) | 15-40 | 50-120 | 40-80 (parfois jusqu'à 110) | ||
Période de floraison | Répartie sur toute l'année | De mai à septembre | De juin à décembre | ||
Fleurs | Capitules de fleurs jaunes tubulées, dont l'involucre est tâché de noir | ||||
Capitules cylindriques non bordés de ligules (sortes de pétales) jaunes | Capitules de 15-25 mm de diamètre, bordés de ligules (sortes de pétales) jaunes et regroupés en corymbe au sommet des tiges fleuries | Capitules de 15-25 mm de diamètre, bordés de ligules (sortes de pétales) jaunes, à l’extrémité de chaque tige | |||
Feuilles | Alternes (disposées alternativement de part et d'autre de l'axe de la tige), très découpées, glabres (sans poils) à légèrement pubescentes (munies de poils) | Alternes, linéaires, à nervure centrale saillante, souvent munies d'un groupe de petites feuilles filiformes à leur aisselle, parfois légèrement dentées | |||
De couleur vert foncé plutôt mat | De couleur vert foncé luisant | ||||
Fruits | Akènes de forme cylindrique surmontés d’une aigrette plumeuse, de couleur blanc argenté |
Séneçon commun
Séneçon de Jacob
Séneçon du Cap
Quelles sont les circonstances d’intoxication au séneçon ?
Qu’elles soient consommées sur pied au pâturage ou séchées dans les fourrages, toutes les parties du séneçon (feuilles, fleurs, fruits…) sont toxiques pour le cheval en cas d’ingestion, particulièrement aux premiers stades de végétation (jeunes pousses). Si la plante est généralement ignorée par les chevaux au pâturage du fait de son goût amer, il arrive cependant que les chevaux en consomment dans des conditions particulières :
- En diminuant l’amertume, le séchage rend le séneçon séché dans les fourrages plus appétent que le séneçon sur pied. Les foins et enrubannés contaminés par la plante, issus de prairies de mauvaise qualité envahies par des séneçons, constituent ainsi une source majeure d’intoxication.
- En période de sécheresse au pâturage, lorsque les espèces fourragères d’intérêt commencent à souffrir et que le couvert prairial se dégrade, le séneçon, qui résiste bien aux conditions sèches, devient plus attractif. Il arrive alors que les chevaux en consomment, notamment les fleurs et les feuilles.
La plante renferme des molécules hépatotoxiques : les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP). Après ingestion, ces substances sont métabolisées au niveau du foie en métabolites très toxiques pour les vertébrés, notamment pour les chevaux, et y provoquent de graves lésions hépatiques, souvent mortelles.
Quels sont les signes cliniques d'une intoxication au séneçon ?
Suivant l’exposition du cheval à la plante, l’intoxication peut évoluer de façon chronique ou aiguë. La sévérité des signes cliniques dépend de la quantité de substances toxiques ingérée.
Une intoxication le plus souvent chronique
L’intoxication chronique fait suite à une consommation régulière de petites quantités de séneçon (de l’ordre de quelques dizaines de grammes par jour) sur plusieurs semaines. Celle-ci génère une accumulation progressive de métabolites toxiques dans le foie. Le cheval semble en bonne santé jusqu’à l’apparition brutale de signes cliniques, parfois plusieurs mois après le début de l’ingestion. Progressivement, on observe :
- Un amaigrissement sans perte d'appétit
- Une dysorexie (troubles de l’appétit) qui accélère l'amaigrissement
- Des coliques récidivantes
- De l’ictère (coloration jaune des muqueuses)
- Une photosensibilisation (sensibilité anormale de la peau à la lumière du soleil) se traduisant par des réactions allergiques
En phase plus avancée, l’atteinte hépatique est si importante que le foie ne peut plus jouer son rôle de détoxification de l’organisme. L’ammoniaque n’est donc plus métabolisé par le foie et intoxique l’organisme. S’en suivent alors des troubles nerveux, signes d’une encéphalose hépatique, avec une dégradation plus ou moins brutale selon les chevaux :
- Modifications de l’état de conscience : excitation ou, au contraire, abattement
- Ataxie (défaut de coordination motrice)
Plus rarement, des intoxications aiguës
Plus rare, l’intoxication aiguë fait suite à une ingestion en quelques jours seulement d’une quantité importante de séneçon, correspondant à 3 à 5% du poids vif du cheval (soit 15 à 25 kg). Elle aboutit à une mort rapide après apparition de troubles nerveux (phases d’excitation et d’incoordination, associées à une baisse de la vision, engendrant des blessures) et digestifs (coliques, perte d'appétit, impactions de l'intestin, soif excessive).
