Moyens de surveillance du poulinage

Particulier ou professionnel, le poulinage est un moment qu’aucun éleveur ne souhaite manquer, d’une part pour le simple plaisir d’assister à la naissance du poulain, mais aussi et surtout pour s’assurer que tout se passe bien (ou pouvoir intervenir rapidement le cas échéant). Il est cependant très difficile de déterminer de façon précise le moment exact du poulinage. Étant très variable (de 320 à 365 jours) d’une jument à l’autre et suivant le sexe du poulain à naître, la durée de gestation n’est pas un indicateur fiable. La « règle des 11 mois et 11 jours » n’est donc pas applicable.

À l’approche de la mise-bas, la jument adopte toutefois un comportement caractéristique en parallèle des changements physiologiques qui s’opèrent pour préparer l’arrivée du poulain. Divers outils permettant de suivre l’évolution de ces paramètres comportementaux et/ou physiologiques en amont de la date de terme prévue ont ainsi été (et sont aujourd’hui encore) développés et commercialisés pour faciliter la surveillance des juments en fin de gestation et la détection du poulinage. Quels sont-ils ? Pourquoi et comment les utiliser ? Comment s’y retrouver parmi le large panel d’outils disponibles sur le marché ?

Bien qu’il existe quelques outils plus « traditionnels » à utiliser de façon manuelle, la plupart d’entre eux fait appel à la technologie. Pour ces derniers, si le(s) paramètre(s) mesuré(s) et les options proposées diffère(nt) en fonction de l’outil choisi, tous fonctionnent néanmoins sur le même principe. Un capteur placé sur la jument mesure un (ou plusieurs) paramètre(s) comportemental(ux) et/ou physiologique(s). Lorsque la valeur seuil prédéfinie d’un paramètre est dépassée, le boîtier émetteur associé au capteur envoie un signal d’alerte à un récepteur qui en informe le veilleur. Placée dans l’environnement de la jument, donc à distance et non pas directement sur la jument, la caméra intelligente (évoquée plus bas) fait figure d’exception, mais fonctionne elle aussi sur le même principe.

Lorsqu’elle se prépare à pouliner, la jument adopte un comportement caractéristique. En alternance toutes les 2 à 3 minutes, elle va ainsi généralement passer d’une position sternale ou debout à une position couchée en décubitus latéral (c’est-à-dire sur le flanc) à chaque contraction, pendant au moins 7 secondes. Le suivi de l’angle et du temps de couchage de la jument est donc un moyen de surveiller l’approche du poulinage.

Pose d’une ceinture de poulinage équipée d’un inclinomètre

La ceinture de poulinage, composée d’un surfaix avec sangle sur lequel est fixé un inclinomètre émetteur, se place derrière le garrot de la jument. Le boîtier émetteur (avec piles) étant étanche, cette ceinture peut être utilisée aussi bien sur des juments hébergées en bâtiment que sur des juments vivant en extérieur. Le système est simple. L'inclinomètre enregistre :

• L'angle de couchage de la jument (en décubitus latéral ou en position sternale)
• La durée de couchage de la jument
• La fréquence de la position

Le signal d’alarme se déclenche lorsqu’il y a maintien d’une position couchée en décubitus latéral pendant au moins 7,6 secondes (temps correspondant à la durée minimale d’une contraction). Pour les juments en fin de gestation qui se reposent majoritairement en décubitus latéral, il existe un mode spécial prenant en compte le fait qu’une contraction ne dure jamais plus de 2,5 minutes. Le système est donc basé sur une durée de 3 minutes (2 minutes 30 secondes + une marge de sécurité de 30 secondes). Si la jument est toujours couchée en décubitus latéral au-delà de 3 minutes, le système enregistre qu’elle se repose et ne déclenche pas d’alarme. En revanche, si sa position change au bout de 3 minutes, l’alarme s’enclenche.

Dans le cas d'un récepteur fixe, ce dernier peut être placé dans le local de surveillance par exemple ou encore à domicile chez le détenteur. Sa portée peut aller de 500 à 800 mètres environ, mais est dépendante de la topographie et des bâtiments. Selon les marques et les différents modèles, le récepteur peut recevoir les alertes d’un (ou plusieurs) émetteur(s). Cela permet la surveillance simultanée d’une à plusieurs jument(s). D'autres modèles proposés sur le marché fonctionnent avec un récepteur mobile muni d'une carte SIM, directement fixé sur la ceinture de poulinage (ou le licol de la jument, cf. encadré ci-dessous). Plus pratique d'utilisation, ce système transmet le signal d’alerte à plusieurs (de 2 à 4) numéros de téléphones mobiles pré-enregistrés.

Plusieurs systèmes disponibles

• Les ceintures Birth Alarm, qui possèdent trois positions de réglage :
  • L’une pour les juments ne se couchant que pour mettre bas.
  • La seconde pour les juments se reposant couchées.
  • La troisième pour surveiller les chevaux souffrant de coliques.

Il existe plusieurs modèles incluant différentes options (avec ou sans système anti-roulement, avec système de caméra WiFi, avec connexion à plusieurs téléphones mobiles…).

