Tempérament et utilisation du cheval
Tous les cavaliers peuvent l’attester : un bon cheval, ce n’est pas qu’un physique. Quelle que soit la discipline pratiquée, les qualités mentales du cheval sont déterminantes pour son utilisation. Mais que sait-on des relations entre tempérament et utilisation ?
- Petits rappels sur la notion de tempérament
- Émotivité et utilisation
- Grégarité, activité locomotrice et utilisation
- Tempérament et performances en CSO
- Tempérament et discipline
- Mode de vie et tempérament
- Ce qu'il faut retenir
Petits rappels sur la notion de tempérament
En éthologie scientifique, le caractère d’un animal est appréhendé par les notions de tempérament et de personnalité. Le tempérament est le caractère inné de l'individu qui va être modelé par l'environnement et les conditions de vie : le résultat sera la personnalité de l'animal. Dans les fiches équipédia, les deux termes sont utilisés indifféremment.
Des travaux ont établi des relations entre la mesure scientifique du tempérament (tests de tempérament complets ou standardisés et tests de tempérament simplifiés) et les capacités des chevaux à être utilisés. Ces relations sont plus ou moins fortes, cela dépend des tâches à effectuer, de la discipline et de la façon dont le tempérament a été mesuré. Malgré tout, de grandes tendances ressortent et concerneraient principalement les dimensions d’émotivité (réactions de peur), de grégarité (recherche de congénères) et d’activité locomotrice spontanée.
Émotivité et utilisation
Parmi toutes les dimensions que l’on peut mesurer, la dimension d’émotivité (réactions de peur) semble être celle qui est le plus souvent impliquée dans ses conséquences sur l’utilisation des chevaux.
Les chevaux émotifs sont en général plus difficiles à manipuler au pré, au box, lors des soins zootechniques ou vétérinaires (pose d’un cathéter, prise de sang…) et à débourrer. Ils sont aussi plus difficiles à monter quand ils sont dans leurs premières années de compétition, ou plus tard, montrent plus de comportements de défenses ou de réactions à l’environnement (écart, refus) ou tirent plus sur les rênes. Les anglo-saxons parlent de « rideability » (ou « Rittigkeit » en allemand), soit l’aptitude à être monté. Quatre études françaises montrent aussi que les chevaux émotifs sont plus difficiles à monter ou à atteler en toute sécurité par des utilisateurs peu expérimentés et à utiliser en extérieur.
D’autre part, il a été montré récemment que les chevaux peureux apprennent de manière différente des chevaux non peureux. Ils apprendraient plus vite en milieu familier quand la tâche elle-même fait un peu peur (en renforcement négatif), ce qui est la technique la plus courante. En revanche, ils apprendraient moins rapidement dans les autres cas, et notamment en milieu non familier.
Grégarité, activité locomotrice et utilisation
De même, lors des tests, les chevaux qui ont une activité locomotrice spontanée élevée ou qui bougent beaucoup quand ils sont séparés de leurs congénères, sont en général plus difficiles à manipuler au pré, au box et lors des soins quotidiens. Trois études françaises montrent qu’ils sont aussi plus difficiles à monter ou à atteler en toute sécurité par des utilisateurs peu expérimentés.
Tempérament et performances en CSO
La littérature scientifique sur les relations entre le tempérament des chevaux et leurs performances en CSO est peu abondante et ne va pas toujours dans le même sens.
Pour Léa Lansade, les jeunes chevaux les plus émotifs seraient plus performants à la longe et sauteraient plus haut au moment du débourrage. Ces derniers seraient aussi plus appréciés des cavaliers confirmés. Ceci est corroboré par une étude française non publiée : sur 24 étalons poneys de CSO de 3 ans, les sujets émotifs ont été jugés plus francs et légers par des cavaliers professionnels lors du testage. Pour Léa Lansade, les jeunes chevaux émotifs seraient plus performants en épreuves de CSO car ils feraient tomber moins de barres, lors de leurs premières épreuves.
Dans une étude hollandaise, il a, en revanche, été trouvé des relations inverses d’une année sur l’autre sur les mêmes chevaux de CSO, entre des mesures d’émotivité et de grégarité faites à 1 an et à 2 ans, et leurs performances de saut lors du débourrage à 3 ans. Dans une étude danoise sur plus de 200 chevaux de CSO de 3 ans, il a été trouvé une relation inverse entre leur réactivité pendant l’examen du modèle et 1) leur aptitude à sauter en liberté et 2) leur facilité à être monté. Et récemment, sur plus de 700 chevaux et plus de 300 poneys de CSO français, il n'a pas été trouvé de relation entre l’émotivité mesurée à 3 ans par des tests de tempérament simplifiés pendant les concours « Modèle & Allures » et les indices de performance en CSO à 4 ans et entre 4 ans et 7 ans.
Tempérament et discipline
Les chevaux spécialisés en dressage seraient plus peureux que les chevaux de CSO. Les auteurs ne sont pas d’accord sur l’hypothèse de l’origine de cette plus grande émotivité :
- Base génétique dans une étude sur des chevaux de selle suédois et des hanovriens.
- Mode de vie / type de travail dans une étude française : la vie en box augmenterait leur émotivité et la contrainte des exercices de dressage pourrait faire de même.
Mode de vie et tempérament
Le mode de vie peut modifier la réactivité des chevaux. Il a été montré dans différentes études que, par rapport à une vie en groupe, la vie en box augmentait le niveau d’émotivité, l’activité locomotrice et les défenses des chevaux quand on les manipule ou qu’on les met en liberté.
