Impacts des antiparasitaires sur l'environnement

Dans un souci de contrôle de la charge parasitaire des animaux, des vermifuges sont régulièrement administrés. Après leur transit dans le tube digestif des animaux, les molécules actives sont en partie éliminées dans les crottins, perturbant potentiellement l’écosystème qui assure la dégradation de ces derniers. Quelques travaux sont conduits afin d’en mesurer les effets et conséquences.

2

Par Laetitia LE MASNE - Marie DELERUE - | 01.06.2017 |
Niveau de technicité :
vermifuges
Sommaire

Parasitisme et vermifugation

Les principaux parasites digestifs du cheval sont des vers ou des larves d’insectes (gastérophiles). Les chevaux peuvent être infestés à des degrés divers, selon la pression parasitaire du milieu et leur immunité propre notamment. Le parasitisme interne est la première cause de coliques chez le cheval et peut conduire à la mort dans les cas les plus graves.

impacts des antiparasitaires sur l'environnement
Administration d'un vermifuge © A. Laurioux
De façon préventive, les chevaux sont traités avec des antiparasitaires :

  • Certains sont des vermifuges qui tuent les adultes mais pas les œufs. Ils ont, par ailleurs, peu de propriétés insecticides et ne sont donc pas les plus dangereux pour les insectes.
  • D’autres, les « endectocides » (littéralement « qui tuent à l'intérieur et à l'extérieur »), ont des propriétés insecticides. Beaucoup plus utilisés, ils sont neurotoxiques pour les parasites externes du cheval (mouches, taons, moustiques et tiques), mais aussi pour les papillons, les coléoptères... car ces produits ne sont pas spécifiques pour une espèce. Ces molécules appartiennent aux familles des avermectines et des milbemycines, et leurs représentants les plus connus sont l'ivermectine et la moxidectine. Elles sont ensuite rejetées dans l'environnement en continu, principalement par les urines et les crottins de l'animal. Les études montrent par ailleurs que c'est bien la molécule-mère entière qui est rejetée. En France, ces molécules représentent 72% des traitements administrés aux chevaux (source).

En outre, ces traitements sont devenus systématiques et généralisés, induisant l’apparition de résistances qui diminuent l’efficacité des molécules utilisées et engendrent un questionnement pour protéger les animaux à l’avenir.

Impacts de la présence d'antiparasitaires dans les crottins

Devenir des crottins : un recyclage indispensable

Très rapidement après leur dépôt sur le sol, les crottins sont colonisés par des insectes dits « coprophages » (consommant des matières fécales) - diptères (mouches diverses), coléoptères, scarabéidés (dont bousiers) - ainsi que des lombrics. Ces insectes assurent la dégradation et l’enfouissement des déjections. Dans le sol, les micro-organismes assurent ensuite le recyclage de la matière organique afin de la rendre à nouveau valorisable par les plantes. En régions tempérées humides, 80 à 150 jours sont nécessaires à la dégradation totale d’une déjection. En conditions sèches, la disparition d’un crottin peut prendre 2 ans…

Ce recyclage est indispensable :

  • Il assure un amendement organique très conséquent, riche en azote et en minéraux, des prairies fréquentées par les animaux.
  • Il évite l’accumulation des déjections animales sur le sol, sources de refus de pâturage car les animaux évitent de pâturer à proximité de leurs déjections. Cette accumulation engendre également des risques sanitaires. On note, par exemple, la multiplication de mouches hématophages qui pondent dans les déjections, où leurs larves se développent. Les adultes s’attaquent ensuite aux animaux, qu’ils piquent pour se nourrir de leur sang. Outre la gêne occasionnée, ils sont potentiellement vecteurs de maladies.

Des impacts variables selon la molécule utilisée

Les impacts des antiparasitaires sont bien documentés et tous les produits utilisés ne présentent pas le même risque pour l’environnement. Parmi ceux dont l’élimination se fait par voie fécale :

