Alimentation et bien-être du cheval

Le bien-être de l'animal est défini comme "l'état dans lequel un individu est en harmonie physique et mentale avec son environnement, en fonction des efforts qu'il doit faire pour s'y adapter » (Broom 1986). Parmi les 5 libertés définies par le Farm Animal Welfare Council (UK) en 1979, la première notion mentionnée porte sur l'accès à de l'eau potable et à une nourriture préservant la santé et la vigueur des animaux. 

D'autre part, des études épidémiologiques ont montré que l'isolement social, le logement, les conditions de vie et le régime alimentaire ont des effets sur le développement des stéréotypies définies comme des comportements de mal-être chez le cheval (tic à l'appui, tic déambulatoire...).

Les relations entre l'alimentation et le bien-être du cheval sont développées ici en précisant dans un premier temps les caractéristiques de son comportement naturel, la nature des aliments et la durée d'alimentation dans le milieu naturel. Ensuite, l'impact du mode de distribution de l'alimentation sur l’apparition de pathologies et de stéréotypies sera abordé.

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Niveau de technicité :
Troupeau de chevaux au pré
Sommaire

Comportement alimentaire

Le cheval est un monogastrique qui, à l'état naturel, utilise l'herbe et les ligneux pour s'alimenter et couvrir ses besoins nutritionnels. Les chevaux au naturel passent en moyenne 16h/jour à manger en continu. Comme les autres espèces animales vivant en groupe, les chevaux préfèrent s'alimenter en même temps que leurs congénères. Le comportement alimentaire naturel consiste à se déplacer lentement la tête baissée en broutant de l'herbe dans des zones de pâturage plutôt rases.

Les chevaux possèdent un petit estomac non élastique, qui assure une prédigestion des aliments. Il se vide dans l’intestin grêle lorsqu’il est plein (soit une douzaine de litres). Lors d’un repas abondant, l’estomac se vide en cours de repas. Cela entraîne une diminution de la digestion des aliments ingérés. Après une digestion enzymatique dans l’intestin grêle (sucs digestifs), les aliments transitent dans le gros intestin où des micro-organismes spécialisés (bactéries) assurent la valorisation de la fraction non digérée auparavant, ce qui augmente le risque de coliques, diarrhées et fourbures.

Ainsi, les coliques (troubles du tube digestif) sont favorisées notamment par :

  • Un changement brusque d’alimentation, une alimentation trop riche en concentrés
  • Des repas de concentrés trop volumineux
  • Un foin de mauvaise qualité
  • L’ingestion de plantes toxiques
  • Un accès limité à l’eau
  • Un mauvais contrôle du parasitisme digestif

Le fourrage, base de l'alimentation du cheval

Un lien a été établi entre l'excès de consommation d’aliments concentrés et l'apparition d'ulcères gastriques. Pour limiter les problèmes gastriques et de comportement anormal, le foin doit constituer la base de l’alimentation du cheval.
Le fourrage, plus riche en fibres et composé de fragments d'aliments de taille supérieure que l’aliment concentré, augmente le temps de mastication. Cela a pour effet d'allonger le temps passé à manger. Le bénéfice est double :

  • Le temps de salivation et le volume de salive augmentés amélioreraient le pH de l’estomac limitant ainsi l'apparition d'ulcères.
  • L'activité d'ingestion alimentaire réduit l'ennui, limitant l'apparition de stéréotypies.

Quantité

A volonté, les chevaux consomment en moyenne 7 à 15 kg de Matière Sèche (MS). Par exemple, pour un cheval de 500 kg à l'entretien peut ingérer :

  • 60 à 80 kg brut d'herbe jeune à 15 % de MS
  • ou 12 kg brut de foin de pré à 85 % de MS

L’apport à volonté réduit le stress. Il a un impact positif sur le bien-être et le comportement. De plus, les chevaux consommeraient autant de foin la journée (8h-20h) que la nuit (20h-8h). Il est donc opportun de distribuer au minimum deux repas de foin (matin et soir). Ainsi la distribution de la ration s’adapte au mode de consommation du cheval et limite le gaspillage. La quantité a donner étant à ajuster avec ce qu’il reste dans le box.

