La salmonellose

La salmonellose est une maladie zoonotique commune à l’Homme et à de nombreux animaux. La bactérie responsable appartient au genre Salmonella ; il en existe de nombreux sérotypes. C’est un germe opportuniste qui peut provoquer la maladie chez les animaux stressés et les poulains.

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Par Pierre TRITZ - | 02.04.2012 |
Niveau de technicité :
auscultation d'un cheval
Sommaire

L'agent pathogène responsable de la salmonellose

Les salmonelles sont des bactéries Gram négatif qui appartiennent à la famille des Enterobacteriaceae, au genre Salmonella et à l’espèce Enterica. Parmi les 6 sous-espèces, seul le groupe I affecte les chevaux.

  • Salmonella typhimurium (appartenant au sérogroupe B) serait responsable de 60% des épisodes cliniques. Les autres sérotypes incriminés lors d’épizooties sont S. anatum, S. dublin, S. saint paul, S. ohio, S. heidelberg, S. hadar, S. thompson, S. enteritidis, S. infantis, S. derby, S. blockley. Salmonella typhimurium est le sérotype le plus pathogène.
  • Salmonella abortus équin, spécifique du cheval et responsable d’épizooties d’avortements, a disparu d’Europe, mais est présent en Asie.

Epidémiologie

La répartition de la salmonellose est mondiale. La contamination se fait essentiellement par voie orale. Les sources de contamination les plus fréquentes sont l’eau de boisson, les aliments, les pâtures contaminées et les animaux domestiques infectés. Salmonella peut survivre plus de 300 jours dans le sol, plus de 30 mois dans les crottins et plus de 9 mois dans l’eau. Il est à noter une incidence plus importante de cas cliniques dans des élevages de chevaux où se côtoient plusieurs espèces (bovins, volailles...). Certains chevaux sont porteurs asymptomatiques (actifs ou passifs) et peuvent excréter la bactérie.

Les facteurs d’environnement et de stress, tels des conditions climatiques difficiles, un transport, une autre maladie, une anesthésie ou une chirurgie récente (notamment chirurgie des coliques), un changement alimentaire, augmentent la réceptivité de l’animal et sont fréquemment associés à la salmonellose clinique. Les fortes infestations parasitaires, notamment les cyathostomoses larvaires, se compliquent assez fréquemment de salmonellose.

La salmonellose : tableau clinique

Il y a 3 formes cliniques décrites et reproduites expérimentalement ; à savoir une forme fébrile avec abattement, fièvre, neutropénie sous diarrhée, une forme entéritique, une forme septicémique. A ces 3 formes, il convient de rajouter une forme abortive.

La forme fébrile

Elle associe fièvre, dépression, anorexie. Elle est rencontrée chez des porteurs asymptomatiques soumis à un stress médical (antibiothérapie à large spectre par exemple), chirurgical (anesthésie générale, chirurgie des coliques) ou stress de transport. On peut constater une neutropénie au début de l’affection. Elle peut guérir spontanément mais les animaux peuvent continuer à excréter pendant un mois.

La forme entéritique

Elle se traduit par une diarrhée profuse et aqueuse qui survient en général 24 à 48 heures après l’hyperthermie. Elle évolue vers une diarrhée sanguinolente et se complique d’un choc toxinique et hypovolémique.

La forme septicémique et l’entérite épizootique

Ces formes sont rencontrées le plus souvent chez le poulain. Elles sont souvent mortelles en 24 à 36 heures, avec une déshydratation et un affaiblissement rapide. Les poulains peuvent mourir d’un choc septique ou être atteints d’une polyarthrite secondaire.

La forme abortive

Elle est devenue très rare. L’avortement peut se produire soudainement sans prodromes. Il y a parfois de l’anorexie, de la fièvre et une légère diarrhée.

Comment diagnostiquer la salmonellose ?

Le diagnostic de suspicion peut être posé sur un cheval présentant une diarrhée, de la léthargie et de la fièvre. Chez le poulain, toute septicémie ou diarrhée enzootique peut être évocatrice.

Le diagnostic différentiel doit se faire avec l’ehrlichiose, les clostridioses et les colites idiopathiques. Les modifications hémato-biochimiques les plus fréquentes sont une hémoconcentration, une leucopénie, une leucocytose qui peut apparaître après plusieurs jours d’évolution, une augmentation de la créatinine > 20, une hypoalbuminémie < 25g/L, une hyponatremie, une hypochlorémie, une hypokaliémie.

