Bien préparer sa jument pour la mise à la reproduction

La mise à la reproduction d'une jument est un acte réfléchi. Cela s'anticipe afin d'optimiser les chances d'obtenir un poulain. Comprendre la saisonnalité de la jument reproductrice et les facteurs influençant la cyclicité permet de mieux appréhender les techniques disponibles pour optimiser les chances de fécondation.

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Par Anne MARGAT - Pauline DOLIGEZ - | 06.11.2017 |
Niveau de technicité :
Suivi gynécologique de la jument par échographie
Sommaire

Une activité sexuelle saisonnière

La jument présente une activité cyclique saisonnière, alternant avec une phase d'inactivité ovarienne. Cette période anovulatoire s'étend de la dernière ovulation de l'année (octobre - novembre) à la première ovulation de l'année suivante (avril - mai). Les ovaires sont alors petits, les follicules qui s'y trouvent se développent peu ou pas du tout et l'ovulation n'a pas lieu. Plusieurs facteurs internes et externes peuvent influencer la durée de l'inactivité ovarienne.

Facteurs internes influençant l'inactivité ovarienne hivernale

Etat nutritionnel

L’inactivité ovarienne est favorisée à l’automne par un état nutritionnel déficitaire. Les juments maigres présentent une période d'inactivité systématique et plus longue que les juments en bon état corporel. La durée de l’inactivité ovarienne varie de zéro à 8 mois en fonction de l’état nutritionnel des juments. Ainsi environ 60% des juments adultes, en bon état corporel, non allaitantes l’été précédent ne présentent pas d’inactivité ovarienne hivernale.

La photostimulation artificielle des juments maigres est inefficace. Un état d’engraissement suffisant, maintenu ou obtenu avant l’automne (note d’état corporel : 2 à 3 sur 5) est nécessaire.

Les juments recevant une complémentation hivernale (notamment composée de protéines de bonne qualité) sortent d'inactivité ovarienne trois à six semaines plus tôt que les juments non complémentées.

Etat physiologique de la jument

Certains états physiologiques liés à un déficit alimentaire, peuvent accroître la durée de l’inactivité ovarienne.

  • Les juments allaitantes, la saison précédente et ayant subi le stress du poulinage peuvent être en déficit énergétique. Un effet poulinage + période de lactation favoriserait l'entrée en inactivité.
  • Les juments qui poulinent en période hivernale peuvent rentrer en inactivité après le poulinage soit immédiatement après celui-ci, soit après la chaleur de lait (plus fréquent).
  • Les juments sortant de l'entraînement en raison du travail intensif (déficit énergétique).

Race

Les juments de race rustique, élevées en milieu naturel ayant un déficit en nutriments pendant les mois de sécheresse. Les ponettes présentent dans 70 à 100 % des cas une phase d'inactivité contre 50 à 70 % des cas chez les juments de selle.

Age

Les jeunes juments (2 - 3 ans) en phase de croissance et les vieilles juments (> 17 ans) présentent généralement des périodes d'inactivité plus longues.

Facteurs environnementaux influençant la durée de l'inactivité ovarienne

Température

La température extérieure agit essentiellement sur la phase de transition au printemps. Ainsi, des températures froides au printemps ont tendance à retarder la première ovulation.

Troupeau de juments en hiver sous la neige
Température et logement influencent la date de sortie d'inactivité ovarienne des juments © L. Marnay
Logement

L'éclairage ou la luminosité du bâtiment influence aussi la durée d'inactivité. La jument hébergée dans un box sombre sans ouverture vers l'extérieur sera moins stimulée par l'arrivée de l'allongement de la durée du jour. A l'inverse, on observe sur le terrain qu'une jument éclairée régulièrement (soins aux écuries), bien nourrie toute l'année, tenue au box, munie de couverture (exemple des juments de concours) peut présenter une cyclicité toute au long de l'année.


Mise à l'herbe

La mise au pré des juments a un effet stimulant sur la sortie d'inactivité. La mise en pâture serait associée à un exercice physique minimum suspecté responsable d’une augmentation de la sécrétion de prolactine. Cela influencerait la croissance folliculaire et induirait la première ovulation de la saison. De même, l'ingestion d'herbe jeune et riche constitue un flush alimentaire (répercussion métabolique positive sur la fertilité et fécondité).

