Médicament vétérinaire : prescription et délivrance

La prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires sont strictement réglementées en France. L'automédication est non seulement interdite, mais est également dangereuse pour la santé des équidés. Des signes cliniques qui semblent similaires au premier abord peuvent être la résultante de diverses maladies. Un examen clinique par le vétérinaire est donc primordial.

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Par Marie DELERUE - | 10.04.2024 |
Niveau de technicité :
médicament vétérinaire
Sommaire

Qu'est-ce qu'un médicament vétérinaire ?

médicament vétérinaire
© B. Lemaire / IFCE

D'après le code de la santé publique, un médicament vétérinaire correspond à toute substance ou association de substances qui possède des propriétés curative ou préventive à l’égard des maladies animales. Elle peut être administrée :

  • Soit en vue de restaurer/corriger/modifier des fonctions physiologiques (anti-inflammatoires ou antibiotiques par exemple).
  • Soit en vue d'établir un diagnostic médical (test à la fluorescéine pour mettre en évidence un ulcère de la cornée, sédatif ou tranquillisant pour faciliter un examen par exemple).

Le développement d’un médicament vétérinaire par un laboratoire pharmaceutique est strictement réglementé. Des études doivent démontrer son innocuité (le fait qu'il n'est pas toxique) et son efficacité. Des procédés de fabrication et de contrôle sont également mis au point et garantissent une production industrielle de qualité.

La plupart des produits vendus pour les chevaux sur internet sont des aliments complémentaires. Ils ne sont pas soumis à cette validation stricte. Les allégations commerciales, concernant d’éventuels effets thérapeutiques, doivent être prises avec précaution (vermifuge à base de plantes par exemple).

En France, un médicament vétérinaire ne peut être commercialisé que s’il a obtenu une autorisation administrative, appelée « Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) ». Celle-ci est délivrée par l’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire (ANMV), qui est l’autorité compétente en matière d’évaluation et de gestion du risque pour le médicament vétérinaire en France. Seuls les médicaments possédant une autorisation peuvent être prescrits. Dans le cas où il n’existe pas d’AMM en France, le vétérinaire peut demander une autorisation d’importation auprès de l’ANMV.

La prescription du médicament vétérinaire

La prescription, qui se matérialise par la rédaction d’une ordonnance, est un préalable indispensable avant la délivrance du médicament. Cette prescription est obligatoire dans la plupart des cas.

Qui prescrit ?

Seul un vétérinaire inscrit à l’Ordre national des vétérinaires peut prescrire un médicament vétérinaire à un équidé.

Quel est le préalable à la prescription ?

L’ordonnance est rédigée :

  • Soit après un examen clinique du cheval (cas classique).
  • Soit, de manière dérogatoire, sans examen clinique préalable, MAIS dans le cadre spécifique du suivi sanitaire permanent de l’élevage par le vétérinaire de l’effectif.

Qu’est-ce que le suivi sanitaire permanent de l'élevage ?

Un détenteur d’équidés peut, s’il le souhaite, désigner un vétérinaire qui sera en charge du suivi sanitaire permanent de l’élevage/écurie. Ce vétérinaire doit obligatoirement dispenser des soins réguliers aux équidés de la structure, présents dans le registre d’élevage.

Le bilan sanitaire de l’élevage/écurie

Ce vétérinaire réalise alors un Bilan Sanitaire de l’Élevage/Écurie (BSE) tous les ans : il s'agit d'un document qui établit l’état sanitaire de référence des équidés. Il synthétise un certain nombre de données sanitaires de la structure durant les 12 derniers mois (maladies rencontrées, performances sportives, état corporel des animaux, mortalités éventuelles…). Ce BSE permettra de définir, en accord avec le détenteur des équidés, quelles sont les affections contre lesquelles il faut lutter en priorité. Pour établir ce BSE, le vétérinaire se basera sur les éléments enregistrés dans le registre d’élevage et sur une évaluation de l’état clinique des équidés au cours de sa visite.

Le protocole de soins

Dans la continuité du BSE, le vétérinaire rédige ensuite un protocole de soins vis-à-vis des affections jugées prioritaires dans le BSE. Ce protocole comprend :

  • Des mesures générales de prévention (vaccination, vermifugation, alimentation, quarantaine, isolement des animaux malades, circuit de soins…).
  • La liste des affections pour lesquelles une prescription d’un médicament sans examen clinique est possible.
  • Pour chaque affection : les mesures sanitaires de lutte, les modalités de mise en œuvre des traitements, ainsi que les critères d’alerte déclenchant une visite du vétérinaire (jetage purulent par exemple).

