Tremper ou étuver son foin ?

« Mon cheval tousse alors je mouille son foin ». Trempage ou étuvage du foin : focus sur des pratiques qui doivent être réfléchies en fonction de la qualité recherchée du fourrage.

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Par Pauline DOLIGEZ - Nelly GENOUX - | 20.03.2019 |
Niveau de technicité :
mouillage du foin
Sommaire

Qu’est-ce qu’un « bon » fourrage ?

Un « bon » fourrage est un fourrage de bonne qualité sanitaire et de valeur alimentaire en adéquation avec les besoins du cheval. Zoom sur deux paramètres incontournables pour bien nourrir son cheval tout en préservant sa santé.

La qualité nutritive des fourrages

La qualité nutritive d’un fourrage correspond à sa valeur alimentaire, c’est-à-dire sa teneur en énergie, protéines et minéraux, très variable en fonction du stade de développement du couvert végétal, de sa nature (graminées et/ou légumineuses), des conditions météorologiques à la récolte, et des conditions de récolte et de stockage.

Exemples de valeurs nutritives de foins récoltés à différents stades de végétation

Valeurs alimentaires de différents fourrages référencées (INRA 2012)
par kg de matière sèche (MS)

UFC (Unité Fourragère Cheval) – énergie
en UFC/kg MS
MADC (Matières Azotées Digestibles Cheval) – protéines
en g de MADC/kg MS
Taux de cellulose brute (CB/kg de MS)
en %
Foins récoltés précocement au 25 mai0,55 à 0,69
moy > 0,50
55 à 68
moy > 50


< 35%

Enrubannés récoltés 25 mai0,60 à 0,80
moy > 0,60
50 à 90
moy > 60
< 32%
Foins récoltés à un stade avancé 15 juin0,20 à 0,45
moy < 0,50
20 à 40
moy < 50
>35%

La qualité sanitaire des fourrages

foin poussiéreux
Le foin est souvent source de poussières : attention aux chevaux à problèmes respiratoires ! © N. Genoux
L’ingestion de fourrages de mauvaise qualité sanitaire peut déclencher de l'asthme chez le cheval - inflammation et obstruction récurrente des voies respiratoires profondes plus ou moins sévères - se traduisant par la sécrétion de mucus (jetage), de la toux et/ou une intolérance modérée à l'effort. Si la situation persiste, ces conditions nuisent à sa santé, altèrent le bien-être de l’animal et limitent ses performances sportives.

L'asthme peut être induit par la présence d’aérosols (particules très fines) qui peuvent contenir :

  • Des poussières respirables et des pollens
  • Des moisissures (champignons) et des mycotoxines produites par les champignons
  • Des bactéries et endotoxines produites par les bactéries

Des facteurs liés aux caractéristiques du fourrage et aux conditions de récolte dégradent la qualité sanitaire en favorisant le développement de poussières et de champignons.

Les pratiques culturales et conditions climatiques défavorables ont été étudiées :

  • La coupe trop basse (<5cm du sol) entraîne une contamination du foin par le sol avec une densité de poussières élevée.
  • Le fanage tardif (foin coupé laissé au sol sans fanage rapide dans les 48h) provoque la prolifération de champignons et de mycotoxines (zéralénone).
  • La présence de taupinières au sein de la prairie peut aussi entraîner la contamination fongique.
  • La présence de crottins augmente aussi la contamination en poussières et champignons tels que Aspergillus.
  • Les foins ayant subi une pluie après la coupe et pressés à 75% de matière sèche (MS) au lieu de 85% de MS présentent les plus mauvaises qualités sanitaires.

Les pratiques qui tendent à améliorer la qualité sanitaire sont le séchage au sol rapide à 85% de MS, le séchage en grange, la récolte de regain (2ème coupe feuillue) et l’enrubannage. Le traitement à l’acide propionique sur un foin humide permet de réduire la teneur en poussières et la contamination fongique par rapport à un foin récolté à 75% MS sans traitement.

