Le millepertuis : plante toxique

Le millepertuis est une plante herbacée courante. Même si le cheval ne la recherche pas forcément, il peut être amené à en consommer dans certaines circonstances, notamment en période de disette (sécheresse…). L’ingestion de la plante peut alors provoquer une photosensibilisation à l’origine de troubles cutanés, principalement chez les sujets à peau dépigmentée (présence de ladres, balzanes…).

2

Par Nelly GENOUX - Nathalie PRIYMENKO - | 20.08.2020 |
Niveau de technicité :
millepertuis
Sommaire

Comment reconnaître le millepertuis ?

Pied de millepertuis
Pied de millepertuis © N. Genoux
Le millepertuis (Hypericum perforatum) ou herbe de la Saint-Jean est une plante herbacée commune de la famille des Hypéricacées, vivace, à port érigé et glabre (dépourvue de poils). Il se caractérise par une tige de forme cylindrique avec deux lignes longitudinales saillantes bien marquées, de 20 à 70 cm de haut.

Les feuilles

De forme linéaire à ovale, les feuilles du millepertuis sont sessiles (c’est-à-dire directement attachées à la tige) et opposées sur la tige. Ponctuées de petites poches sécrétrices transparentes remplies d’huile essentielle, les feuilles donnent l’impression d’être perforées. Cette caractéristique est d’ailleurs à l’origine du nom de la plante : étymologiquement, « millepertuis » signifie « mille trous ». Les feuilles sont également bordées de points noirs qui correspondent à des glandes à hypéricine, le principe actif responsable de sa toxicité.

Les fleurs

Groupées en cymes terminales au bout des tiges, les fleurs du millepertuis sont de couleur jaune vif, formées de cinq pétales également ponctués de points noirs sur les bords et possèdent de nombreuses étamines regroupées en trois faisceaux. La floraison a lieu entre mai et septembre.

Les fruits

Les fruits sont des capsules ovales.


Fleur de millepertuis
Fleur de millepertuis © N. Genoux
Feuilles de millepertuis
Feuilles de millepertuis © N. Genoux
Zoom sur les feuilles de millepertuis
Zoom sur les feuilles : observer les petites poches transparentes et glandes noires © N. Genoux

Milieu de vie du millepertuis

Millepertuis sur un chemin
Millepertuis sur un chemin © N. Genoux
Le millepertuis est une plante courante qui affectionne particulièrement le soleil et les sols riches en calcium. S’il est très présent dans le sud de la France, il est toutefois répandu sur l’ensemble du territoire. Les bords de chemins, lisières de forêt, prés, terrains vagues et talus clairsemés et calcaires représentent son habitat de prédilection.

Parfois utilisé pour l’ornement, le millepertuis est aussi connu et cultivé pour ses vertus médicinales : utilisé comme antiphlogistique, dans le traitement des affections cutanées et comme antidépresseur chez l’Homme.

Quelles sont les circonstances d’intoxication au millepertuis ?

La toxicité du millepertuis est surtout décrite chez les ovins, mais aussi chez le cheval et les bovins.

Une plante potentiellement attractive en période de disette…

Le millepertuis étant présent dans l’environnement direct du cheval (prairies, chemins, talus…), l’intoxication a lieu suite à l’ingestion de plante verte au pâturage. Si le cheval ne la recherche pas forcément activement en temps normal, il peut être amené à en consommer dans certaines circonstances, surtout quand les ressources alimentaires viennent à manquer (période de disette lors de sécheresse estivale, par ennui dans un paddock surpâturé, en broutant sur un talus en balade…). Plus la plante est jeune et plus elle est appétente.

La plante reste toxique même après dessiccation. L’intoxication peut donc aussi avoir lieu suite à l’ingestion de plante sèche dans un fourrage contaminé.

… mais responsable d’une photosensibilisation primaire

Contrairement à d’autres plantes qui peuvent être toxiques uniquement par contact avec l’animal, la toxicité du millepertuis ne s’exprime qu’après ingestion.

Toutes les parties de la plante sont toxiques, notamment les fleurs en début de floraison. Les glandes noires visibles sur les tiges et en bordure des feuilles et des pétales renferment de l’hypéricine, une toxine responsable de photosensibilisation primaire. Après ingestion de la plante, le principe actif pénètre dans le corps de l’animal, est absorbé par voie digestive puis véhiculé par le sang jusqu'à l'épiderme où il va se déposer. La toxicité s’exprime ensuite par activation solaire. Sous l'action des rayons solaires, le principe actif subit une transformation chimique et provoque alors une nécrose des cellules de l’épiderme.

