Les accidents en courses

La responsabilité des accidents survenant lors de courses incombe à différents acteurs, selon la nature de l'accident, les circonstances… Voici quelques repères.

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Par Laurie BESSETTE - Claire BOBIN - | 28.04.2021 |
Niveau de technicité :
course de galop
Sommaire

Base légale et réglementaire

Code civil

Article 1240

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Article 1241

« Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

Article 1243

« Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. »

Article 1231-1

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »

Codes des courses

Code des courses au trot

  • Dispositions sur le déroulement des courses : art. 56 et suivants
  • Pouvoirs des organes de la SETF (Société d’encouragement à l'Élevage du Trotteur Français) : art. 88 et suivants

Code des courses au galop

  • Dispositions concernant le parcours : art. 162 et suivants
  • Dispositions concernant les sanctions : art. 194 et suivants
  • Dispositions sur le système juridictionnel : art. 205 et suivants

La responsabilité du propriétaire et de l’entraîneur

Responsabilité à l’égard des tiers

Elle est basée sur le principe de responsabilité du gardien édicté par l’article 1243 du code civil.

L’entraîneur est responsable lorsqu’il s’agit d’un accident causé à l’écurie, pendant les séances d’entraînement, durant les trajets pour se rendre à l’hippodrome et même sur l'hippodrome lorsque l’animal se trouve sous le contrôle d’un lad et ce, avant son entrée en piste et après sa sortie de piste, une fois la compétition terminée.

Dans tous les autres cas et notamment lorsque le cheval est sur la piste, c’est le propriétaire du cheval qui est responsable en cas d’accident.

A noter qu’en matière de location de carrière de courses, c’est le locataire, en général l’entraîneur, qui sera considéré comme le propriétaire et donc responsable en cas d’accident, et cela même durant la course (le cheval court d’ailleurs dans ce cas sous les couleurs de l’entraîneur).
Responsabilité à l’égard des participants à la course

La théorie de l’acceptation des risques

Le risque lié à la participation à une course est considéré comme implicitement accepté par les jockeys ou drivers. Ainsi, les présomptions de responsabilité qui pèsent sur le gardien de l’animal sont inapplicables et la responsabilité ne peut être engagée qu’en cas d’infraction aux codes des courses. La théorie de l’acceptation des risques ne vaut que pour les risques normaux de la compétition, elle ne peut en aucune façon être invoquée par un driver ou un jockey coupable d’une faute caractérisée dépassant les risques normaux.

La faute dépassant les risques normaux de la compétition

Constitue par exemple une faute de nature à engager la responsabilité, un changement de ligne avant le signal qui l’autorise (art. 165 du code des courses au galop) et qui aurait entraîné une gêne ou la chute d’un autre concurrent. Cette faute doit être prouvée.

Cour d'appel de Rouen, 29 octobre 2014Ainsi, à l’occasion d’une course de trot attelé, un driver a chuté consécutivement à une réprimande trop importante d'un autre jockey sur son cheval. Ce dernier a commis une maladresse fautive constitutive d'un risque anormal entraînant la responsabilité du jockey sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil. La responsabilité du propriétaire du cheval est également retenue sur le fondement de l'ancien article 1384 alinéa 5 du code civil en tant que commettant du jockey fautif.

Cour d'appel d'Angers, 15 septembre 2015De même, la responsabilité du commettant du driver dont le cheval se déplaçait en sens inverse sur la piste a pu être engagée alors que deux chevaux se sont heurtés sur un hippodrome dans une course au trot. L'un des chevaux est décédé. Le propriétaire a recherché la responsabilité du driver de l'autre cheval. Le driver a bien commis une faute mais c’est la responsabilité de son commettant qui a été engagée, car il n'a pas agi hors des fonctions auxquelles il était employé.

Cour de cassation, 16 juin 1976 ⇒ En revanche, « C’est à bon droit que la demande du propriétaire d’un trotteur accidenté au cours d’une collision avec un autre cheval a été rejetée alors que ce dernier, après avoir fait chuter son driver, galopait à contre-sens de la piste, aucune faute particulière n’ayant été retenue. »

La responsabilité du jockey

Cheval de course © R. Polin
© R. Polin

Le jockey monte pour le compte d’un propriétaire et ne peut être considéré comme gardien du cheval au sens de l’article 1243 du code civil qui prévoit une responsabilité de plein droit du fait des animaux.