La photostimulation ou mise sous lumière (éclairage artificiel des juments le matin et le soir, mimant une photopériode printanière précoce) est la méthode la plus sûre (même si elle n’est pas efficace dans 100% des cas) pour avancer la 1ère ovulation de l’année. Elle ne se justifie que si l’on souhaite démarrer la mise à la reproduction de la jument avant le mois d’avril ce qui suppose un poulinage au cours du 1er trimestre de l’année suivante ce que les éleveurs de chevaux de sport et de loisir ne recherchent généralement pas.

Que faire pour préparer sa jument à la mise à la reproduction sans utiliser la photostimulation ?

Eclairer la jument suppose de pouvoir la rentrer au box ou en stabulation tous les soirs ce que tous les éléveurs de chevaux de sport ou de loisir ne peuvent pas forcément faire. Certaines précautions peuvent être prises :

Alimentation

Adapter la ration alimentaire pour que la jument soit plutôt en prise de poids à l'automne et en état tout l'hiver.
Pour les juments passant l'hiver dehors, une couverture d'extérieur ne peut qu'être bénéfique surtout si les températures de début de printemps sont basses.

Traitements pharmacologiques

A ce jour, aucun traitement pharmacologique efficace et peu onéreux n'a été mis en évidence. Les traitements à base d'injection d'hormones sont tous inefficaces sur la jument en inactivité ovarienne profonde. 

Signes de sortie d'anoestrus

Le suivi par échographie est le moyen le plus fiable pour savoir si la jument est cyclée ou non, ou en période d'inactivité ovarienne de transition.

Un signe extérieur qui peut laisser supposer que la jument commence la phase de transition ou de cyclicité est la perte du "poil d'hiver"

Suivi de la jument et choix du type de monte

Prophylaxie

Vaccinations

Les principales maladies soumises à vaccination sont le tétanos, la grippe, la rhinopneumonie et la rage. Des vaccins existent également contre l’artérite virale et la fièvre de West Nile

Il est préférable de réaliser les rappels de vaccinations chez la jument en dehors de la période de poulinage et des périodes de saillie ou inséminations. Programmer les rappels de vaccinations en période de faible activité de la jument reproductrice. Rappels à faire de préférence tous les 6 mois (grippe, rhinopenumonie), un mois avant la période d'activité intense de la jument (poulinage, saillie).

Vermifugation

Il est important de maîtriser le niveau d'infestation parasitaire de la jument reproductrice. Il est judicieux d'effectuer des coproscopies afin de déterminer quels animaux nécessitent un traitement de vermifugation. On limitera le nombre de traitement par an puisqu'on observe aujourd'hui le développement de résistances des parasites à certains anthelminthiques. Préférer vermifuger la jument pleine avant le poulinage pour limiter la contamination du futur foal.

Suivi de l'appareil reproducteur

Il est important de connaître le passé reproducteur de la jument car la gestion et la préparation de la saison suivante seront influencées. Pour des juments sans problème les années précédentes, un bon état nutritionnel et la mise sous lumière suffiront à préparer la saison.

Choix du type de monte

Bien souvent l’étalon et la technique de monte sont étroitement liés. Ne pas attendre le début du suivi de la jument pour choisir l’étalon. Prendre contact avec l’étalonnier, le gérant ou le propriétaire de l’étalon dès que possible.

Pour une jument présentant des problèmes de fertilité (jument âgée, jument mise à la reproduction l’année précédente mais n’ayant pas rempli, …) on choisira la monte en main ou l’insémination artificielle de semence fraîche avec mise en place immédiate (c-a-d. semence non réfrigérée).

Ce qu'il faut retenir

  • La photostimulation ou mise sous lumière en hiver est la seule technique efficace permettant d'avancer la date de mise à la reproduction de la jument.
  • Les juments amaigries présentent une durée d'inactivité ovarienne (anoestrus) plus longue que les juments en bon état corporel.
  • A l'automne précédant la mise à la reproduction, la jument reproductrice doit être maintenue en bon état  corporel pour que le traitement de photostimulation d'hiver soit efficace.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Anne MARGAT Coordinatrice de la formation « Inséminateur équin » et formatrice IFCE
  • Pauline DOLIGEZ Ingénieure de projets & développement « Alimentation et entretien des équidés » IFCE

Bibliographie

  • Gestion de la jument 7ème édition, juillet 2013, Institut français du cheval et de l'équitation.
  • GUILLAUME D., SALAZAR-ORTIZ J., MENASSOL J.B., MALPAUX B., CHEMINEAU P. (2010) Photopériode, métabolisme et reproduction, intérêt du modèle équin.
  • CARNEVALE E.M., HERMENET M.J., GINTHER O.J. (1997) Age and pasture effects on vernal transition in mares. Theriogenology, 47 : 1009-1018
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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