L'exercice quotidien : nécessaire et bienfaiteur

Le cheval a besoin d'exercice quotidien. Ce besoin est satisfait pour le cheval au pré. Mais qu'en est-il pour le cheval en box ? L'exercice fourni par le travail est-il suffisant ? De nombreuses études montrent que la mise en liberté du cheval, en plus du travail, aura des effets bénéfiques sur sa santé et son comportement... donc sur sa performance.

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Par Christine BRIANT - | 01.06.2016 |
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Des distances journalières parcourues très variables

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© Inra - UEPAO
En conditions naturelles ou semi-naturelles, les chevaux se déplacent pour accéder aux ressources et points d'intérêts : alimentation, abreuvement, zone abritée. Ces déplacements, initiés par un leader, leur permettent de parcourir leur espace vital d'un point à un autre. Ils marchent également pas à pas en broutant pendant 15 à 16 heures par jour. De cette façon, les chevaux féraux parcourent 17,9km par jour. Les chevaux domestiques placés dans les mêmes conditions parcourent au maximum 7,5km par jour.  Les chevaux domestiques sont donc plus sédentaires que leurs homologues féraux.


La distance quotidienne parcourue diminue avec la taille du pré/paddock. Ainsi dans un paddock de 2500m², ils parcourent un peu plus d'un kilomètre. Dans les nouvelles installations de type « écurie active » ou « paddock paradise » des distances de l'ordre de 5km par jour ont été mesurées.

Pour les chevaux hébergés en box, cette distance quotidienne est encore plus faible, moins de 200m ! Les raisons en sont souvent un manque de surface disponible, mais d'autres raisons sont invoquées par les cavaliers ou propriétaires qui ne mettent jamais leurs chevaux en liberté : les risques de blessures, la moindre « accessibilité » du cheval, les difficultés du pansage et une motivation inférieure au travail. Le box est alors considéré comme un environnement contrôlé et protégé.

Or, les chevaux ont besoin d'exercice quotidien, bénéfique à la fois pour leur santé et leur comportement. L'exercice fourni par le travail n'est pas équivalent à celui fourni par la mise en liberté.

Distinguer l'exercice fourni lors du travail et lors de la mise en liberté

L'allure principale utilisée par les chevaux en liberté est le pas, rarement le trot et le galop. Or, lors d'une séance d'entraînement sous la selle, les chevaux parcourent entre 2,5 et 5 km/heure - 5,8 km/heure au marcheur. Lors d'une séance de travail, les distances parcourues sont donc inférieures à celles correspondant aux conditions naturelles. De plus, l'intensité de l'exercice est concentrée sur une durée beaucoup plus courte. Les conditions de restriction apparaissent drastiques quand le cheval ne sort pas du box. Les bienfaits de la mise en liberté sont multiples et sont potentialisés si les chevaux sont en groupe, le groupe commençant à partir de 2 chevaux.

Les effets bénéfiques de la mise en liberté

Effets sur la santé, et ce, dès le plus jeune âge

Le développement musculo-squelettique   

Il est de plus en plus évident que l'exercice au cours de la phase juvénile joue un rôle crucial dans la détermination de la structure et de la composition biochimique des tissus du système musculo-squelettique (notamment le renouvellement du collagène) et améliore ainsi les qualités biomécaniques.

Une étude descriptive a été effectuée dans 21 élevages normands, sur 378 poulains de races différentes (selle-français, trotteurs et pur-sang) entre le 8ème mois de gestation et l'âge de 6 mois. Elle a mis en évidence les facteurs de risques liés à l'apparition des maladies orthopédiques du développement, qui affectent les articulations des membres des poulains, dont l'ostéochondrose. Ces maladies sont multifactorielles, avec parmi les facteurs impliqués, la génétique, la croissance, l'exercice et les pratiques alimentaires.
A l'âge de 6 mois, 47% des poulains étaient atteints, dont 37% par l'ostéochondrose. Les facteurs de risques qui sont ressortis de l'analyse statistique étaient :