La composition floristique influence la valeur alimentaire mais aussi la teneur en facteurs allergènes. La houlque laineuse caractérisée par des poils très fins, si elle est présente en quantité dans la prairie, peut entraîner une production forte en poussières mais sans contamination fongique. D’autres espèces de graminées peuvent être associées à un profil de contamination fongique naturelle comme les endophytes (fétuque), qui peuvent pour certains genres être pathogènes pour le cheval.  

Cependant, dans la pratique, lorsque l’on achète du fourrage ou que l’on est tributaire de mauvaises conditions de récolte sur son exploitation, il n’est pas toujours possible de disposer d’un fourrage de qualité sanitaire et nutritionnelle, satisfaisant à la fois les besoins nutritifs et ne provoquant pas de maladies respiratoires chez les chevaux sensibles.

Des traitements du fourrage par mouillage ou étuvage juste avant distribution sont possibles pour limiter la teneur en poussières. Ils ont des conséquences sur la valeur nutritionnelle et la teneur en agents pathogènes potentiels.

Les différents types de traitement du foin et leurs impacts

Le trempage

Trempage du foin © N. Genoux
Principe

Le trempage consiste à immerger le foin pendant un certain temps (de quelques minutes à plusieurs heures) dans un volume d’eau donné, avant distribution. L’objectif principal est de réduire le nombre de particules respirables présentes dans le foin.

Conséquences sur la qualité sanitaire

D’après des études, le trempage permettrait de réduire le nombre de particules respirables dans l’air de 93 à 96%. Cependant, il a été aussi montré que ce type de traitement pouvait détériorer la qualité sanitaire du foin en favorisant la prolifération rapide de bactéries (facteur 5 entre la concentration en bactéries dans un foin trempé pendant 9 heures et un foin sec). En effet, dans le volume de trempage, les bactéries vont se développer en s’alimentant avec les sucres et protéines du fourrage qui se sont solubilisés dans l’eau. La durée de trempage ne doit pas dépasser 30mn à 1 heure. L’essorage pendant 10mn sur une grille ou dans un filet est recommandé avant la distribution. Il évitera de mouiller la litière du box et limitera la proportion de fourrage gaspillé (refus ou piétiné).

Conséquences sur la qualité nutritionnelle

De façon imagée, tremper du foin revient à faire une infusion. Le trempage provoque généralement une perte significative des sucres solubles, toutefois très variable (de -2% à -58%) d’un foin à l’autre. Certains oligoéléments comme P, K, Mg, Na, Cu… peuvent également être lixiviés dans le liquide de trempage.

D’une manière générale, avec un trempage de plus de 9 heures, il y a des pertes d’éléments nutritifs composant la matière sèche, tels que les protéines, les sucres solubles et les minéraux, ce qui entraîne une teneur en cellulose insoluble (fibres) plus importante, réduisant alors la valeur nutritive du fourrage.

Ainsi, la durée de trempage influe sur la quantité de nutriments perdus. La simple immersion ou un trempage d’une durée de 15 à 60 minutes suffisent largement à réduire le nombre de particules respirables. Au-delà, la qualité nutritionnelle du foin se retrouve bien souvent impactée, au risque que ce dernier devienne déficitaire.

Soyez donc prudent si vous souhaitez maintenir le fourrage comme première source d’apport nutritionnel, notamment pour les chevaux à forts besoins (poulinière, poulain, chevaux au travail intense).

L’étuvage ou traitement à la vapeur

Principe

Exemple du purificateur de foin HayGain © N. Genoux
Exemple du purificateur de foin HayGain © N. Genoux
L’étuvage est une technique de purification du foin à la vapeur d’eau ; l’objectif est d’éliminer les poussières, champignons et moisissures présents dans ce dernier. L’exemple le plus connu est le purificateur « HAYGAIN », une malle isolée dans laquelle le foin est fermé et traité à la vapeur, à plus de 100°C, pendant environ 50 minutes. Pour que la stérilisation soit efficace, la température doit être maintenue pendant au moins 10mn à plus de 90°C par injection de vapeur à l’intérieur du volume de foin traité pour que l’ensemble des bactéries soient détruites. Attention, une stérilisation partielle comme un trempage d’ailleurs, peut entraîner une prolifération bactérienne notamment par des espèces thermophiles (se développant entre 18 et 40°C) très pathogènes.