Le diagnostic de certitude est bactériologique : il est surtout réalisé chez l’animal vivant par coproculture, ou hémoculture lors de septicémie, ou par culture de synorie lors d’arthrite. La sensibilité des cultures est de 20 à 40% ; elle peut être augmentée par la répétition des prélèvements 5 jours de suite et en associant la recherche de micro-organismes dans une biopsie rectale. Post mortem, les cultures de la muqueuse du colon et des ganglions mésentériques permettent également d’isoler la bactérie.

Pour dépister les porteurs sains, il faut réaliser trois coprocultures à 15 jours d’intervalle. Le diagnostic sérologique n’est pas utilisé en routine.

Laboratoires de référence

  • Pour la bactériologie : le Laboratoire Vétérinaire Départemental 53 et72 et le Laboratoire Départemental Franck Duncombe 14.
  • Pour la sérologie : AFSSA Alfort, Laboratoire Départemental Franck Duncombe 14.

Comment traiter la maladie ?

Il faut corriger les désordres hydro-électrolytiques par une fluidothérapie agressive. Un cheval de 450kg qui a une diarrhée sévère et une déshydratation de 10% environ a besoin de 45 litres pour rétablir le déficit, puis de 30 à 40mL/kg par jour, pour maintenir un état d’hydratation suffisant. On utilise des solutions polyioniques tel le Ringer lactate. Il peut être intéressant d’administrer 2 litres de chlorure de sodium hypertonique en cas d’urgence.

L’administration orale de liquide est d’un grand intérêt, soit à la sonde naso-oesophagienne soit en libre service.

Il faut diminuer l’inflammation du colon par administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, de salicylate de bismuth.

Il convient également de lutter contre l’endotoxémie par administration de Flumixine à 0,25mg/kg 3 fois par jour par voie intra-veineuse et d’absorbants intestinaux comme le charbon actif par voie orale pour limiter le passage sanguin des toxines.

Il est également important de prévenir ou de traiter les complications de l’endotoxémie, à savoir la coagulation intravasculaire disséminée ou la fourbure, par administration d’héparine (20 à 80 UI/kg) par voie sous cutanée ou intra-veineuse toutes les 6 à 12 heures, d’aspirine 15 mg/kg par voie orale toutes les 24 à 48 heures.

L’usage de l’antibiothérapie est controversée. Elle est intéressante chez les adultes débilités atteints de neutropénies, de formes septicémiques et chez les poulains de moins de 6 mois. La plupart des souches sont sensibles au Triméthroprim sulfamides, à la gentamicine, au Celfotiur, aux quinolones. Les antibiotiques n’accélèrent pas la guérison de la diarrhée mais empêchent la dissémination des salmonelles dans tout l’organisme.

Prophylaxie

Les mesures de prévention sont sanitaires, à savoir les mesures d’hygiène et de conduite d’élevage classiques. La gestion des animaux doit se faire par lot, il faut séparer les chevaux à l’entraînement et les chevaux d’élevage. L’hygiène doit être rigoureuse, notamment de l’eau de boisson, des aliments et des locaux.

Il faut également limiter la densité animale et réduire les facteurs de stress. Les chevaux malades sont isolés dès que possible, en particulier séparés des juments poulinières : ils peuvent en effet contaminer fortement leur environnement (fumiers, boxes, etc…).

Il est nécessaire de stocker le fumier à part et de le brûler. Il faut être attentif à l’hygiène des bottes et des mains à cause du risque d’extension au reste du troupeau et du risque de zoonose. Les locaux et le matériel contaminés sont désinfectés après nettoyage avec de la soude à 2%. Une prévention médicale de la forme néonatale est possible chez le poulain par administration d’immuno-sérum contre Salmonella typhimurium et Salmonella dublin.

Réglementation

La salmonellose n’est pas une maladie à déclaration obligatoire dans l’espèce équine, alors qu’elle l’est dans l’espèce porcine.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Pierre TRITZ Dr vétérinaire, membre du RESPE et Président de la commission épidémiologie de l’AVEF

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Date d'édition : 14 05 2024

Ressources à télécharger

Dépliant Ifce : Pharmacie vétérinaire
Dépliant
La pharmacie vétérinaire

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