Allier digestion et exercice

Des rations importantes (de concentrés ou de foin) avant des compétitions demandant de gros efforts (endurance, cross de haut niveau) altèrent les fonctions de thermorégulation et cardiovasculaire de l'athlète.

Le moment de l’alimentation avant un exercice semble plus important que le type d’alimentation. Une restriction totale d’alimentation avant la compétition augmente le risque d’ulcère gastrique. Dans une étude, il est montré que l'apport de fourrage 2 à 3 heures avant l'exercice ne semble pas affecter la performance, ni la glycémie (taux de glucose) pendant un exercice d'intensité modérée. En revanche, des apports de fourrages en petite quantité (1-2kg), 1 à 3 heures avant la compétition sont recommandés pour limiter les problèmes gastriques des chevaux de haut niveau.

Qualité

Il faut aussi tenir compte de la valeur nutritionnelle des fourrages à complémenter avec un concentré ou un Complément Minéral Vitaminé selon les besoins nutritionnels du cheval en lien avec son activité et son état physiologique.

D'après une étude, les utilisateurs considèrent que le fourrage a une faible valeur nutritionnelle, et qu'ils ne le donnent que pour « faire plaisir » aux chevaux. Pourtant, un régime uniquement à base de fourrage à haute valeur nutritionnelle peut couvrir les besoins d’un cheval adulte sujet à des efforts importants. Une meilleure communication sur l’importance et la qualité du foin sont nécessaires.

Diversifier l'alimentation

Distribution de fourrages différents

Une étude montre qu'un apport de fourrages diversifiés (fourrage classique + briques de fourrages hachés) augmente le temps d'ingestion. De plus, cela donne accès au cheval à des aliments en continu limitant ainsi l'ennui et l'apparition de stéréotypies. Consommée en quantité limitée, la paille ne pose pas de problèmes digestifs.

D'autre part, il a été montré que le mâchonnage de bois à l'écurie (auge, portes) est souvent associé à des régimes trop riches en aliments concentrés. L'apport de fourrage (foin et paille) peut limiter ce comportement.

De même, l'usage de litière autre que la paille augmenterait les risques de comportements anormaux. La litière de paille contrairement aux copeaux de bois, favorise davantage la position en décubitus latéral. Surtout, elle amène le cheval à rechercher en continu des aliments limitant l'ennui.

Chevaux au pâturage © Ifce
Donner accès au pâturage

Il semble évident qu'un accès fréquent à la pâture est bénéfique pour les chevaux logés en boxe. La sortie en liberté au paddock est un moment de détente pour le cheval qui peut alors se rouler et se déplacer librement. Il pourra davantage entretenir aussi des contacts sociaux qui sont restreints avec ses congénères lorsqu'il est au boxe. La disponibilité en herbe favorisera plutôt le cheval à pâturer dans une ambiance calme comparé au paddock en sable qui servira plus de défouloir (risque de blessures) que de détente.

Mode de distribution des fourrages pour une digestion longue et continue

Filets à foin

Le temps d’ingestion est deux fois plus long quand le foin est donné dans un filet à foin plutôt qu’au sol. Des études françaises et hollandaises montrent que les filets à foin à plus petites mailles ralentissent la prise de fourrage et augmentent le temps de mastication de 5 min/kg de foin, rallongeant ainsi le temps d'affouragement du cheval.

Cependant, certains filets obligent les chevaux à pencher la tête, ce qui peut à la longue avoir un effet néfaste sur les vertèbres et les tissus musculaires. Aussi, les chevaux ont manifesté plus de comportement de « nuzzle » avec des filets à petite maille (frottement du nez horizontal).

Les auteurs de ces études signalent également que si les largeurs de mailles des filets sont trop petites, les chevaux ne mangent plus leur foin.