Conséquences sur la qualité sanitaire

Tout comme le trempage, l’étuvage permet de réduire de 96% le nombre de particules respirables dans l’air. Mais il présente aussi l’avantage d’abaisser de 98-99% la contamination par les bactéries et de plus de 99% la contamination par les moisissures.

Conséquences sur la qualité nutritionnelle

Le traitement à la vapeur n’aurait que d’infimes impacts sur la valeur alimentaire du foin : de très faibles pertes en sucres (environ 3%) selon les études et aucun effet sur la teneur en protéines brutes.

Une étude menée récemment en France sur 12 chevaux (6 chevaux atteints d’asthme équin sévère vs 6 chevaux sains) a montré que l’alimentation pendant 5 jours de ces chevaux avec du foin traité à la vapeur permettait de diminuer la quantité de mucus présente dans la trachée. Cependant, cela n’améliorait pas les signes cliniques par rapport à l’alimentation pendant 5 jours avec du foin sec. Des études complémentaires pourraient être menées sur un nombre plus conséquent de chevaux et sur une période plus longue. Son intérêt pourrait également être évalué chez les chevaux atteints d’asthme modéré ou en début d’évolution d’asthme sévère (M. Orard et al., 2018).

Trempage et/ou étuvage : un choix qui dépend du foin… et du cheval !

Suivant le(s) effet(s) recherché(s), le trempage et l’étuvage peuvent être associés pour obtenir un fourrage indemne de particules et à teneurs en sucres réduits pour les chevaux nécessitant une ration peu énergétique.

  • Le trempage fait diminuer la teneur en sucres solubles du foin ou/et le nombre de particules respirables dans l’air, mais présente des risques de prolifération bactérienne.
  • L’étuvage stérilise le fourrage en éliminant la population bactérienne et de champignons potentiellement pathogènes, sans nuire à sa valeur nutritionnelle.

Réaliser le trempage toujours avant l’étuvage pour distribuer un fourrage qui vient d’être stérilisé. Si le trempage est réalisé après l’étuvage, la stérilisation est annulée par le trempage qui favorise à nouveau une phase de développement d’agents pathogènes potentiels.

Nous venons de voir que le trempage et l’étuvage peuvent avoir divers impacts sur la qualité du foin. La pratique qui consiste à mouiller systématiquement le foin avant distribution n’est donc pas toujours un bon réflexe ; idem pour le HAYGAIN. Tout dépend du foin et de la santé du cheval. Le choix doit se faire de façon réfléchie. Mais concrètement, comment s’y prendre ?

1ère étape : observer et faire analyser son foin

Vouloir traiter son foin à tout prix ne sert à rien si l’on ne sait pas ce qu’il contient. Le premier réflexe est d’apprécier directement la qualité de ce dernier en effectuant une analyse sensorielle (couleur, odeur, composition, aspect…) tout en prenant en compte la date et les conditions de récolte et les principales espèces fourragères présentes dans le fourrage (présence d’épis plus ou moins allergènes). On peut aussi envoyer un échantillon en laboratoire agronomique pour connaître les valeurs alimentaires.

L’analyse en laboratoire vétérinaire permet de mesurer la teneur et la nature d’agents potentiellement pathogènes (champignons, levures, bactéries) qui ne devraient pas dépasser une concentration de 20.106 UFC/g (Unités Formant Colonies/gramme de matière, seuil peu confirmé dans la bibliographie).

2ème étape : choisir le traitement en fonction de l’état de santé du cheval

Ce sont les résultats de l’analyse de fourrage et la santé du cheval qui détermineront le choix entre le trempage et/ou l’étuvage. Chercher à limiter le nombre de particules respirables pour un cheval sensible au niveau respiratoire est une bonne chose, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la qualité nutritionnelle du foin et vice versa.

