Cheval et littoral : mémento du gestionnaire

L’accès des équidés au littoral, qu’il s’agisse de la plage proprement dite ou des milieux dunaires voire rétro-littoraux, soulève depuis quelques années un certain nombre de questions et amène les gestionnaires au sein des communes concernées à s’interroger sur les pratiques équestres et sur leurs éventuels impacts.
4 grands sujets sont généralement au centre des préoccupations :
• Les conflits d’usagers entre activités de baignade, activités nautiques et activités équestres
• La dégradation mécanique des milieux, liée notamment au piétinement
• La perturbation des milieux et son potentiel impact sur la faune et la flore
• La pollution bactériologique et chimique attribuée aux déjections

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Par Françoise LUMALÉ - | 07.07.2017 |
Niveau de technicité :
Chevaux en bordure de mer et ganivelles © F. Lumalé
Sommaire

Accès aux plages : des horaires selon les usages

Concernant les conflits d’usagers, ils sont généralement liés à des cohabitations sur l’estran et peuvent soulever des questions de sécurité : les chars à voile et les kite-surf sont le plus souvent cités par les cavaliers comme susceptibles de perturber leur pratique ; les baigneurs et les pêcheurs à pied évoquent quant à eux, le risque d’accident et la transmission de maladies.

Dans les faits, y compris sur les plages très fréquentées par les chevaux telles que celles du Touquet ou de la Baule, très peu d’incidents sont à déplorer entre équidés et autres usagers. Les remontées les plus fréquentes concernent le manque de « civisme » (maintien d’allures vives au croisement d’autres usagers, chiens en liberté s’approchant des chevaux,…), le développement récent de nouvelles pratiques (travail en liberté par exemple) ou encore la présence de crottins sur les aires de stationnement et les cheminements.

La solution la plus couramment retenue par les gestionnaires reste la réglementation horaire des accès aux plages afin d’interdire la présence des chevaux sur les temps de forte fréquentation. Peu satisfaisante pour la protection des milieux - les passages à marée haute sur les hauts de plage pouvant par exemple se montrer néfastes aux oiseaux nicheurs tout en étant parfaitement autorisés… Ce choix  contraint très fortement les entreprises équestres du fait de l’absence de corrélation avec les horaires des marées basses favorables à la pratique. Cette restriction d’accès a par ailleurs un impact économique non négligeable pour les entreprises de tourisme équestre ou les entraineurs. Voir aussi  : Cheval et littoral : mémento du pratiquant

Impacts des chevaux sur la faune et la flore

chevaux sur le littoral © F. Lumalé
© F. Lumalé
La dégradation mécanique du couvert végétal par le piétinement est bien réelle lors de passages répétés de chevaux sur les milieux sensibles, notamment dunes blanches et grises. La présence régulière des chevaux induit également une modification de la composition floristique des milieux : apport possible d’espèces exogènes par les graines contenues dans les crottins, consommation sélective de la végétation lors du pâturage.

L’absence d’une bonne gestion des pâtures, sur des sols souvent fragiles, peut conduire à des surpâturages allant parfois jusqu’à la destruction complète du couvert  A contrario, la présence d’un chargement maîtrisé d’équidés conduit à une ouverture du milieu favorable à la biodiversité.

Concernant le dérangement, notamment de l’avifaune, il reste peu étudié : la présence régulière de cavaliers semble peu impactante sur les populations d’oiseaux grâce au phénomène d’accoutumance. Il en va de même pour les mammifères marins ou la faune piscicole. Des périodes sensibles (reproduction, nidification,…) peuvent justifier des mesures de protections temporaires telles que des enclos ou des déviations ponctuelles d’itinéraires.

Une pollution peu ou non démontrée

L’impact physico-chimique de la présence d’équidés sur les eaux de surface reste encore à mesurer.

Une contamination des eaux conchylicoles et de baignade par des bactéries de type Escherichia coli d’origine équine n’a pas été démontrée tandis que l’on retrouve fréquemment des sources de contamination humaine, canine ou liées aux populations d’oiseaux sauvages.

Les rejets en éléments minéraux (Azote, Phosphore, Potasse) restent marginaux au regard des autres productions animales. La présence d’Ivermectine, molécule utilisée dans la vermifugation des animaux, est susceptible d’impacter les populations d’insectes coprophage.

Un marcheur applique une pression au sol d’environ 800 g/m2, un cheval et son cavalier 3000g/m2. C’est l’effet de pincement provoqué par le mouvement de bascule du sabot ferré, notamment au galop qui est le plus impactant.

