Prise en pension : gérer les impayés

Rares sont les professionnels du cheval prenant des équidés en pension n’ayant pas, un jour, été confrontés à des problèmes d’impayés. Il existe plusieurs outils juridiques visant à résoudre cette difficulté. Bien que non obligatoire, la rédaction d’un contrat écrit est recommandée, afin que le dépositaire puisse se ménager la preuve de l’existence du contrat de pension et du tarif convenu pour l’hébergement des équidés de ses clients.

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Par Émilie YVART - Laurie BESSETTE - Claire BOBIN - | 12.05.2022 |
Niveau de technicité :
Chevaux au box © L. Gerard
Sommaire

Base légale et réglementaire

  • Articles 1915 et suivants du code civil sur les obligations du dépositaire dans le cadre du contrat de pension
  • Article 1948 du code civil sur le droit de rétention du dépositaire
  • Article R215-14 du code rural sur les sanctions en cas de rétention du document d’accompagnement de l’équidé
  • Loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes, ayant créé la procédure de vente forcée des équidés confiés au titre d’un contrat de dépôt ou d’un contrat de prêt à usage codifiée à l’article L213-10 du code rural et de la pêche maritime

Le droit de rétention

Le droit de rétention prévu à l’article 1948 du code civil constitue un outil précieux pour les dépositaires, car il leur permet, même en l’absence de contrat de pension écrit, de conserver l’équidé confié jusqu’à complet paiement des sommes dues par le déposant. Ce dernier ne sera pas en mesure de récupérer son animal tant qu’il n’aura pas soldé sa dette, étant entendu que celle-ci continue à augmenter jusqu’au jour du départ de l’équidé.

Le contrat écrit de pension permet de rapporter la preuve du montant convenu pour la pension et limite les contestations quant à la somme due par le déposant au dépositaire qui exerce une rétention sur l’animal confié.

Il est important de préciser que ce droit de rétention s’applique sur l’animal pris en pension et non sur son seul document d’accompagnement (carnet), qui doit être remis au déposant au moment où l’équidé quitte l’établissement. La rétention du carnet par le dépositaire est passible d’une contravention prévue au code rural.

Les démarches amiables

Dès le 1er mois de pension impayé, le dépositaire a la possibilité d’envoyer un simple rappel de factures à son client, en lui demandant la régularisation de la situation dans les plus brefs délais. Pour des raisons de preuve, ce rappel doit être adressé au client par écrit (mail, sms ou courrier postal).

Si ce 1er rappel reste lettre morte, le dépositaire peut adresser à son client une mise en demeure de paiement par courrier recommandé avec accusé de réception.

Quelle que soit la situation, il est important de réagir vite face aux impayés, afin de ne pas laisser la situation s’envenimer. Plus la dette va augmenter, plus il sera difficile pour le client de la solder.

Le dépositaire a également tout intérêt à proposer à son client une solution amiable. Il peut par exemple lui transmettre une proposition d’échelonnement du paiement des pensions ou de rachat de l’équidé à un prix calculé en fonction du montant des pensions impayées.

Si, malgré les efforts du dépositaire, aucune solution amiable n’a pu être trouvée, celui-ci dispose de recours judiciaires.

L'injonction de payer

Le dépositaire a la possibilité de déposer une requête au tribunal judiciaire (territorialement compétent) afin d’obtenir la condamnation de son client à lui régler les sommes dues, via une ordonnance en injonction de payer. Le dépositaire doit être en mesure de justifier le montant réclamé en transmettant au juge tous les justificatifs dont il dispose (contrat de pension, factures…). À défaut d’éléments suffisants, le juge rejettera la demande du dépositaire créancier.

L’ordonnance en injonction de payer peut se voir conférer force exécutoire par le juge. Cela signifie que le dépositaire créancier pourra demander sa mise en œuvre à un huissier.

Les avantages de cette procédure sont sa simplicité et sa rapidité.

Le dépositaire peut également faire le choix de se faire représenter par un avocat qui entamera une procédure en référé (si la condition d’urgence est remplie et en l’absence de contestation sérieuse) ou une procédure au fond devant le tribunal judiciaire (qui a pour inconvénient sa durée).

La vente forcée de l'équidé pris en pension

Sur proposition de Madame Martine Leguille-Balloy, députée de Loire-Atlantique et présidente du groupe Cheval à l’Assemblée Nationale, une procédure de vente forcée des équidés confiés dans le cadre d’un contrat de dépôt (c’est-à-dire contrat de pension) ou d'un contrat de prêt à usage a été créée par la loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes. Cette procédure prévoit notamment la possibilité pour le dépositaire de vendre l’équidé confié lorsque le propriétaire ne récupère pas son animal dans un délai de 3 mois à compter de la réception d’une mise en demeure de récupérer l’animal pour défaut de paiement.

La demande doit être adressée au président du tribunal judiciaire territorialement compétent via une requête mentionnant les éléments utiles, tels que l’identification de l’équidé, le nom du propriétaire, le montant et les justificatifs de la créance, l’accord éventuel d’un tiers pour assumer la charge matérielle de l’équidé, l’éventuelle désignation d’un tiers à qui l’équidé sera confié en cas de carence d’enchères.

Si la demande lui apparaît fondée, le président du tribunal judiciaire rend une ordonnance autorisant la mise en vente forcée de l’équidé aux enchères publiques et fixant le montant de la créance du dépositaire. La vente a ensuite lieu conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution relatives à la vente forcée des biens saisis. Le produit de la vente est remis au dépositaire jusqu’à concurrence du montant de sa créance.

Même en cas d’impayés, le dépositaire reste dans l’obligation de maintenir l’équidé confié en bonne santé en assurant les soins nécessaires (nourriture, sorties au paddock, interventions du maréchal-ferrant et du vétérinaire…) au risque de voir sa responsabilité civile contractuelle engagée.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Émilie YVART Conseillère d’entreprise - EQUICER
  • Laurie BESSETTE Institut du Droit Équin (IDE)
  • Claire BOBIN Institut du Droit Équin (IDE)
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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