Quel traitement ?
Il n’existe actuellement pas de traitement spécifique disponible pour les équidés. Il est recommandé de réaliser un bilan biochimique en cas de doute, c’est-à-dire sur tout cheval ayant été présent dans un pré contenant du séneçon ou en cas de suspicion de contamination d’une balle de foin. Ce bilan permettra de vérifier l’absence de problèmes hépatiques et, le cas échéant, de mettre en place le plus rapidement possible un traitement palliatif pour soutenir la fonction hépatique avant que les signes cliniques apparaissent. Ce dernier consiste notamment à :
- Distribuer une ration plutôt riche (mais pas trop !) en glucides (mélasse, pulpe de betterave, céréales…) et pauvre en protéines (dont la métabolisation participe à la production d’ammoniaque, donc à l’apparition des troubles nerveux) en la fractionnant en un certain nombre de petits repas (4 à 6 repas/jour).
- Administrer des hépato-protecteurs.
- Mettre le cheval au repos et éviter tout stress.
Lorsque le traitement est pris à temps, les chevaux récupèrent souvent totalement. Le pronostic est sombre dès lors que le cheval présente des signes nerveux. Selon les études, la mortalité s’élève à 60% des cas.
Quels sont les moyens de prévention ?
Il s’agit de mettre en place des bonnes pratiques pour maintenir un couvert végétal de qualité sur les prairies, que ces dernières soient destinées au pâturage ou bien à la fauche, afin de ne pas offrir trop d’opportunités de développement / prolifération au séneçon. Si l’herbe est dense et de bonne qualité, les adventices (espèces indésirables, comme le séneçon) auront en effet plus de mal à se développer que si le couvert est pauvre. Pour cela :
Assurer une bonne gestion du pâturage
- Éviter le surpâturage en diminuant le chargement (nombre d’équidés par hectare) et en augmentant les temps de repos des prairies.
- Limiter le pâturage pendant les périodes sèches ou, le cas échéant, complémenter en foin.
- Faucher les refus pour favoriser une meilleure repousse des espèces prairiales.
- Mettre en place un pâturage tournant pour favoriser une pousse de l'herbe homogène.
- Mettre en place un pâturage mixte avec d'autres espèces herbivores (bovins…) pour tirer profit de leur complémentarité de pâturage.
Bien entretenir ses prairies
En prévention
Sur les sols dégarnis, effectuer un sursemis de graminées (ray-grass anglais…) et/ou légumineuses (trèfle blanc...) fourragères, voire labourer puis ressemer la prairie quand cette dernière est trop abîmée (>20% de la surface dégarnie et/ou rapport espèces prairiales/adventices trop faible).
Si seulement quelques pieds de séneçon sont présents dans la parcelle
Lorsque seulement quelques pieds de séneçon sont présents de façon éparse dans ou à proximité des prairies, il est tout à fait envisageable de les arracher à la main (surtout le séneçon du Cap) en veillant cependant à les brûler (ne pas les jeter en fumière ou sur un tas de compost, pour éviter tout ensemencement lors de l’épandage du fumier). Il est recommandé d’intervenir au stade jeune plantule ou floraison, avant la production de graines, au risque de favoriser la dissémination de la plante.
Lorsque la prairie est bien colonisée
Lorsque la prairie est déjà bien envahie, il est parfois nécessaire d’avoir recours à la lutte chimique. Il s'agit alors de désherber la prairie en appliquant un traitement herbicide localisé « anti-dicotylédones ». En limitant l'usage des désherbants uniquement sur les zones ou plantes à traiter, le traitement localisé « plante par plante » est la meilleure technique, plus raisonnée.
Des pistes de lutte biologique ?
Le recours à des « auxiliaires des cultures », comme l’introduction d’une rouille spécifique (champignon parasitant la plante et provoquant des pustules jaunes-orangées sur ses feuilles, affaiblissant les plants) ou d’un puceron prédateur du séneçon dans les parcelles colonisées, est également à l’étude. Ces derniers agissent en tant qu’antagonistes des organismes nuisibles aux cultures.
En savoir plus sur nos auteurs
- Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE
- Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE
Bibliographie
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- Comité National de Tourisme Équestre et Comité Départemental de Tourisme Équestre du Loir-et-Cher (2005). Guide des plantes toxiques pour le cheval. Paris, Comité National de Tourisme Équestre, 72 pages.
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- SARCEY G., GAULT G. et LORGUE G. (1992). Les intoxications par les séneçons chez les équidés. Le Point Vétérinaire, 23(141), pages 71-77.