Le suivi de la récupération après une compétition

Dans un entraînement de qualité, la gestion de la récupération est un point fondamental de l’entraînement. Cette fiche présente des moyens d’évaluation simples, souvent accessibles au cavalier isolé, et des techniques nouvelles dont les études de validation sont encore en cours.

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Par Patrick GALLOUX - Xavier GOUPIL - | 19.09.2018 |
Niveau de technicité :
Mesure de la fréquence cardiaque
Sommaire

La gestion de la récupération

Le programme de travail

Après une compétition, notamment intermédiaire, la récupération doit faire l’objet de toute notre attention. La récupération active est un protocole intéressant pour éliminer rapidement une partie des effets de l’effort de la compétition. La pratique d’une activité modérée le lendemain de l’épreuve de fond est une bonne façon d’engager ce processus de récupération, préférable à une promenade montée ou en main ou la seule mise au paddock. Alors que les épreuves internationales de type CCI, avec le CSO le lendemain du cross, nous imposent ce calendrier favorable, les épreuves intermédiaires nationales ou de type CIC ne le permettent pas toujours, notamment si le transport a lieu le lendemain. Lorsque cela est possible, le programme devrait être : CSO/Cross le jour J, travail modéré à J+1, promenade à partir de J+2. En complément du travail, l’alimentation et l’hydratation sont suivies et complémentées si nécessaire.

L’évaluation des besoins de récupération

La fréquence cardiaque pendant la récupération

Pendant la compétition, l’enregistrement de la fréquence cardiaque (FC) permet de suivre celle-ci pendant le cross mais aussi en continu pendant la récupération. Il est nécessaire de garder la sangle de mesure au moins 10 minutes après l’épreuve pour avoir une cinétique intéressante. Il apparaît que les paliers 3-4 minutes et après 10 minutes sont assez discriminants pour apprécier la qualité de la récupération, sous réserve de les comparer à des allures identiques (récupération au pas ou au trot). Toutefois, compte tenu de l’émotivité du cheval, notamment s’il récupère très bien, l’analyse devient plus aléatoire dès que la fréquence cardiaque descend en dessous de 110 bts/min.

Comparaison du suivi de la fréquence cardiaque

Graphique 1 : Comparaison du suivi de la fréquence cardiaque (le cheval est arrêté ou au pas) dans les 10 minutes qui suivent l’arrêt de l’effort à l’issue d’un cross PRO ELITE (Grand national de Saumur)

La fréquence cardiaque au repos

De nouvelles méthodes d’évaluation de l’état de récupération ont cours chez l’athlète humain et commencent à être étudiées chez le cheval [1]. Après une compétition ou un effort important, la fréquence cardiaque est enregistrée au repos tous les matins sur 7 à 10 jours. La mesure est effectuée à la même heure, pendant 15 minutes, chez un cheval calme, n’ayant pas encore travaillé.

Plus que la valeur absolue de la fréquence cardiaque de repos, on s’intéresse ici à sa variabilité qui est le résultat des influences antagonistes des systèmes nerveux parasympathique et orthosympathique. En cas de fatigue importante, un déséquilibre entraîne une moindre variation du rythme cardiaque ; un marqueur du système parasympathique peut être suivi par un des indicateurs calculé par des outils informatiques accessibles à l’entraîneur [2].

Exemple de suivi du paramètre SD1
Graphique 2 : Exemple de suivi du paramètre SD1 [3] sur 6 chevaux ayant réalisé un galop d’entraînement significatif (lactatémie finale moyenne à 10,2 mmol/L) dans les heures qui ont suivi et sur les trois jours suivants. La courbe violette illustre un cheval ayant une récupération plus difficile, inversement la courbe bleue témoigne d’un cheval retrouvant un jour plus tôt que les autres ses valeurs de référence.


Exemple d’une analyse de Poincaré
Graphique 3 : Exemple d’une analyse de Poincaré sur la variabilité cardiaque chez un cheval de spectacle du Cadre noir. Un cheval ayant pleinement récupéré présentera des nuages de points allongés (mesures du jeudi et du vendredi) tandis que le cheval fatigué (graphique du mercredi) présentera une grande dispersion des valeurs sur l’axe SD1. Ces méthodes restent expérimentales et sont en cours de validation.

Suivi de la lactatémie

Lorsque cela est possible, la mesure de la lactatémie à l’issue du cross de la compétition donne des informations très pertinentes sur la sollicitation du cheval au cours du cross. Pour cela, il est nécessaire d’effectuer une mesure à une minute et une à 10 minutes. Des valeurs à l’arrivée situées entre 8 et 12 mmol/L rassurent le cavalier qui peut envisager une reprise de l’entraînement après un microcycle de repos relatif. Chez un cheval non spécifiquement entraîné, des valeurs à l’arrivée supérieures à 15 mmol/L et qui ne sont pas redescendues à des valeurs proches de 2 mmol/L après 10 minutes doivent attirer l’attention du cavalier sur la durée de la récupération à envisager et le contenu du ou des microcycle(s) de récupération à suivre.

Il reste possible d’observer des valeurs de lactatémie élevées à l’arrivée chez un cheval très affuté ; c’est une situation qui n’est pas anormale à haut niveau, sous réserve que l’élimination soit rapide.