• La ceinture Happy Foaling (qui n'est désormais plus commercialisée en neuf)

Souvent utilisée en complément des autres outils de surveillance, la vidéosurveillance permet en outre :

• D'éviter de se déplacer en cas de fausse alerte, comme cela peut être le cas lorsqu'une jument se couche pour dormir.
• De surveiller la poulinière suitée sans interférer au cours des premières heures de vie du poulain.

Il est conseillé de privilégier une caméra sonore, avec une option « infrarouge » et offrant un champ visuel à 360°, à installer en hauteur dans le box de poulinage. L'objectif est d'avoir une vision la plus complète possible de l'ensemble. L'option « infrarouge » permet en outre de laisser les lumières éteintes pendant la nuit.

Un écran récepteur (télévision) est placé dans le local de veille ou à domicile. Le veilleur peut alors voir et entendre la jument à distance. Outre le gain en confort dans le travail, cela lui permet de surveiller la jument sans la perturber et d'intervenir seulement si nécessaire. Certains systèmes sont commercialisés avec une application pour mobile permettant de mettre en liaison le relai-récepteur et le téléphone portable. L'image est alors retransmise sur le téléphone mobile en direct, avec un système d'abonnement.

En phase de préparation à la mise-bas, la jument adopte un comportement caractéristique et devient souvent plus agitée. La surveillance de ses mouvements est donc un moyen de surveiller l’approche du poulinage.

Pose d’un accéléromètre sur la queue de la jument

Le système Easy Foal se compose d’un capteur fixé sur le haut de la queue de la jument, à l’aide d’une bande adhésive spécifique. Ce capteur mesure et enregistre avec précision les mouvements de la jument : il s'agit d'un accéléromètre 3D. Il est alimenté par une pile lithium non rechargeable. En fin de vie, ce dernier envoie une alerte de batterie faible. Il convient alors de le remplacer (et retourner l’ancien au fabricant). La durée de vie d’un capteur est d’environ 7 ans, sur la base d’une trentaine de poulinages annuels. Chaque capteur est identifié par un numéro unique, nécessaire au paramétrage du système.

La jument s’agitant en phase de préparation à la mise-bas, les mouvements enregistrés par le capteur sont suffisamment nombreux et marqués pour atteindre un seuil (défini selon des algorythmes) et déclencher un signal vers le boîtier collecteur (c'est-à-dire le récepteur). Les alertes interviennent en moyenne 10 à 20 minutes avant la naissance. La communication entre capteur(s) et collecteur se fait par onde radio, avec une portée maximale de 1000 mètres. Attention toutefois, certains éléments (tels que les murs épais, le bardage…) peuvent réduire cette distance. Étant pourvu d'une carte SIM, le boîtier collecteur transmet les informations du capteur vers un ou (plusieurs) numéro(s) de téléphone(s) mobile(s) pré-enregistré(s). Le paramétrage du système (connexion des capteurs et des numéros destinataires des alertes) ainsi que la vérification de son bon fonctionnement se font uniquement par SMS. Il est possible d'enregistrer jusqu’à 4 numéros destinataires des alertes : 2 en alerte « SMS » et 2 en alerte par appel téléphonique. Un nombre illimité de capteurs peut être connecté au collecteur. Il existe deux types de collecteurs :

• Le collecteur « INDOOR », non étanche et alimenté sur secteur.
• Le collecteur « OUTDOOR », étanche et alimenté par une batterie rechargeable.

Le kit comprend également :

• Un cordon d’alimentation (avec rallonge) pour alimenter ou recharger le collecteur. Ce cordon doit être branché sur une prise électrique directement (et non sur une multiprise) afin d’éviter d’éventuelles perturbations.
• Deux rouleaux de bande adhésive conçue pour un bon maintien du capteur sur la queue de la jument, pendant plusieurs jours (une quinzaine de jours environ). Cette bande peut être achetée séparément auprès du fournisseur de l’Easy Foal®.

Pour surveiller le poulinage, il est également possible d’utiliser des équipements qui détectent l’ouverture de la vulve de la jument, au moment où débute l’expulsion du poulain.

Pose d’un électro-aimant émetteur

Le système comporte des boîtiers d’électro-aimants à suturer à la vulve réutilisables et, selon le modèle choisi, un récepteur avec une ou plusieurs antenne(s) relais et/ou un accessoire numérotateur téléphonique.

Trois semaines avant la date du terme, un vétérinaire vient suturer, sous anesthésie locale, un boîtier muni d’un électro-aimant émetteur sur la lèvre vulvaire de la jument. Le boîtier est fixé à mi-hauteur et un peu en retrait du bord gauche de la vulve de la jument. L’aimant qu’il comporte est quant à lui relié à un fil nylon, suturé sur l’autre lèvre. L’écartement des lèvres de la vulve lors du passage des membres du poulain provoque le détachement de l’aimant, qui induit le déclenchement de l’émetteur.