La visite de suivi

Le vétérinaire désigné doit réaliser au minimum une visite de suivi par an, durant laquelle l’application du protocole de soins est évaluée.

Même dans le cadre d’un protocole de soins, la rédaction d’une ordonnance avant prescription est obligatoire. Seul l’examen clinique n’est pas obligatoire.
Quel médicament le vétérinaire peut-il prescrire ?

Le vétérinaire doit prescrire, en première intention, un médicament qui possède une autorisation administrative (AMM) pour les équidés et pour l'indication thérapeutique visée (soulagement de la douleur abdominale, traitement contre les strongles… par exemple). Si ce médicament n'est pas disponible pour l'indication souhaitée, il peut, de manière exceptionnelle, prescrire dans l'ordre :

  • Un médicament vétérinaire autorisé en France ou un autre État membre de l’Union Européenne (UE), quelles que soient l’espèce et l’indication concernées.
  • Un médicament à usage humain autorisé en France.
  • Un médicament vétérinaire en préparation extemporanée (préparé par une pharmacie) selon les termes d’une ordonnance vétérinaire.

C'est ce qu'on appelle le principe de la cascade.

Il est interdit d’importer un médicament vétérinaire d’un autre pays sans autorisation préalable de l’ANMV.
À quel cheval ?
Avant de prescrire un médicament, le vétérinaire doit :
► Contrôler l'identité du cheval.
► Connaître le statut du cheval vis-à-vis de la consommation humaine.
► Savoir si le cheval participe à une compétition/course prochainement.

Contrôler l'identité du cheval

Avant toute prescription, le vétérinaire doit vérifier l’identité du cheval sur présentation du document d'identification de ce dernier et s’assurer que l’ordonnance s’adresse au bon animal. Il ne peut donc pas traiter un cheval non identifié.

Connaître le statut du cheval vis-à-vis de la consommation humaine

Le cheval est un animal de rente et peut donc être destiné à la consommation humaine. Pour assurer la sécurité du consommateur, une bonne traçabilité de l’information relative à la chaîne alimentaire est indispensable. L’administration d’un traitement médicamenteux est donc réglementée.

L’administration de certains médicaments exclut, de fait, le cheval de la consommation humaine de manière définitive. L’exclusion définitive est notifiée par le vétérinaire dans la partie II du feuillet médicamenteux, inséré dans le document d’identification du cheval, ainsi que dans la base SIRE. Elle concerne des médicaments pour lesquels aucune Limite Maximale de Résidus (LMR) n’est fixée. C’est par exemple le cas de la phénylbutazone (Equipalazone®). En effet, la LMR correspond au seuil au-dessus duquel la quantité de substance médicamenteuse dans la denrée alimentaire (lait, viande) est trop importante et peut être dangereuse pour la santé humaine. Cette LMR est donc associée à un délai d’attente, période pendant laquelle le cheval ne peut être abattu pour la consommation humaine. Ce temps d'attente débute à partir de la dernière administration du médicament vétérinaire à l'animal dans les conditions normales d'emploi.

Certaines substances dites « essentielles », du fait de leur importance dans l’arsenal thérapeutique vétérinaire, bien que dépourvues de LMR, excluent le cheval pendant un délai d’attente forfaitaire de 6 mois. L’exclusion temporaire est notifiée par le vétérinaire dans la partie III du feuillet médicamenteux et dans la base SIRE. C’est par exemple le cas de l’acépromazine (Calmivet®, Vetranquil®).

Pour les autres médicaments avec LMR, un délai d’attente est inscrit par le vétérinaire sur l’ordonnance. Il s’agit de la durée pendant laquelle le cheval ne peut être envoyé à l’abattoir.

Le délai d’attente ne doit pas être confondu avec le délai dopage, pendant lequel le cheval peut être positif à un contrôle anti-dopage.

Si le cheval a pour vocation d’être exclu de la consommation humaine, le vétérinaire peut alors prescrire un médicament sans LMR.

À l'inverse, si le cheval est maintenu dans la filière bouchère, seuls des médicaments possédant une LMR définie pour les équidés ou autres animaux de rente, ou des substances essentielles, peuvent être administrés.

En cas d’exclusion de la consommation humaine, le vétérinaire doit en informer la base de données centrale SIRE. Pour plus d'informations, consulter la page SIRE relative à l'exclusion consommation & abattage.