En revanche, il peut être responsable sur le fondement de la responsabilité délictuelle qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » (article 1240 du code civil). Cette faute doit être prouvée, ce qui peut s’avérer difficile.


Quelques illustrations jurisprudentielles

Cour d'appel de Rouen, 28 octobre 1992

Ainsi, le driver qui use de sa cravache en l'agitant sur le côté devant les antérieurs du cheval qui le suivait aux abords du poteau d'arrivée provoquant la faute du concurrent et sa disqualification, n’est pas qualifié comme un risque anormal et imprévisible au cours du déroulement de la course. La victime sera déboutée de sa demande en réparation du préjudice subi du fait de la disqualification de son cheval.

Cour d’appel de Caen, 24 février 2009

De même, un accident se produit lors d’une course de trot attelé. Le cheval suivant un cheval fautif se prend l'antérieur droit dans le sulky du cheval au galop. La faute du jockey du cheval fautif a été reconnue puisque ce dernier a été sanctionné par une interdiction de courir temporaire. Selon une jurisprudence de 2004, le principe selon lequel la violation des règles du jeu est laissée à l'appréciation de l'arbitre n'a pas pour effet de priver le juge civil, saisi d'une action en responsabilité, de sa liberté d’apprécier si le comportement d'un pratiquant a constitué une faute à l'encontre des règles du jeu de nature à engager sa responsabilité.

En l'espèce, le jockey du cheval fautif a bien commis une faute en réprimant trop brusquement la faute d'allure de son poulain, ceci ayant entraîné la collision avec le cheval qui le suivait. Le jockey du cheval accidenté suivait de très près le cheval fautif alors qu’il se trouvait en fin de peloton et n'avait aucune chance de figurer à l'arrivée. Il a ainsi accru le risque d'accident. La responsabilité, dont le préjudice est déterminé sur les frais vétérinaires et sur la perte de chance de gains, est partagée pour moitié entre les deux jockeys afin d'indemniser le propriétaire du cheval accidenté.

La responsabilité de la société de courses organisatrice

La société de courses doit respecter les mesures de prudence et de diligence quant à la sécurité des spectateurs et des concurrents. Il s’agit d’une obligation de moyens, la victime devant rapporter la preuve de la faute de la société organisatrice et le lien de causalité avec le dommage qu’elle a subi.

Quelques illustrations jurisprudentielles

Cour d'appel d'Angers, 10 mai 2017

A l’occasion d’une course d’obstacles, un cheval s’est accidenté. Il ressort des photographies et vidéos de la course que le cheval a violemment chuté sur une haie avant de finir sa course dans le marécage. Les pompiers, avec l’aide du vétérinaire, ont sorti le cheval du marécage pour lui prodiguer les soins nécessaires. Le fait que le cheval ait parcouru quelques mètres avant de sortir de la piste ne suffit pas à établir qu’il ne se soit pas blessé lors de sa chute.

En conséquence, et faute de pouvoir établir un lien de causalité direct et certain entre l’évacuation du marécage et les blessures ayant fait l’objet de soins, il apparaît inutile de rechercher si la société des courses a manqué à son obligation de sécurité en ne fermant pas cette zone marécageuse à l’aide d’une lice.

Cour d’appel de Rennes, 11 février 2009

La société de courses organisatrice du steeple-chase dans lequel la victime a perdu son bras, est débitrice d'une obligation de sécurité de moyens. S'il est évident que les jockeys qui participent à une course acceptent les risques inhérents à leur sport, cette acceptation des risques ne s'étend pas au danger occasionné, non par la pratique sportive, mais par les infrastructures de l'hippodrome. En l'espèce, la victime a été propulsée contre les lices de protection en béton bordant la piste alors qu'elle évitait un autre cheval. C'est la conception de la lice, en béton et non en PVC, qui a entrainé les blessures. La société est responsable de l'accident.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Laurie BESSETTE Institut du Droit Équin (IDE)
  • Claire BOBIN Institut du Droit Équin (IDE)
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Date d'édition : 14 05 2024

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