Franchir un contrebas « en avant »

Dans une première fiche « Le franchissement du contrebas : choix d’une approche cognitive ou intuitive ? », Erwan Le Roux, Écuyer du Cadre noir (section CCE) expose la dualité des approches intuitive (en l’occurrence pour le franchissement du contrebas, une monte « en arrière ») et cognitive (application de la même technique que pour les autres obstacles, acquise par l’apprentissage : « en avant »). Pour toutes les raisons évoquées dans cette première fiche, il monte et enseigne le contrebas « en avant ».
Cette seconde fiche propose ses conseils techniques pour l’apprentissage du contrebas chez le jeune cheval, ainsi que pour les cavaliers, en privilégiant la monte en avant.

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Par Erwan LE ROUX - Claire TOURNEUR - | 15.04.2024 |
Niveau de technicité :
Erwan Le Roux - descente d'une marche « en avant »
Sommaire

L’apprentissage chez le jeune cheval

La monte en avant sur le contrebas, moins usitée mais plus cohérente que la monte en arrière, pourra être employée à la seule et unique condition que le cheval soit confiant en face de cet obstacle. Son éducation commencera donc au plus jeune âge.
Erwan Le Roux intègre cet obstacle de terre dans le processus de débourrage, avec le trou et le gué.


Les débuts en main

Apprentissage du contrebas en main pour un jeune cheval, sur une petite marche
Apprentissage du contrebas en main pour un jeune cheval, sur une petite marche © IFCE

Apprentissage du contrebas en main pour un jeune cheval : une marche plus importante
Apprentissage du contrebas en main pour un jeune cheval : une marche plus importante © IFCE


Les premières expériences de franchissement du contrebas sont primordiales chez le jeune cheval pendant ou à l’issue du débourrage, sur des petites marches. Nous lui apprendrons à s’approprier cet obstacle de manière naturelle à la longe, aux longues rênes pour ceux qui maîtrisent ou encore en main. On veillera à ce qu’il soit en capacité de le franchir au pas et de conserver le pas en réception. Cet apprentissage peut parfois nécessiter plusieurs séances. On s’assurera que le contrebas ne suscite absolument plus d’émotion chez le jeune cheval avant de passer à la phase montée. C’est un repère primordial !

Comme chez le cavalier novice, chez le tout jeune cheval, les premiers contrebas génèrent aussi du stress et déclenchent aussi des mécanismes intuitifs : soit il se jette à corps perdu (instinct de fuite), soit il hésite au point de rester planté devant (instinct de refus). Dans tous les cas, il faudra procéder avec lui comme avec l’élève novice en le convainquant que le contrebas est sans danger. Il fera la démarche de s’approprier cet obstacle et développera une habileté motrice pour descendre sereinement sans activer l’instinct de fuite.


Les débuts montés

Une fois cet obstacle dédramatisé et sa technique de franchissement intégrée, on commencera par l’initier au contrebas monté sur ces mêmes petites marches en reprenant la même progression au pas tout d’abord.

Utilisation de dénivelés pour l'apprentissage du contrebas
Utilisation de dénivelés pour l'apprentissage du contrebas © IFCE

Apprentissage du contrebas monté, sur une petite marche
Apprentissage du contrebas monté, sur une petite marche © IFCE

L’utilisation de forts dénivelés au pas peut être d’un grand secours. Il y apprendra à gérer le transfert de poids vers l’avant, à mettre en œuvre les chaînes musculaires adaptées et à s’approprier la perspective. Nous terminerons l’apprentissage par les premières descentes depuis le trot et le galop avec une phase de décélération très marquée en zone d’abord.


Quelques astuces pour optimiser les chances d’une progression rapide
  • Un contrebas dans une légère descente est souvent plus pertinent car les chaînes musculaires du cheval se mettent déjà en place dans la descente et la zone de réception est visible de plus loin.
  • Une planche en bois sur l’arête du contrebas incite moins au saut et demeure plus sécuritaire. Éviter les arêtes saillantes en béton ou les gros rondins.
  • Privilégier un sol meuble type sable même profond pour des réceptions confortables. Les réceptions sont souvent trop sèches sur un sol damé. Si les chevaux redoutent l’impact au sol ils se débarrasseront du saut par appréhension. Offrez-leur un matelas en réception.
  • Éviter les flaques en réception. C’est élémentaire mais fréquent en réception du contrebas.
  • Équipez-vous d’étriers à larges planchers et n’hésitez pas à faire le pont avec les rênes.

Le cheval est éduqué sur les contrebas dès lors qu’il parvient à le franchir au pas et qu’il a développé la faculté de rester au pas derrière. Dès lors, le cavalier est assuré que le cheval ne se débarrasse pas du saut et qu’il conservera son sang-froid pour rester à son écoute en réception.
Lorsque les marches deviennent plus importantes, l’abord peut continuer à se faire au pas mais sans imposer le pas derrière, c’est trop difficile et donc inutile. La marche déclenche spontanément le trot ou le galop, reste au cavalier à  concentrer son attention et ses efforts sur le contrôle de l’allure. Essayez, vous verrez c’est un exercice très facile, amusant, récréatif pour le cheval et tellement éducatif.

Avec ce conditionnement, vous n’imaginez pas à quel point la sensation de contrôle de l’allure derrière une marche peut être idéale !

