Les électrolytes : luxe ou réels besoins ?

Les électrolytes sont des sels minéraux indispensables au fonctionnement de l’organisme, en particulier chez le cheval de sport. Effort physique intense, compétitions sur plusieurs jours, fortes chaleurs… ils sont préconisés dans différentes situations, pour prévenir la fatigue et favoriser la réhydratation du corps. Cependant, tout excès peut être aussi néfaste qu’un déficit pour la santé du cheval. Que faut-il savoir sur la supplémentation électrolytique ?

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Par Nelly GENOUX - Pauline DOLIGEZ - | 21.08.2019 |
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Poitrail dégoulinant de sueur
Sommaire

Les électrolytes, qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?

Des éléments minéraux sous forme ionique…

Les électrolytes sont des éléments minéraux (ou macroéléments) qui transportent une charge électrique lorsqu’ils sont dissous dans un liquide tel que le sang. Autrement dit, ce sont des éléments minéraux présents sous forme ionique dans l’organisme. Ces ions peuvent être chargés :

  • Positivement s’ils ont perdu un ou plusieurs électron(s) – ils sont alors appelés cations.
  • Négativement s’ils ont gagné un ou plusieurs électron(s) – ils sont alors appelés anions.

La solution ionique dite « électrolytique » obtenue après dissolution des éléments minéraux dans les liquides de l’organisme permet le passage du courant électrique par déplacement d’ions.

Exemple : Le sel de table ou chlorure de sodium sous son nom scientifique, de formule chimique NaCl, est une source d’électrolytes. Une fois dissout dans l’eau, il donne une solution électrolytique contenant des cations Na+ et des anions Cl-.

Les ions sodium Na+, potassium K+ et chlorure Cl-sont les principaux électrolytes présents dans notre organisme et celui des chevaux. D’autres ions comme les ions calcium Ca2+, magnésium Mg2+, phosphate PO42-, bicarbonate HCO3-… sont également présents, mais en moins grande quantité.

Il faut bien faire la distinction entre un électrolyte et un élément minéral. L’électrolyte est un ion alors que l’élément minéral n’en est pas un. Ils ne sont pas présents dans les mêmes quantités et ne jouent pas le même rôle dans l’organisme. Par exemple, l’ion calcium Ca2+ est un électrolyte présent dans notre corps, mais il est majoritairement présent sous forme non chargée (non ionisée) en tant qu’élément minéral. Le premier joue un rôle dans la contraction musculaire, alors que le second intervient dans le développement osseux.

Les électrolytes peuvent être des sels, des acides (substances capables de libérer un ion hydrogène/proton H+) ou des bases (substances capables de capter un ion hydrogène/proton H+). C’est parce qu’ils sont présents sous forme ionique qu’ils peuvent agir dans l’organisme.

… indispensables au bon fonctionnement de l’organisme

Les électrolytes sont indispensables pour le bon fonctionnement de l’organisme. Ils interviennent en particulier dans la transmission de l’influx nerveux, le maintien du métabolisme cellulaire, le maintien de l’équilibre acido-basique dans le sang, le maintien de la pression osmotique, le maintien de l’équilibre hydrique, et dans la contraction musculaire.

Un lien étroit entre l’eau et les électrolytes

Dans tout organisme vivant, les flux d’eau sont régis par une force appelée pression osmotique. Toute différence de concentration entre deux compartiments contenant des liquides, par exemple entre les milieux intra- et extracellulaires, provoque un mouvement d’eau du milieu le moins concentré vers le milieu le plus concentré pour rétablir l’équilibre osmotique. Ce mécanisme repose sur un processus de dilution. Ainsi :

  • Dans un environnement hypotonique (concentration du milieu extracellulaire < concentration du milieu intracellulaire), la cellule va gonfler en se gorgeant d’eau.
  • Dans un environnement hypertonique (concentration du milieu extracellulaire > concentration du milieu intracellulaire), la cellule va rétrécir en libérant de l’eau à l’extérieur.
  • Dans un environnement isotonique (même concentration à l’intérieur qu’à l’extérieur de la cellule), le volume de la cellule restera inchangé (pas de flux d’eau).

Pour garantir l’équilibre hydro-électrolytique de l’organisme, les électrolytes doivent être maintenus dans des concentrations physiologiques adéquates. Cela permet le bon fonctionnement des processus physiologiques. Toute variation des concentrations en électrolytes (respectivement toute perturbation de l’équilibre hydrique) entraînera immanquablement des flux d’eau (respectivement d’électrolytes) pour rétablir cet équilibre…

Alimentation, exercice physique et besoins en électrolytes

Naturellement éliminés dans la sueur, les fèces et l’urine, les électrolytes ne peuvent pas être stockés dans l’organisme. Ils doivent donc être amenés par une source extérieure : l’alimentation.

L’alimentation : principale source d’électrolytes

Un régime alimentaire équilibré et adapté aux besoins des chevaux, l’accès à de l’eau propre et fraîche à volonté, ainsi que la mise à disposition d’une pierre à sel (chlorure de sodium) ad libitum suffisent en général à couvrir les besoins du cheval en électrolytes.