  • La race, avec pratiquement 3 fois plus de risques chez les selle-français que les pur-sang ;
  • La taille au garrot à 6 mois et la rapidité de la croissance, les plus grands chevaux à croissance rapide ayant plus de risques ;
  • Et l'exercice, avec 3 facteurs significatifs :
    • La fréquence des sorties : les poulains sortis quotidiennement ou élevés à l'extérieur ont 2,8 fois moins de risque d'être atteints que ceux qui ne sont pas sortis quotidiennement ;
    • La taille des pâtures : les poulains élevés dans des pâtures de taille inférieure à 1ha à 15 jours et inférieure à 6ha à 2 mois ont 3,6 fois moins de risques d'être atteints que ceux qui sont élevés sur de plus grandes parcelles ;
    • Un changement de lot au cours des 6 premiers mois multiplie le risque d'atteinte par 2.

Il apparaît donc que l'exercice est indispensable au développement du squelette et à la qualité de l'os et augmente la résistance aux blessures. Par contre, certaines situations ou événements favorisant d'importants déplacements ou modifiant la structure des groupes peuvent favoriser les blessures.

Il a par ailleurs été constaté que les poulains sevrés élevés en box ont une circonférence de l'os du canon inférieure à ceux élevés en pâturage permanent ou en pâturage partiel 12h/24, confirmant l'hypothèse d'un effet favorable de l'exercice sur le maintien et l’accroissement du contenu minéral osseux.

Remarque : Le sexe et les pratiques alimentaires ne présentant pas de risque particulier, ce dernier résultat correspond probablement à des régimes alimentaires peu différents.

Le système musculaire

Parmi les risques liés à l'absence d'exercice, figure la rhabdomyolyse d'exercice sporadique, encore appelée coup de sang ou myoglobinurie. Elle est associée à un repos confiné, souvent non accompagné d'une réduction de l'apport énergétique, suivi d'un exercice d'intensité modérée à forte. Les signes cliniques sont assez constants avec raideur ou douleur musculaire, difficultés ou incapacité locomotrices, sudation, destruction des fibres musculaires et éventuellement myoglobinurie. Celle-ci est consécutive au passage dans l'urine d'un pigment du muscle lésé, la myoglobine (molécule proche de l'hémoglobine responsable de la couleur rouge du sang), qui colore l'urine en brun, d'où l'appellation coup de sang.

Cette affection qui était couramment rapportée chez les chevaux soumis à des périodes de travail intense, entrecoupées de périodes de repos forcé sans exercice, est rapportée dans des publications récentes, notamment chez des chevaux de course à l'entraînement, après un ou deux jours de repos.

Le système digestif

L'hébergement en box, même pour des chevaux qui travaillent régulièrement pendant 60 à 90minutes par jour et ne reçoivent pas de concentrés, augmente les risques d'impaction (= bouchon dans l'intestin provoquant des coliques). Ceci se traduit par une diminution du volume des crottins, une diminution de la proportion d'eau dans les crottins et une réduction de la motilité intestinale.

Sur le comportement à tout âge

budget temps
Budget temps du cheval au box (Berthier, 2015)
Les chevaux hébergés en box ont un budget temps modifié par rapport aux chevaux féraux ou vivant en conditions semi-naturelles

Et selon les éthologues, c'est déjà un pas vers l'altération du bien-être. En effet, si l'on compare les principales activités exercées par les chevaux en box ou de race Camargue vivant en élevage extensif, elles diffèrent sur :

  • Les activités principales de déplacement (1% du temps pour le cheval en box versus 57 à 73% du temps pour le cheval de Camargue) ;
  • Les temps de repos (37% versus 18 à 38%) ;
  • Les temps d'alimentation (45% versus 51 à 64%).

D'autres auteurs ont comparé les durées d'activité pour des chevaux en box 24h/24, en paddock la nuit, en paddock de moins ou de plus de 1ha en permanence : la durée d'activité quotidienne augmente progressivement de 1,2h à 12h par jour.