  • Les molécules les plus anciennes : phénothiazine, coumaphos, ruelène, pipérazine et dichlorvos ont des effets nocifs sur les insectes coprophages tels que les diptères et les scarabéidés. Pour le dichlorvos, l’effet était considérable pendant les 10 premiers jours. Les essais conduits ont montré qu’après 8 mois, il reste 57% en poids sec des crottins de chevaux traités alors que ceux des chevaux témoins ont « disparu ». Ces molécules ne sont plus commercialisées de nos jours.
  • Les benzimidazoles (exemple : fenbendazole) n’ont pas d’effet significatif sur les coléoptères.
  • Parmi les lactones macrocycliques :
    • Les avermectines, qui persistent dans l’organisme des animaux pendant plusieurs semaines, assurent sa protection, mais génèrent aussi une élimination progressive et longue dans les fèces. Elles y sont retrouvées en grande proportion, à des concentrations variables. On observe alors des effets létaux (mortalité) ou sub-létaux (perturbation du développement, de la fertilité) de la faune coprophage - notamment les larves - mettant en péril la survie de certaines espèces (diptères, coléoptères) ainsi que l’équilibre de l’écosystème pâturé. Les vers de terre ne semblent pas affectés. Les résultats des études menées sur ces molécules sont néanmoins contradictoires.
    • La moxidectine (milbémycine) semble quant à elle moins toxique pour les insectes coprophages : les coléoptères y sont peu sensibles, mais la survie de certains diptères est réduite. Néanmoins, du fait de sa durée d'action plus longue, la durée d'excrétion de la moxidectine dans les fécès chez le cheval est bien supérieure à celle de l’ivermectine : 75 jours contre 40 après une administration par voie orale. De plus, la toxicité de ces deux molécules sur les organismes aquatiques est majeure.

Impacts des antiparasitaires sur les insectes coprophages : une étude « cheval »

Cette étude, conduite entre 2012 et 2014 dans la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais, a évalué l’impact des antiparasitaires sous deux angles :

  • Une enquête auprès des centres équestres relevant les pratiques en matière de traitements : logique d'administration, rythme, mode de vie des chevaux, type et quantité de molécules utilisées...
  • Un piégeage systématisé de coléoptères coprophages dans deux types de sites : des zones fréquentées par les chevaux, à proximité de centres équestres, et des zones non fréquentées par les chevaux.

Les résultats montrent une corrélation entre la présence de chevaux et l'abondance des coléoptères coprophages. Le cheval a un effet sur les populations de coléoptères et probablement sur l’écosystème forestier en général. Cet effet peut être positif (apport de crottin) ou négatif (toxicité des vermifuges utilisés). Ainsi, les coléoptères sont plus petits dans les zones fréquentées par les chevaux.

impacts des antiparasitaires sur l'environnement
© A. Laurioux
Par ailleurs, les pratiques montrent que les traitements (notamment aux avermectines) sont trop fréquents et que le recours à un avis vétérinaire est rare avant le traitement. Cela pose divers problèmes : outre les effets sur la biodiversité, l’apparition de résistances, le non-respect de la règlementation sur la délivrance de médicaments, la perte de contrôle sur la diffusion des molécules toxiques dans l’environnement... en plus de coûts de prophylaxie probablement plus élevés que nécessaire pour les structures.

Limiter les risques : optimiser l'utilisation des antiparasitaires

impacts des antiparasitaires sur l'environnement
Agir sur le milieu extérieur avant de traiter les chevaux © L. Marnay
90% des éléments parasitaires se trouvent dans le milieu extérieur, contre seulement 10% dans l’organisme des chevaux. Par conséquent, la vermifugation au bon moment ne suffit pas et donc l’action sur le milieu extérieur est indispensable !

Un ensemble de bonnes pratiques permettent de diminuer la charge parasitaire au box, mais aussi dans les paddocks et herbages.

Les traitements antiparasitaires doivent être raisonnés en fonction des conditions d’entretien des chevaux et des cycles parasitaires, mais également de la sensibilité individuelle des chevaux.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE
  • Marie DELERUE Docteure vétérinaire - experte sanitaire spécialité équine et ingénieure de recherche & développement IFCE

Bibliographie

  • BLOOR J.M.G., JAY-ROBERT P., LE MORVAN A. et FLEURANCE G., 2012. Déjections des herbivores domestiques au pâturage : caractéristiques et rôle dans le fonctionnement des prairies. Inra Prod. Anim., 25(1), pages 45-56.
  • BRUXAUX J., 2013. Effets environnementaux des antiparasitaires endectocides dans le cadre des parcs nationaux et du pastoralisme : exemple de l'ivermectine. Thèse vétérinaire, VetAgro Sup Lyon.
  • ECHASSOUX A., ENRIQUEZ B., GASPARINI J., KADIRI N. et LUMARET J.P., 2014. Recherche-action sur l’effet des médicaments antiparasitaires équins sur la biodiversité du sol en forêt dans la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais. 40ème Journée de la Recherche Équine, pages 119-127.
  • JACQ E., 2007. Impact des produits antiparasitaires sur la faune coprophage des pâtures : bilan et préconisations. Rapport de stage Master 2, Ecocaen.
  • LUMARET J.P., 2001. Impact des produits vétérinaires sur les insectes coprophages : conséquences sur la dégradation des excréments dans les pâturages. Réunion du conseil scientifique de la réserve naturelle des Hauts plateaux du Vercors, 25 janvier 2001.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 08 05 2024

Cette fiche vous a-t-elle été utile ?