Cas particulier du cheval de sport : des besoins en électrolytes accrus

CCE
Lors d’un effort physique important, les pertes en électrolytes dans la sueur sont élevées © A. Bassaler
Dans le cas des chevaux de sport, les choses se compliquent un peu… Il existe une corrélation entre le niveau d’activité physique et la demande métabolique. Mécanisme de réponse au stress induit par l’effort physique, la transpiration se déclenche naturellement pour réguler la température du corps. Or une importante quantité d’eau et d’électrolytes est excrétée dans la sueur au cours d’un exercice physique intense. Ces pertes liquidiennes vont perturber l’équilibre hydro-électrolytique.


Le saviez-vous ?

Lors d’un effort important, un cheval peut produire entre 10 et 20L de sueur par heure. Le tableau ci-dessous donne la composition de la sueur de cheval en principaux électrolytes (Coenen, 2005) :

[Cl-] (g/L)5,3
[Na+] (g/L)2,8
[K+] (g/L)1,4

Dans un court temps d’exercice physique intense, le cheval perd environ 3% de K+ par rapport à la quantité contenue dans son corps, 8% de Na+ et 20% de Cl-. Il va perdre chronologiquement Cl- > Na+ > K+ > Ca2+ > Mg2+ (Lindinger et Ecker, 2013). 

Les besoins des chevaux de sport en électrolytes sont par conséquent plus élevés que ceux de chevaux à l’entretien. Ces chevaux sont fréquemment sujets à des déficits électrolytiques.

Quelles sont les causes d’une déshydratation et d’un déséquilibre électrolytique ?

Les principales causes d’une déshydratation et d’un déséquilibre électrolytique peuvent être de différente nature :

  • Une alimentation inadaptée.
  • Une forte sudation due à un effort physique important, un transport par temps chaud, un stress prolongé ou consécutive à de fortes chaleurs.

Les périodes de canicule, les longues randonnées, les courses d’endurance, les compétitions sur plusieurs jours, les longs transports en été… sont autant de situations à risque.

Quels sont les risques d’une déshydratation et d’un déficit en électrolytes ?

Outre la baisse de performance liée à un métabolisme moins efficace, une déshydratation et un déséquilibre électrolytique sont susceptibles d’augmenter les risques d’apparition de divers troubles :

  • Spasmes musculaires récurrents
  • Crampes
  • Ulcères
  • Coliques
  • Rhabdomyolyse ou syndrome coup de sang
  • Coup de chaud
  • Flutter diaphragmatique synchrone (sorte de « hoquet » chez le cheval)
  • Léthargie
  • Dysfonctionnement neurologique
  • Nervosité
  • Epuisement

Les résultats ne sont alors pas au rendez-vous, et si rien n’est fait, la santé du cheval peut rapidement être mise en jeu.

Comment prévenir les risques de déshydratation et de déséquilibre électrolytique ?

Un régime alimentaire équilibré, une pierre à sel et de l’eau à volonté

Veille

Pierre à sel
Une pierre à sel… © N. Genoux
z à
abreuvoir automatique
… et de l’eau propre et fraîche à volonté © N. Genoux
fournir à votre cheval une alimentation équilibrée et adaptée à ses besoins, ainsi qu’un accès à de l’eau propre et fraîche à volonté.

Une pierre à sel (chlorure de sodium) doit impérativement être présente en permanence et ad libitum dans son lieu de vie (box, paddock, pré…).

La pierre à sel peut être placée dans la mangeoire ou accrochée à l’abri de la pluie.


Remarques :

  • Les fourrages bien conservés contiennent aussi du calcium et du magnésium, faites faire une analyse de votre fourrage pour éviter tout excès, même en voulant bien faire…
  • Les aliments concentrés du commerce sont généralement formulés en minéraux pour subvenir aux éventuels déficits ou manques des rations à base de fourrages (foin de prairie).

Les erreurs à proscrire !

« Mon cheval ne lèche pas sa pierre à sel dans son box, alors je lui enlève » → Très mauvais réflexe ! Le cheval s’autorégule. S’il ne lèche pas sa pierre à sel pendant une certaine période, c’est qu’il n’en a pas besoin à ce moment. Mais il doit pouvoir y accéder en permanence à volonté. Si vous l’observez bien, vous verrez que votre cheval usera sa pierre à sel beaucoup plus vite après un effort physique important ou en période de fortes chaleurs.
 
Remplacer la pierre à sel par un bloc à lécher mélassé → Très appétent, ce type de complément peut inciter le cheval à en consommer alors qu’il n’en a pas forcément besoin. Pire encore… remplacer la pierre à sel par des friandises sucrées que l’on pend dans le box de son cheval pour l’occuper. Un électrolyte n’est pas une friandise et encore moins une occupation, il doit simplement répondre à des besoins essentiels du cheval.

Un exercice physique adapté

Le cheval de sport est un athlète à part entière qui se doit d’être correctement entraîné. Mieux il sera préparé aux efforts physiques qui lui seront demandés, plus adapté sera son métabolisme. Son organisme sera alors mieux armé et plus résistant.