Chevaux obèses ou à problèmes métaboliques ne présentant pas de problèmes respiratoires : trempage du foin

Foin trop riche pour chevaux à problèmes métaboliques : trempez-le ! © N. Genoux
Foin trop riche pour chevaux à problèmes métaboliques : trempez-le ! © N. Genoux
Pour les chevaux obèses ou atteints de maladies métaboliques comme l’insulino-résistance, la fourbure, le SME (syndrôme métabolique équin) ou la PSSM (myopathie par surcharge en polysaccharides), l’enjeu est de limiter l’ingestion de trop grandes quantités de sucres, plus particulièrement les fructanes, impliqués dans l’apparition de ces maladies. Leur alimentation doit donc être suivie de près et adaptée, surtout s’ils se dépensent peu (chevaux à l’entretien…). Il est donc recommandé de les nourrir exclusivement avec un foin de valeur alimentaire faible, plutôt fibreux.

Le trempage est une solution pour appauvrir le foin mais présente néanmoins un inconvénient : les pertes en sucres sont très variables d’un foin à l’autre, donc difficilement maîtrisables. Il arrive parfois que le foin soit toujours trop riche, même après trempage. Pour limiter les risques, la teneur en sucres solubles doit être inférieure à 10-12% de la matière sèche totale. L’analyse de la valeur alimentaire après trempage est nécessaire pour déterminer exactement la valeur alimentaire du foin distribué après traitement.

Chevaux à problèmes respiratoires : privilégier l’étuvage

Pour les chevaux à problèmes respiratoires (toux, jetage, emphysème…), le traitement du foin à la vapeur s’avère la technique la plus probante pour améliorer la qualité sanitaire du foin sans nuire à sa valeur nutritive.

Remarque : Dans le cas du trempage, répandez le liquide de trempage sur une zone filtrant et absorbant la matière organique comme une pâture par exemple, mais en aucun cas dans un cours d’eau ou un point d’eau. Suivant les concentrations, certains nutriments lixiviés issus du foin (sucres, phosphore…) peuvent potentiellement en faire un polluant environnemental.

Pour les chevaux à problèmes respiratoires, privilégiez l’étuvage © N. Genoux
Pour les chevaux à problèmes respiratoires, privilégiez l’étuvage © N. Genoux
Répandez le liquide de trempage dans une pâture ou évacuez-le via le système d’évacuation des eaux usées, mais pas dans un cours- ou un point d’eau © N. Genoux
Répandez le liquide de trempage dans une pâture ou évacuez-le via le système d’évacuation des eaux usées, mais pas dans un cours- ou un point d’eau © N. Genoux

Ce qu’il faut retenir

► Les conditions optimales de récolte (chaud, sec, venteux, sans terre, ni crottins) favorisent la production d’un fourrage de bonne qualité sanitaire et prêt à l’emploi sans nécessité de traitements d’assainissement par trempage ou étuvage.

► Le trempage diminue la teneur en poussières et la teneur en sucres solubles du fourrage.

► L’étuvage ou la stérilisation permet de diminuer de 90 à 98% la poussière, la teneur en bactéries et champignons.

Mode d’emploi

♦  Le trempage doit être limité à 30mn ou 1h maximum pour éliminer les particules respirables, sinon le développement de bactéries et champignons est favorisé.

♦ Un trempage de plus de 9h induit une diminution de la valeur alimentaire du fourrage (perte en matières sèches, en sucres, protéines et minéraux).

♦ L’étuvage ou stérilisation à la vapeur d’eau doit être réalisé pendant au moins 10mn à plus de 90°C sur l’ensemble de la balle à traiter.

♦ Le foin doit être essoré au moins 10mn après trempage.

♦ Le fourrage doit être distribué rapidement après traitement humide (trempage ou/et étuvage) pour limiter le développement d’agents pathogènes favorisé par l’humidité et la chaleur.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Pauline DOLIGEZ Ingénieure de projets & développement « Alimentation et entretien des équidés » IFCE
  • Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE

Bibliographie

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Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 14 05 2024

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