Savoir si le cheval participe à une compétition/course prochainement

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© Jehanne Ketterlé

Conformément aux règlements des compétitions (FFE, FEI, SHF) ou aux codes des courses au Galop et au Trot, la plupart des médicaments ne doivent pas être retrouvés dans l’organisme du cheval le jour d’une compétition ou d’une course, et même dans les trois jours qui précèdent la course.

Des temps de détection ont été calculés par différents organismes - la Fédération Équestre Internationale (FEI) et le European Horserace Scientific Liaison Comittee (EHSLC) - de manière expérimentale. Ce temps de détection se définit comme le délai approximatif pour que la substance ne soit plus détectée dans l’organisme du cheval par le laboratoire.

Le vétérinaire pourra donc, si cela est possible, adapter le choix du médicament en fonction des échéances (compétitions/courses) à venir. Il pourra notifier ce délai dopage sur l’ordonnance. Ce délai est uniquement indicatif. En cas de doute, un prélèvement peut être envoyé au Laboratoire des Courses Hippiques (LCH) pour vérifier, avant la compétition, que le cheval est bien négatif vis-à-vis de la substance administrée. Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site de la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH).

La délivrance du médicament vétérinaire

Deux types de personnes sont habilitées à délivrer des médicaments vétérinaires :

  • Un pharmacien, uniquement sur présentation d’une ordonnance.
  • Un vétérinaire, pour les médicaments qu’il a lui-même prescrits.
En médecine humaine, on constate qu'environ la moitié des médicaments vendus sur internet dans le monde sont des contrefaçons présentant au minimum un défaut de qualité et étant aussi potentiellement nocifs pour la santé. Pour ce qui est des médicaments vétérinaires, la proportion de contrefaçons n'est pas connue précisément, mais on peut penser qu’elle est équivalente à celle décrite en pharmacie humaine. En France, la vente de médicaments vétérinaires sur internet est interdite.

FAQs : les pièges à éviter !

Le vétérinaire peut-il prescrire un médicament sans examiner le cheval concerné ?

OUI, mais uniquement si le cheval fait partie d’un lot de chevaux pour lesquels un suivi permanent de l’écurie a été réalisé et que ce médicament fait partie du protocole de soins établi suite au Bilan Sanitaire d’Élevage/Écurie (BSE).

Le vétérinaire peut-il délivrer un médicament sur présentation d'une ordonnance d'un vétérinaire qui exerce dans une autre clinique ?

NON, le vétérinaire ne peut délivrer un médicament que s’il l’a lui-même prescrit. Le médicament prescrit devra, dans ce cas, être acheté dans une pharmacie.

Le vétérinaire peut-il prescrire un médicament humain pour un cheval ?

OUI, s'il n'existe pas de médicament vétérinaire adapté et disponible pour les équidés ou une autre espèce animale permettant de traiter sa maladie en France ou dans un autre État membre de l'UE. Seul un pharmacien pourra alors délivrer ce médicament humain.

Est-il indispensable de présenter le document d’identification du cheval lors d’un examen clinique suivi d’une prescription ?

OUI, le vétérinaire doit vérifier l’identité de l’animal et vérifier son statut vis-à-vis de la consommation humaine. Selon la substance utilisée, il pourra être amené à remplir le feuillet médicamenteux pour exclure le cheval de la consommation temporairement ou définitivement.

Est-il obligatoire pour une structure d’avoir un Bilan Sanitaire d’Élevage/Écurie (BSE) et un protocole de soins ?

NON, le BSE n’est pas obligatoire. Son intérêt est à discuter avec votre vétérinaire.

Quelle est la différence entre le Bilan Sanitaire d’Élevage/Écurie (BSE) et la Visite Sanitaire Obligatoire Équine (VSOE) ?

Le BSE est en lien avec la règlementation vis-à-vis de la pharmacie vétérinaire. Il n’est pas obligatoire et est à la charge du détenteur des équidés. Il est réalisé par un vétérinaire qui suit la structure, mais qui n’est forcément le vétérinaire sanitaire déclaré. La VSOE est, comme son nom l’indique, obligatoire. C’est une réunion technique entre le détenteur et le vétérinaire sanitaire déclaré. Cette visite est gratuite pour le détenteur, le vétérinaire étant rémunéré par l’État.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Marie DELERUE Docteure vétérinaire - experte sanitaire spécialité équine et ingénieure de recherche & développement IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

Ressources à télécharger

Dépliant Ifce : Pharmacie vétérinaire
Dépliant
La pharmacie vétérinaire

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