Quels sont les signes cliniques d’une intoxication au millepertuis ?

L’apparition des signes cliniques est généralement différée dans le temps après ingestion de la plante (au minimum 48 à 72h). Cela implique de remonter dans l’historique de l’animal pour découvrir ce à quoi il a été exposé et éventuellement poser un diagnostic.

Hypéricisme

Après une latence variable (allant de 48h à plus de 20 jours), le cheval va devenir inquiet et chercher à fuir la lumière (photophobie). Au niveau cutané, des signes cliniques vont alors apparaître, surtout dans les régions à peau fine, dépigmentées ou avec peu de poils :

  • Apparition de plages d’érythème prurigineux de couleur lie-de-vin
  • Œdème
  • Tuméfaction avec éruptions vésiculeuses
  • Apparition de plaies d’excoriation dues au grattage
  • Peau craquelée
  • Présence d’exsudations jaunâtres évoluant en croûtes foncées adhérentes

La peau finit par se nécroser et tombe par plaques.

Les animaux à peau/muqueuses pigmentées sont peu ou pas sensibles. Les chevaux à peau dépigmentée ou présentant des marques blanches sur le bout du nez ou des balzanes sont les plus concernés par l’intoxication.

Quel traitement ?

Le traitement consiste simplement à garder l’animal dans un environnement à l’ombre pendant au moins un mois, temps nécessaire à l’élimination de l’hypéricine.

Quels sont les moyens de prévention ?

Les mesures de prévention restent le meilleur moyen pour éviter le développement/la prolifération du millepertuis. Cela passe avant tout par une bonne gestion du pâturage et un bon entretien des prairies destinées au pâturage et/ou à la production de fourrages.

Assurer une bonne gestion du pâturage

Il s’agit de faire en sorte de préserver la qualité des prairies pour ne pas offrir trop d’opportunités de développement à la plante. Si l’herbe est dense et de bonne qualité, les adventices (espèces indésirables, comme le millepertuis) auront plus de mal à se développer que si le couvert est pauvre. Pour cela :

  • Eviter le surpâturage en diminuant le chargement (nombre d’équidés/ha) et en augmentant les temps de repos des prairies.
  • Limiter le pâturage pendant les périodes sèches.
  • Faucher les refus au champ pour favoriser une meilleure repousse des espèces prairiales.

Bien entretenir ses prairies

  • Effectuer un sursemis de graminées et/ou légumineuses (ray-grass anglais, trèfle blanc...) sur les sols dégarnis voire labourer puis ressemer la prairie quand elle est trop abîmée (>20% de la surface dégarnie et/ou rapport espèces prairiales/adventices trop faible).
  • La lutte chimique : en cas d’invasion ou lorsque le millepertuis a déjà bien colonisé le milieu, désherber les prairies en appliquant un traitement herbicide localisé « plante par plante ». C’est la meilleure technique : elle permet de limiter l'usage des désherbants uniquement sur les zones ou plantes à traiter.
  • Eliminer les résidus après traitement, en veillant à ne surtout pas les déposer sur la fumière ou le compost (pour ne pas risquer de disséminer les graines/fruits des adventices lors de la fertilisation), plutôt les brûler.
L'utilisation de produits phytosanitaires doit être réalisé par des personnes habilitées (voir focus sur Certiphyto ci-dessous) et dans des conditions de température, de vent et d'hygrométrie favorables. Le stade feuillu des adventices est le plus favorable pour réaliser le traitement.

Focus Certiphyto
Le Certiphyto est un certificat individuel pour sécuriser l'usage des produits phytopharmaceutiques (herbicides, insecticides, fongicides). Tous les professionnels (chef d'exploitation et salariés) qui travaillent avec des produits phytopharmaceutiques sont concernés par la réglementation française et européenne. La directive européenne (2009/928/CE) prévoit une formation obligatoire initiale et continue pour acquérir et mettre à jour ses compétences sur l'usage des produits phytopharmaceutiques. Le Certiphyto est obligatoire pour tout utilisateur depuis le 1er octobre 2014. S'adresser à la DRAAF (Direction Régionale de l’Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt) de votre région.

Mais aussi…

  • Ne pas laisser son cheval brouter n’importe quoi lors de sorties en extérieur.
  • Laisser du foin à disposition là où la ressource en herbe est limitée (paddocks, prairies en période de sécheresse...).
En savoir plus sur nos auteurs
  • Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE
  • Nathalie PRIYMENKO Docteure vétérinaire - École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT)

Bibliographie

Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 18 05 2024

Fiche réalisée avec nos partenaires

Ecole vétérinaire de Toulouse

Cette fiche vous a-t-elle été utile ?