Par exemple, des jeunes chevaux vivant seuls en grand box la journée avec différents enrichissements (nourriture, objets) et la nuit en groupe et dehors étaient moins peureux et présentaient moins de défenses lors d’un test de marche en main que ceux vivant continuellement en box. Autre exemple, dans des centres équestres français, des chevaux qui vivaient en box présentaient plus de réactions locomotrices lors d’un test d’émotivité que des chevaux vivant en groupe. Il ressort de plusieurs autres études que les chevaux qui ne sortent du box que pour travailler ou qui sortent peu en liberté (2 heures par semaine) sont plus agités au box, se couchent moins, sont plus agressifs envers les congénères et sont plus stressés que ceux qui sont mis en liberté 2 heures par jour.
Ce qu'il faut retenir
Les chevaux émotifs (montrant des réactions de peur) sont plus difficiles à manipuler, à débourrer, à monter et à atteler, surtout par des utilisateurs peu expérimentés. C’est aussi le cas des chevaux qui ont une activité locomotrice spontanée élevée ou qui bougent beaucoup quand ils sont séparés de leurs congénères.
Il n’y a sans doute pas de relation entre émotivité et performances en CSO.
La vie en box (avec peu de contacts avec d’autres chevaux et peu de sorties en liberté) augmente le niveau d’émotivité, l’activité locomotrice et les défenses des chevaux quand on les manipule ou qu’on les met en liberté.
La connaissance du tempérament est importante pour choisir son futur cheval, interagir avec lui dans la vie de tous les jours et au cours du travail. En tenir compte contribue au bien-être du cheval et à la sécurité du cavalier.
Le tempérament du cheval, et notamment son émotivité, vont influencer son aptitude à l'usage auquel il est destiné. Mais il faut garder en tête que ces relations sont statistiques et que des exceptions existent. Le tempérament n’est qu’un élément, à côté d’autres facteurs importants comme la morphologie, les allures et les conditions d’utilisation et de vie du cheval, ces dernières pouvant moduler en partie ce tempérament.
En savoir plus sur nos auteurs
- Marianne VIDAMENT Docteur vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Éthologie » et « Médiation équine » IFCE
- Léa LANSADE Ingénieure de recherche en éthologie IFCE-INRAE
Bibliographie
Sources en français
- HAUSBERGER M., LE SCOLAN N., BRUDERER C. et PIERRE J.S. (1998). Le tempérament du cheval : facteurs en jeu et implications pratiques. In : Cheval, I.d. (Ed.), 24ème journée d'étude, Institut du Cheval, Paris, pages 159-168.
- LANSADE L., NEVEUX C., VALENCHON M., MOUSSU C., YVON J.M., PASQUIER F. et LEVY F. (2011). Enrichir l'environnement des chevaux permet d'améliorer leur bien-être, de diminuer leur émotivité et d'augmenter la sécurité des manipulateurs. 37ème Journée de la Recherche Équine, Paris, 37, pages 33-41.
- LANSADE L., LECONTE M. et PICHARD G. (2008). Développement d’un outil de prédiction du tempérament et des aptitudes mentales du cheval aux différentes disciplines équestres. 34ème Journée de la Recherche Équine, Paris, pages 17-28.
- LANSADE L., PHILIPPON P., HERVÉ L., COSSON O., YVON J.M. et VIDAMENT M. (2015). Validation de tests de tempérament adaptés aux conditions de terrain et relation avec l’utilisation pour le CSO. 41ème Journée de la Recherche Équine, Paris, pages 25-34.
- LESIMPLE C., FUREIX C., LE SCOLAN N., LUNEL C., RICHARD-YRIS M.A. et HAUSBERGER M. (2010). Interférences entre management, émotivité et capacités d'apprentissage : un exemple dans les centres équestres. 36ème Journée de la Recherche Équine, Paris, pages 169-176.
- VALENCHON M. (2013). Les performances d'apprentissage dépendent du tempérament de chaque cheval. Équ'idée, décembre 2013, article 2.
- VIDAMENT M., YVON J.M., LE BON M., DUMONT SAINT-PRIEST B., DANVY S. et LANSADE L. (2015). Le tempérament des chevaux mesuré par des tests standardisés : relation avec l’âge, la race et le niveau du cavalier. 41ème Journée de la Recherche Équine, Paris, pages 15-24.
- VIDAMENT M., LANSADE L., DUMONT SAINT-PRIEST B., SABBAGH M., YVON J.M., DANVY S. et RICARD A. (2016). Analyse des résultats des tests de tempérament simplifiés sur des jeunes chevaux et poneys de selle français : relation avec la performance et première évaluation de l’héritabilité. 42ème Journée de la Recherche Équine, Paris, pages 13-22.
Sources en anglais
HAUSBERGER M., BRUDERER C., LE SCOLAN N. and PIERRE J.S. (2004). Interplay between environmental and genetic factors in temperament/personality traits in horses (Equus caballus). Journal of Comparative Psychology, 118(4), pages 434-446.
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LANSADE L., PHILIPPON P., HERVÉ L. and VIDAMENT M. (2016). Development of personality tests to use in the field, stable over time and across situations, and linked to horses' show jumping performance. Applied Animal Behaviour Science, 176, pages 43-51.
LANSADE L., VALENCHON M., FOURY A., NEVEUX C., COLE S.W., LAYE S., CARDINAUD B., LEVY F. and MOISAN M.P. (2014). Behavioral and transcriptomic fingerprints of an enriched environment in horses (Equus caballus). PLoS One, 9(12), page e114384.
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