Suivi du poids

Largement pratiqué dans les écuries de course mais souvent occulté dans les disciplines équestres, le suivi de poids est un paramètre utile dès que le cheval a trouvé son poids de forme. Il est nécessaire de le peser avant le départ et puis tous les jours qui suivent le retour de la compétition. Certains chevaux perdent jusqu’à 20 kg et mettent entre 3 et 9 jours pour retrouver leur poids de départ. Le Dr Claire LELEU a montré, chez le cheval de course au trot, une sensibilité à la perte de poids plus importante chez les jeunes chevaux, ainsi que l’influence du tempérament du cheval, de la durée de transport ou de la température extérieure. Elle a observé une durée de retour à la normale plus importante chez les chevaux nerveux en compétition.

suivi du poids d’un trotteur

Graphique 4 : Exemple de suivi du poids d’un cheval de course (trotteur) avant et dans la semaine qui suit la compétition

Les mesures biochimiques

Les vétérinaires spécialisés en médecine sportive réalisent des mesures, notamment biochimiques, pour suivre la récupération des chevaux.

La réalisation d'une prise de sang fait partie intégrante du suivi de l'état de santé d'un cheval. Des prélèvements réguliers permettent d'établir des normes de référence propres à chaque cheval.

Ils permettent d'apprécier son état de forme, les effets de l'entrainement au cours de la saison, la tolérance du cheval en relation avec la planification des épreuves... Ils fournissent d'autre part des indicateurs précieux et précoces dans la détection de problèmes subcliniques, de méforme ou de surentrainement.

On distingue :

  • Le profil hématologique ;
  • Le profil biochimique.

Une attention particulière est observée en ce qui concerne les conditions de prélèvement. La conservation et les conditions d'acheminement du prélèvement vers le laboratoire font l'objet de toutes les attentions.

Il est difficile d'établir des normes précises pour les valeurs obtenues qui varient en fonction de l'âge, du sexe, de la race, de la discipline, du niveau d'entrainement, de pathologies intercurrentes...

En revanche, pour un même individu, il est possible de standardiser les conditions de prélèvement afin de pouvoir comparer les valeurs obtenues au cours du temps. Les facteurs de variation des résultats sont essentiellement liés au stress, à l'alimentation, à l'intervalle de temps entre la réalisation de la prise de sang et un effort réalisé antérieurement.

On s'attachera donc à prélever le cheval si possible dans les conditions les plus similaires possibles.

Le profil hématologique

Le prélèvement se pratique sur tube EDTA. Un comptage des érythrocytes (globules rouges) est réalisé. Le taux d'hémoglobine et l'hématocrite sont décrits.

En ce qui concerne les globules blancs, les différentes populations et leurs proportions sont renseignées (leucocytes, neutrophiles, lymphocytes, monocytes, éosinophiles, basophiles).

Chez le cheval de CCE, on constate fréquemment des anomalies post-effort. A titre d'exemple, une hémoconcentration (augmentation de l'hématocrite) peut se produire chez les chevaux déshydratés. Une anémie (diminution des globules rouges) traduit l'existence d'une maladie infectieuse ou inflammatoire sous-jacente. Une leucocytose (augmentation des globules blancs) motive un examen vétérinaire de l'appareil respiratoire qui est souvent très sollicité chez les chevaux de CCE.

Le profil biochimique

Suite à une charge d'entrainement ou une compétition, les paramètres classiques utiles à contrôler sont les protéines sériques. Celles-ci fournissent des renseignements sur l'état général du cheval, sur son statut nutritionnel et hydrique :

  • Le sérum amyloïde A : protéine dont le taux augmente précocement en cas d'inflammation tissulaire ;
  • Les enzymes musculaires aspartate aminotransférase (AST) et créatine kinase (CK), dont des augmentations importantes peuvent être constatées en cas de souffrances musculaires (myopathies).

La réalisation et l'interprétation de ces profils nécessitent souvent la collaboration d'un vétérinaire. Ces valeurs et les variations qui les accompagnent sont à interpréter en relation avec un examen clinique. La performance sportive est souvent dépendante d'une bonne utilisation de ces outils qui permettent la détection précoce d'un facteur limitant celle-ci.

Conclusion

La sollicitation de certains cross et l’enchaînement des compétitions intermédiaires doit conduire les entraîneurs à se doter de tous les moyens pour suivre la récupération des chevaux afin de pouvoir enchaîner sur la suite de la préparation en vue de l’objectif terminal. Même si l’œil de l’homme de cheval est puissant et permet de révéler des comportements ou des attitudes suspectes, les outils présentés ci-dessus permettent de compléter ou de confirmer son jugement et de prendre les dispositions nécessaires pour ne pas conduire au surentraînement ou laisser passer un temps de travail technique ou énergétique qui aurait pu être utile.


Mise au paddock
Photo 1 : Même de courte durée (une heure), la mise au paddock a un effet significatif et rapide sur le bien-être du cheval [5] et contribue à sa récupération.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Patrick GALLOUX IFCE - Phd, BEES 3 Équitation, ancien Écuyer du Cadre noir de Saumur, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports (HC)
  • Xavier GOUPIL Docteur vétérinaire - responsable de la clinique vétérinaire IFCE-Saumur

Bibliographie

  • [1] Etude conduite par le professeur Véronique BILLAT (https://www.billatraining.com/fr/) et dont la validation est en cours dans le cadre d’un projet financé par le conseil scientifique de l’Ifce
  • [2] Logiciel KUBIOS https://www.kubios.com/
  • [3] Le signal de la fréquence cardiaque peut être analysé dans le domaine temporel, fréquentiel ou non linéaire comme le paramètre SD1. Il représente l’écart type de la variabilité battement à battement instantanée définie par M.P. TULLPO et al. en 1996 et apparait dans l’étude de Dylan MOREAU (2017) comme un bon indicateur de la récupération dans les heures et les jours qui suivent l’effort.
  • [4] Données aimablement fournies par le Dr Claire LELEU (http://www.equi-test.com)
  • [5] Etude conduite à l’Ifce en 2018 par Mme Martine HAUSBERGER et son équipe (Université de Rennes)
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 14 05 2024

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