Le récepteur, placé dans le local de surveillance ou au domicile de l'éleveur, est alors activé. Un signal sonore est émis et/ou le système déclenche l'envoi de messages téléphoniques vers des numéros pré-enregistrés (jusqu’à 6 numéros de téléphone, selon le modèle choisi). Fonctionnant par le biais d'antenne(s) relais, le récepteur permet de surveiller des juments à l’écurie et au paddock. Il convient toutefois de vérifier la portée (distance à laquelle il perçoit les signaux de l'émetteur) en effectuant des tests à différentes distances. Cette portée peut varier en fonction de la topographie et des bâtiments.

Plusieurs systèmes disponibles

• Abfohlsystem
• C6 Birth Control
• C6 EVO Foaling Alarm
• C6 EVO IoT (Internet of Things) Receiver
• Sigloo

Il est connu que la concentration en ions calcium (Ca²⁺) et en ions magnésium (Mg²⁺) des sécrétions mammaires augmente dans les jours précédant le poulinage. En outre, les résultats d’une étude menée par Korosue et al. (2013) ont montré que la diminution du pH (niveau d'acidité) des sécrétions mammaires au cours des 10 jours précédant le poulinage est également corrélée à l'imminence du poulinage. L’examen quotidien des sécrétions mammaires est donc considéré comme le moyen le plus fiable pour prédire l'imminence du poulinage, mais il ne permet en revanche pas de déterminer le jour exact. La technique consiste à prélever du précolostrum tous les jours, à la même heure, pour observer sa couleur, sa consistance, mesurer sa concentration en ions Ca²⁺ et son pH. Comment réaliser ces tests ? Comment déterminer la conduite à tenir suivant les résultats ?

Mesure de la concentration en ions calcium [Ca²⁺]

La mesure de la concentration en ions calcium [Ca²⁺] se fait avec des bandelettes Merckoquant®. Elles sont vendues en pharmacie par boîtes de 100 unités. D'autres marques/types de bandelettes sont proposé(e)s à la vente sur des sites spécialisés. Selon leur échelle de graduation/sensibilité, l'interprétation des résultats devra être différente ; cette dernière est précisée sur le mode d'emploi.

Mode d’emploi

• Prélever quelques mL de précolostrum.
• Se munir d'un tube à usage unique.
• Y verser 6 mL d’eau distillée, puis ajouter 1 mL de « lait », boucher et mélanger.
• Tremper une bandelette Merckoquant® pendant une seconde dans le mélange, puis la retirer.
• Lire le nombre de carrés ayant viré au rose.

Résultats et marche à suivre

Lorsque seuls 2 carrés sont roses :

• Dans 9 cas sur 10, la jument ne poulinera pas avant 4 jours.
• Dans 1 cas sur 10, elle poulinera tout de même la nuit suivante.

Si 4 carrés roses sont visibles sur la bandelette, le poulinage aura lieu dans les 2 jours à venir pour 8 juments sur 10.

Mesure du pH

Ce test se réalise avec du papier pH. Il s'agit de bandelettes ou rouleaux commercialisés en pharmacie ou en laboratoire. Choisir du papier pour une gamme de pH allant de 6 à 8, avec incrémentation de 0,2 à 0,3.

Mode d’emploi

• Prélever quelques mL de précolostrum.
• Se munir d'un tube à usage unique.
• Y verser 0,5 mL de précolostrum.
• Tremper une bandelette pH pendant une seconde dans le mélange, puis la retirer.
• Lire immédiatement le pH en fonction de la couleur.

Résultats et marche à suivre

Si le pH est proche ou inférieur à 6,4, alors le poulinage aura lieu dans les heures à venir.

Dans l'étude de Korosue et al. (2013), des expérimentations ont été réalisées sur 27 juments durant deux saisons de poulinage. L’objectif était de comparer la fiabilité de différents tests sur les sécrétions mammaires 10 jours avant le poulinage (mesures de la concentration en ions calcium [Ca²⁺], du pH et avec le réfractomètre Brix) comme moyens de prédiction du poulinage. Voici les résultats concernant la mesure du pH :

• Lorsque pH ⩽ 6,4 (vert pâle ou jaune suivant le papier pH) :
  • 54% des juments poulinent dans les 24h.
  • 97% des juments poulinent dans les 72h.
• Lorsque pH ⩾ 6,4 (vert foncé ou rose suivant le papier pH) :
  • 99% des juments ne vont pas pouliner dans les 24h.
  • 81% des juments ne vont pas pouliner dans les 72h.

Cependant, la prédiction du poulinage à l'aide de bandelettes pH doit être validée sur le terrain par la répétition de mesures.

Si l'accéléromètre et les caméras intelligentes (en plein développement) semblent offrir un bon compromis à tout point de vue, aucun outil ne représente la « panacée ». Au contraire, il est bien souvent pertinent d'en associer plusieurs entre eux, afin de combiner leurs avantages et de parer à leurs inconvénients. Tout dépend du budget et des besoins, attentes, convictions, contraintes techniques etc. de chaque éleveur. La réflexion dans le choix d'un ou plusieurs outil(s) est donc très personnelle et doit se faire au cas par cas.