Lors d’épisodes de canicule, si le travail doit être poursuivi pour des objectifs de compétition par exemple, il devra être adapté pour éviter une trop forte sudation. Montez à la fraîche tôt le matin ou tard le soir, partez en balade à l’ombre en forêt, travaillez votre cheval en main en manège… pour limiter les pertes électrolytiques. Cela vous permettra d’entretenir votre cheval tout en le préservant. Evitez également les transports en plein milieu de journée.

Un supplément électrolytique s’impose parfois !

En cas d’efforts physiques intenses (championnats, marathon en attelage, épreuve d’endurance, test de cross en concours complet…) ou de forte sudation liée à un stress ou à de fortes chaleurs, le cheval aura besoin d’un supplément électrolytique pour pallier aux importantes pertes en eau et en électrolytes excrétés dans sa sueur.

Un déficit électrolytique peut avoir des conséquences sur la santé de l’animal. Mais attention ! Si elle n’est pas correctement raisonnée, une supplémentation en électrolytes peut être tout aussi néfaste... Il y a donc des points de vigilance à ne pas négliger.

Pas d’électrolytes sans eau...

Qu’il soit liquide, solide ou sous forme de seringue à administrer directement dans la bouche du cheval, l’apport d’un supplément électrolytique devra toujours être effectué en parallèle d’un abreuvement suffisant. Si vous devez diluer l’électrolyte dans l’eau de boisson de votre cheval, pensez à lui fournir un seau d’eau pure sans électrolyte à côté. Sans eau, l’apport d’électrolytes aurait pour effet d’accentuer encore plus le phénomène de déshydratation ! C’est ce qui se passe quand on mange trop de sel sans boire en parallèle, une sensation de soif apparaît très vite.

… et pas d’eau sans électrolytes

Ne cherchez pas à réhydrater le cheval avec seulement de l’eau pure. Cela aurait pour effet de diluer les fluides de l’organisme et d’augmenter les sécrétions rénales, qui contiennent des électrolytes… les pertes électrolytiques seraient alors augmentées !

Pas n’importe quoi à n’importe quel moment !

Les données de la littérature recommandent l’administration d’électrolytes environ 1 heure avant le début de la compétition pour prévenir toute baisse de performance due à un déficit pendant l’épreuve. C’est le temps nécessaire à leur absorption dans le sang. Un supplément électrolytique sera également donné post-compétition pour favoriser une bonne récupération.

La concentration en K+ ayant tendance à augmenter en début d’effort physique, on évitera d’apporter des électrolytes contenant du potassium avant l’effort, au risque de nuire à la santé du cheval.

Choix de l’électrolyte

Préférez les produits contenant majoritairement du chlorure de sodium et chlorure de potassium. Evitez les produits commercialisés contenant du sucre.

Ce qu’il faut retenir

Les électrolytes sont des éléments minéraux sous forme ionique indispensables au fonctionnement de l’organisme et indissociables de l’état d’hydratation du corps.

Une alimentation équilibrée, avec pierre à sel et eau propre et fraîche à volonté suffit généralement à subvenir aux besoins des chevaux à l’entretien ou se dépensant peu.

Une supplémentation électrolytique est nécessaire en cas d’effort physique intense, de fortes chaleurs et/ou de stress prolongé.

L’apport d’électrolytes doit être raisonné et se faire en parallèle d’un abreuvement suffisant. Ni trop, ni trop peu. Jamais d’électrolytes sans eau, et inversement !

En savoir plus sur nos auteurs
  • Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE
  • Pauline DOLIGEZ Ingénieure de projets & développement « Alimentation et entretien des équidés » IFCE

Bibliographie

  • ASSENZA A., BERGERO D., CONGIU F., TOSTO F., GIANNETTO C. et PICCIONE G. (2014). Evaluation of serum electrolytes and blood lactate concentration during repeated maximal exercise in horse. Journal of Equine Veterinary Science, 34, pages 1175-1180.
  • COENEN M. (2005). Exercise and stress : impact on adaptative processes involving water and electrolytes. Livestock Production Science, 92, pages 131-145.
  • LINDINGER M.I. et ECKER G.L. (2013). Gastric emptying, intestinal absorption of electrolytes and exercise performance in electrolyte-supplemented horses. Exp. Physiol., 98(1), pages 193-206.
  • PRADO R.O.F., MORALES B.J.E., GARCÍA M.L.J., MOLINA-OCHOA J., VALPUESTA S.G., HERNÁNDEZ R.J.A. et GARCÍA C.A.C. (2019). Effects of exercise on cations/anions in blood serum of English Thoroughbred horses. Arq. Bras. Med. Vet. Zootec., 71(3), pages 909-916.
  • WALKER E.J. et COLLINS S.A. (2017). The effect of exercise intensity and use of an electrolyte supplement on plasma electrolyte concentrations in the Standardbred horse. Can. J. Anim. Sci., 97, pages 668-672.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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