L'hébergement en box restreint donc de façon importante l'ensemble des activités.

Les chevaux non mis en liberté sont plus stressés, moins sûrs et ont une dépense d'énergie insuffisante

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© A. Laurioux
C'est ce qui ressort de plusieurs études où les chevaux qui ne sortent du box que pour travailler ou qui sortent peu en liberté (2heures par semaine), sont plus agités au box, se couchent moins et sont plus stressés (mis en évidence par mesure de la variabilité du rythme cardiaque) que ceux qui sont mis en liberté 2 heures par jour, ces derniers apparaissant plus motivés au travail.

De plus, les chevaux qui sortent en liberté 1 heure par jour font moins de défenses et comprennent plus vite les demandes du meneur lors des manipulations en main, que ceux qui ne sortent du box que pour travailler ; ceci correspond à une augmentation de la réactivité et une diminution de l’obéissance.


Par ailleurs, moins un cheval est mis régulièrement en liberté, plus il sera difficile de le faire sans risque d'accident. C'est ce que l'on appelle l'effet rebond. Celui-ci a été mis en évidence dans de nombreuses études. Ainsi, une privation d'exercice en liberté résulte, lorsque le cheval est libéré dans un enclos, en un comportement locomoteur accentué, voir intensif, comprenant ruades et roulades associées à des vocalisations, et augmente donc les risques de blessures, pour le cheval et le manipulateur.

Enfin, les effets bénéfiques de la mise en liberté sont potentialisés quand les chevaux sont en groupe. Cela a été constaté sur des poulains en cours de débourrage sur une période de 28 jours. Les poulains maintenus en boxes individuels ont demandé plus de temps pour passer les différentes étapes du débourrage que les poulains hébergés en groupe en pâture. Ceci a concerné essentiellement la période de travail à pied. Ils ont également effectué plus de défenses et de ruades en main ou montés et se sont donc révélés plus dangereux.

Les restrictions de la vie en box sont associées à l'expression des stéréotypies

Même si le manque d'espace et/ou d'exercice en liberté n'apparaissent pas majoritairement impliqués dans l'expression des stéréotypies, quand ils sont seuls présents, ils représentent un facteur de risque quand ils sont associés à l'isolement social. Une étude menée sur 1750 chevaux de sport a détecté des stéréotypies chez 32,5% des chevaux de dressage, 30,8% des chevaux de complet et 19,5% des chevaux d'endurance. Chez les chevaux de complet et de dressage, les risques augmentent avec le temps passé à l'écurie.

Mais que préfère le cheval ? Rester au box ? Travailler ? Ou sortir au paddock en liberté ?

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© A. Laurioux
Les études utilisant les conditionnements opérants et les tests de choix ont permis d'avoir une idée sur l'importance de la motivation des chevaux pour sortir dans un paddock en liberté.

Deux types de tests ont été menés. Dans un système de conditionnement opérant où les chevaux doivent travailler à coût croissant en appuyant sur un panneau pour obtenir une récompense, 3 types différents de récompenses ont été testés : nourriture, liberté seul dans un grand paddock ou liberté dans un petit paddock avec un compagnon. La motivation pour l'alimentation a été de loin la plus importante.


Les chevaux ont ensuite été soumis à des tests de choix. Ils ont préféré :

1) Le retour au box à l'exercice sur un tapis roulant, soit 4800m de trot ou 4000m de trot et 1000m de galop ;

2) La liberté dans un paddock seul au retour au box ;

3) La liberté dans un paddock avec des congénères à la liberté dans un paddock seul.

De plus, après avoir été privés de sortie pendant 48h, les chevaux ont choisi de rester plus longtemps au paddock avec leurs congénères, comme pour compenser en quelque sorte le déficit de sortie. Il apparait donc que la motivation alimentaire soit la plus forte, suivie de la motivation d'être en liberté avec d'autres chevaux.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Christine BRIANT Docteure vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Bien-être des équidés » IFCE

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Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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