De même, il faudra privilégier la posture naturelle du cheval lors de la prise d'aliments qui consiste à manger la tête penchée vers le sol. Ceci limite le risque de bouchon oesophagien (y compris pour le concentré pour les chevaux gloutons qui le mastiquent peu). Cette position favorise aussi l’élimination des poussières inhalées du fait de l’inclinaison de la trachée. Attention à ne pas utiliser de filets à foin proche ou à même le sol notamment pour les chevaux ferrés et/ou harnachés qui pourraient se coincer dans les mailles.

The Natural Feeder ® (US)
Plusieurs distributeurs individuels ou collectifs sont commercialisés aujourd'hui sous différentes formes :

  • Bac disposé à terre recouvert d'une grille descendant au fur et à mesure de la consommation,
  • Filet suspendu,
  • Ratelier muni ou non de séparateur.

Ils sont adaptés selon le mode de vie individuel ou collectif du cheval. 


Distributeur automatique d'aliment

Une hausse du taux de cortisol (hormone indicatrice de stress) est observée chez les chevaux qui voient leurs voisins manger avant eux en attente d'être servis. Ainsi, un distributeur automatique permettant aux chevaux d'être nourris en même temps limiterait le stress. Les systèmes de distribution alimentaire automatique ou en cornadis semblent satisfaisants d’un point de vue du bien-être, limitant ainsi le stress et les blessures.

Il faut néanmoins qu’ils soient conçus de façon à ce que les chevaux s’engagent en avant pour manger et ne puissent empêcher leurs congénères dominés de manger par des déplacements latéraux. Il faudra aussi veiller à prévoir suffisamment de « places » d'affouragement (en surface) par rapport au nombre de chevaux logés ensemble.

Enrichir le milieu de vie pour limiter les stéréotypies

stéréotypie
Cheval développant des stéréotypies © Ifce
La réduction du temps passé à chercher la nourriture induit l’émergence de stéréotypies. Cela engendre des problèmes de santé et de mal-être. Les chevaux avec du fourrage à volonté passent plus de temps à manger, moins de temps à être en position d'alerte et ont plus d’interactions positives lorsqu’ils sont conduits en groupe.

La présence de plusieurs tas de foin induit plus de comportements de recherche et moins de comportements anormaux.

De plus, augmenter le nombre de repas quotidien, voire opter pour une alimentation basée uniquement de fourrages, fait diminuer les stéréotypies.


Dans une étude, des poulains témoins sont comparés à des poulains "enrichis" qui ont bénéficié d’un environnement enrichi au moment du sevrage, à la fois socialement (au pré avec des congénères plusieurs heures par jour), par la recherche de nourriture (plusieurs repas de concentrés distribués soit dans une mangeoire cachés sous du foin, soit éparpillés dans la paille). D'autres enrichissements tactiles (brosses fixées au mur), auditifs (musique) et olfactifs (diffusion de senteurs naturelles) ont été apportés dans l'écurie des poulains « enrichis ». Ceux-ci ont moins henni et montré moins de signes de vigilance ou de comportements aberrants que des poulains témoins (sans enrichissement). Ils ont aussi été observés plus souvent au repos, que des poulains en logement standard individuel au box. Ainsi, l’enrichissement permet de diminuer l’émotivité des poulains et d’améliorer leur bien-être.

Ce qu'il faut retenir

  • Le cheval au naturel passe les ¾ de son temps à manger.
  • Le fourrage (herbe ou foin) est la base de l'alimentation du cheval.
  • Le fourrage distribué induit une ingestion longue et continue chez le cheval en cohérence avec sa physiologie digestive.
  • L'apport de fourrages limite l'apparition de troubles digestifs (ulcères, coliques, ...). A volonté, il réduit l'ennui et l'apparition de stéréotypies.
  • Enfin une sortie quotidienne du cheval vivant au boxe est particulièrement recommandée.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Pauline DOLIGEZ Ingénieure de projets & développement « Alimentation et entretien des équidés » IFCE
  • Léa LANSADE Ingénieure de recherche en éthologie IFCE-INRAE
  • Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE

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Date d'édition : 15 05 2024

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