Un cheval adulte rejette en moyenne 38 unités d’azote/an, 10.5 kg de phosphore et 3.5 kg de potassium soit 3 à 4 fois moins qu’une vache. La production de méthane entérique est d’environ 20 kg/équidé/an soit 4 à 5 fois moins qu’un bovin.

Avec un peu plus d’1 million d’équidés estimés sur le territoire, contre 3 millions en 1840, la France compte environ 1 équidé/60 habitants (contre 1/10 en 1840). Sa population équine est comparable à celle de la Grande-Bretagne mais double de celle de l’Allemagne et trois fois plus importante, si l’on ramène le nombre d’équidés sur le nombre d’habitants. Quant au nombre de pratiquants, il est évalué partiellement par le nombre de licenciés à la Fédération Française d’Equitation : environ 2 millions de pratiquants estimés dont 700 000 licenciés, 1 million de pratiquants de tourisme équestre estimé dont 80 000 licenciés. Après avoir connu plus de 20 ans de hausse, le nombre de licenciés se stabilise depuis quelques années mais les pratiques indépendantes rattachables aux sports de nature sont en hausse avec plus de 25 millions de pratiquants estimés, toutes disciplines confondues.

Prendre en compte les spécificités du cheval pour la sécurité de tous

Le gestionnaire autorisant l’accès aux équidés d’itinéraires ou d’installations est responsable de la bonne adéquation avec la pratique. Ainsi, il est primordial d’intégrer la spécificité des équidés dans les aménagements qui leur sont destinés.


Quelques données physiologiques et comportementales permettent de comprendre ces spécificités :

  • La vision du cheval qui diffère selon la liberté laissée à l’encolure : un cheval au pré, tête au ras du sol pour brouter disposera ainsi d’un champ de vision frontal et latéral large ; a contrario, un cheval aux rênes ajustées ne visualisera pas les obstacles situés juste devant lui à moins de 70 cm du sol…
  • L’instinct de survie, lié à son statut de proie dans le règne animal : en présence d’un bruit ou d’un élément visuel inconnu (VTT arrivant par l’arrière à vive-allure, kite-surf …), le cheval cherchera la fuite, en franchissant au besoin les obstacles situés sur son passage…

Clôture bi-fils © F. Lumalé
© F. Lumalé
Les délimitations d’itinéraires équestres doivent intégrer ces principes en proposant des dispositifs limitant les risques :

  • Sont à proscrire les mono-fils bas, bi-fils bas (< 100 cm), réalisés en fil lisses torsadés ou ronces défensives.
  • Peuvent être retenues, les clôtures hautes (1.10 m minimum), réalisées en piquets bois espacés de 2.50 m et munies de 2 à 3 rangs de fil lisse de résistance maximale 300 kg.
  • Les ganivelles, souvent utilisées sur le littoral, doivent être entretenues : dégradées, elles présentent des portions de fil dépourvues de piquets créant de véritables pièges pour les chevaux comme pour les piétons. Ensablées, les têtes pointues des piquets constituent un réel danger.

Concernant les gabarits des cheminements, une largeur minimale de 2.50 m est préconisée, permettant le passage d’un attelage, avec dégagement de tout obstacle sur une hauteur de 3 m. Si les itinéraires de randonnée équestre, destinés à des cavaliers aguerris à l’extérieur, peuvent se satisfaire de dimensions plus modestes (1.50 m de large et 2 m de haut préconisés par la FFE), les sentiers de promenade littoraux sont très souvent empruntés par des cavaliers débutants, découvrant l’équitation. Ils sont également fréquentés par de multiples usagers, souvent peu habitués à la présence de chevaux.

 
Les franchissements de cours d’eau peuvent être réalisés à gué, si la profondeur n’excède pas 35 cm et si le fond est stable. Les passerelles doivent présenter une largeur minimale de 2 m (3.50 m pour les attelages) et disposer d’un garde-corps (1.20 m de haut) si la pente du talus est supérieure à 45° ou la hauteur de chute supérieure à 1 m.


Le sol sera de préférence souple, sans être fouillant, utilisable en toute saison et non glissant. Si le sable stabilisé reste le revêtement préféré des usagers, il reste sensible à la dégradation mécanique par poinçonnement. Un accotement enherbé de 60 cm de large minimum constitue une solution idéale.


Enfin, la signalétique devra tenir compte des risques de choc, les bois ronds préférés aux bois de section carrée et les hauteurs de lecture adaptées.

En respectant ces principes simples, et surtout, en favorisant les échanges entre les usagers, source de connaissance mutuelle, il apparait tout à fait possible de faire cohabiter chevaux et activités balnéaires pour le plus grand bonheur de tous !

En savoir plus sur nos auteurs
  • Françoise LUMALÉ Ingénieure de recherche & développement « Bâtiments et infrastructures » IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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