L’apprentissage du contrebas « en avant » pour les cavaliers

Le choix de franchir un contrebas « en avant » répond à une volonté de préserver l'équilibre et la santé locomotrice du cheval, en choisissant de le franchir comme un autre obstacle et non en inclinant le buste vers l'arrière (technique intuitive mais moins performante). Retrouvez l'analyse technique, les avantages et inconvénients de ces deux méthodes dans la fiche « Le franchissement du contrebas : choix d’une approche cognitive ou intuitive ? »

Prérequis : un cheval maître d’école

Qu’il s’agisse de cavaliers qui veulent changer de tactique pour le contrebas ou qu’il s’agisse d’élèves s’initiant à la discipline du cross, il est primordial que le cheval en amont soit confiant, bien éduqué sur cet obstacle de terre, en un mot qu’il soit, lui, rompu à cet exercice ; c’est la condition sine qua non pour que l’apprentissage ou la rééducation soit un succès chez le cavalier ! Le meilleur enseignant sera toujours un cheval maître d’école.


Un fondamental : le gainage au service de l’équilibre

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Gainage en descente © A. Laurioux / IFCE

Tous les exercices qui sauront renforcer la capacité de gainage du cavalier seront bons à prendre. En voici quelques-uns :

  • Le galop enlevé, la variation des équilibres (2 points 2,5 points 3 points)
  • Les transitions descendantes au galop dans le dénivelé
  • Les forts dénivelés au pas avec un cavalier dans un équilibre 2 points, le haut du corps gainé
  • Galoper chaussé court ou même mieux, avec une selle de course

Les premiers contrebas

Il faut reprendre la progression chez le jeune cheval et faire à l’identique.

  • 1er contrebas au pas : garder son équilibre 2 points, voire 2,5 points, placer son regard loin, suivre la bouche en dépliant les bras, garder un gainage abdominal puissant et conserver le pas derrière.
  • Refaire de même avec des transitions descendantes depuis le trot et le galop en conservant le gainage pendant les transitions
  • Réaliser ses 1ères descentes au trot et au galop avec systématiquement une phase de décélération
  • Reprendre ensuite sur des marches en piano si vous en disposez, puis sur des marches plus importantes

Quelques idées maîtresses

Les chaînes musculaires spécifiques au gainage (les abdos, les transverses, les lombaires et les dorsaux) doivent être sollicités en amont du saut de manière consciente. Il faudra bander ces muscles du buste en zone d’abord (même lointaine) et conserver ce gainage pendant la descente sans nuire à la souplesse des bras. La notion d’indépendance des aides prend tout son sens : gainer son buste tout en serrant les doigts sur les rênes et conserver les bras « flex » n’est pas chose aisée ; il faut le conscientiser, c’est-à-dire faire la démarche d’y penser avant l’action sur plusieurs séances avant d’espérer que ce soit « inscrit dans le programme ».

• Avoir le sentiment de développer un travail collaboratif entre vous et votre cheval, privilégiez une démarche qui lui facilite la vie.
• Avoir le sentiment que le cheval prend le temps de faire les choses, que chaque dixième de seconde du saut dure une seconde, et que l’instinct de fuite est totalement annihilé.
• Avoir le sentiment de gérer votre équilibre pour être le plus léger possible à porter et limiter les impacts sur le corps du cheval en réception.

Se préparer au combinaisons complexes

Contrebas avec réception dans le gué
Premier élément d'une combinaison : contrebas réception dans le gué © M. Dhollande / IFCE

Dès lors que le cavalier n’est plus chahuté dans le contrebas, qu’une communion dans le franchissement prend forme et que le contrôle de l’allure est assuré en réception, on peut alors commencer à reproduire les situations que l’on sera amené à rencontrer en concours.
L’impérieuse nécessité de rester connecté à la bouche de son cheval, en équilibre sur ses appuis grâce à la monte en avant prend tout son sens dès lors que le contrebas est associé à d’autres obstacles.


On suivra cette progression :

  • Contrebas dans le gué
  • Combinaisons en ligne incluant un contrebas
  • Combinaisons en tournant incluant un contrebas
  • Contrebas suivi d’un directionnel en ligne droite
  • Contrebas suivi d’un directionnel en tournant

Soyez lucide et pragmatique en gardant à l’esprit que dans les combinaisons les plus complexes incluant un contrebas, ce n’est jamais la marche la réelle difficulté, mais le plus souvent ce qui se place derrière ! Imaginez un peu une grosse marche dans l’eau d’un gué et 3 foulées pour aborder un directionnel étroit et profond, à l’instar des derniers Championnats d’Europe du Pin… il vaut mieux être en pleine possession de ses moyens : équilibré et les aides au contact !

Ce qu’il faut retenir

En résumé, le cavalier sur ses étriers (pas dans la selle) en confiance, le regard placé loin, la main délicate au contact de la bouche et qui suit la bouche grâce à des bras souples et mobiles.

C’est un exercice d’équilibre, de gainage et de souplesse à la fois, de coordination, d’indépendance des aides, de sang-froid et surtout d’écoute du cheval.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Erwan LE ROUX Écuyer du Cadre noir - section CCE
  • Claire TOURNEUR Chargée de développement au pôle « Développement, Innovation et Recherche » IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 20 05 2024

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