La sélection génomique

Le séquençage du génome du cheval offre des possibilités nouvelles. Déjà utilisée chez les bovins laitiers notamment, la sélection génomique intéresse vivement les scientifiques et les socioprofessionnels de la filière équine. D'importantes avancées ont déjà été faites, de nouvelles devraient bientôt suivre...

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Niveau de technicité :
 pâturage mixte équins-bovins © N. Genoux / IFCE
Sommaire

Le génome du cheval entièrement séquencé

Grâce à la collaboration d’un chercheur français, Gérard Guérin, l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) a contribué au séquençage du génome équin.

La séquence complète d’une jument de race Pur-sang a été produite en 2006. L'interprétation de cette séquence a permis d’apporter des informations complémentaires en vue de mieux comprendre la biologie de cette espèce en la comparant à celle des autres mammifères.

De fortes similitudes existent avec le génome humain, ce qui laisse prévoir des avancées notables possibles dans les domaines de la santé et du bien-être des animaux, grâce à l’identification des anomalies génétiques à l’origine de pathologies. Les résultats ont également permis de développer des outils d’analyse à haut débit de la variabilité du génome (puces à SNP) et d’expression du génome (puces de gènes). 

Ces outils ouvrent de nouvelles perspectives de recherche de marqueurs et de gènes d’intérêt en vue de venir en aide aux différents acteurs du monde du cheval. Il est à prévoir que le nombre de tests ADN va croître rapidement dans les prochaines années. Ils seront mis sur le marché afin de faciliter et d’accélérer la production de chevaux sains et performants.

Principe de la sélection génomique

© S.D. Ehrlich
Le principe de la sélection génomique a été rappelé par Etienne Verrier, professeur à AgroParisTech. Les SNP1 sont de véritables « balises » du génome. Les puces SNP permettent de caractériser ses balises en plus de 50 000 points du génome, augmentant ainsi la possibilité de cerner des gènes d’intérêt (performances mais également anomalies) et permettant de prédire la valeur génétique à partir des marqueurs de son génome. 


L’utilisation de cet outil chez les bovins lait permet d’obtenir une évaluation des reproducteurs dès la naissance avec une précision se rapprochant de celle obtenue grâce à une dizaine de produits.

1 SNP : « Single Nucleotide Polymorphism » = portion d’ADN présentant une variabilité entre individus. Il est utilisé comme marqueur génétique dans la cartographie des génomes et correspond à une seule paire de bases

Sélection génomique : utilisée en routine depuis 2008 dans la sélection des bovins laitiers

C’est une véritable révolution scientifique comparable à celle connue dans les années 80 avec le développement de l’insémination artificielle. Vincent Ducrocq, directeur de recherche à l’Inra précise les changements importants apportés aux programmes de sélection laitière suite à cette précision des évaluations génétiques dès la naissance :

Vaches laitières couchées au pré
© M. Cressent

  • Suppression du contrôle sur descendance des taureaux (testage) permettant une réduction des coûts et une diminution de l’intervalle entre générations.
  • Introduction de nouveaux caractères moins héritables dans les programmes de sélection (fertilité, résistance aux mammites, aptitude au vêlage, longévité…).
  • Possibilité de sélectionner sur la voie femelle.
  • Abandon d’une diffusion des champions.

Le progrès génétique devrait doubler ! Mais, il convient de veiller à la consanguinité et au maintien d’une organisation mutualisée du système.

Dans toutes les espèces, il est apparu clairement, grâce à l’exposé de Didier Boichard, directeur de recherche à l’Inra, que l’efficacité d’un programme génomique est basée sur un partenariat étroit entre les différents acteurs concernés. Les études, indispensables aux avancées dans ce domaine doivent être raisonnées de façon collégiale et prévoir :

  • Un phénotypage rigoureux des individus. Aujourd'hui, chez le cheval, les performances sportives sont généralement bien connues et conservées pour l’ensemble des performers. Mais ce n’est pas le cas des données comme le modèle et les allures, le tempérament, la fertilité, les anomalies ou encore les fragilités à certaines affections qui nécessitent une véritable organisation de mesures et de gestion de l’information.
  • Une banque à ADN permettant de génotyper l’ADN des individus (sang ou semence étant le matériel le plus approprié pour un typage ADN). La constitution d’une telle banque devra être envisagée rapidement dans l’espèce équine si l’on veut pouvoir être réactif lors de la mise en place de nouvelles études.

Ces 2 étapes doivent permettre la constitution d’une population de référence qu’il est nécessaire de faire évoluer régulièrement.

La génomique utilise actuellement des puces permettant d’identifier 600 000 SNP par typage d’un individu, mais la capacité des puces ne cesse de progresser. Restera à déterminer le meilleur ratio entre le coût d’un tel outil et les informations attendues.

Les puces actuelles, utilisées dans les 2 projets génomiques qui ont démarré chez les équidés ont une valeur d’environ 200€... ce qui, dans cette espèce, constitue un prix qui reste faible dans le coût de production d’un reproducteur ou d’un performer.

Des socioprofessionnels demandeurs d’éléments concrets

En France, des études sur le génome ont déjà commencé avec plusieurs importants programmes de recherche, en partie financés par le Conseil scientifique de l’Institut français du cheval et de l’équitation.

  • GENEQUIN qui porte sur les anomalies de l’ostéochondrose et du cornage. Ce projet est mené en collaboration étroite entre les spécialistes de la médecine sportive du CIRALE (Pr. Jean-Marie Denoix porteur du projet), de la génétique moléculaire de l’Inra (Gérard Guérin) et de la génétique quantitative de l’Ifce (Anne Ricard). Ce projet a été labellisé par le Pôle de compétitivité filière équine et a obtenu un co-financement de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), du Fonds Eperon, de la région Basse-Normandie et de l’Ifce.
  • JUMPSNP qui porte sur l’étude de la possibilité d’améliorer la précision de l’indexation génétique pour le sport grâce à une sélection génomique. Ce projet est mené conjointement par Anne Ricard et Gérard Guérin. Ce projet est en partie financé par le Fonds Eperon grâce au soutien de la FNC, de l’ANAA et de l’ANSF pour les travaux de recherche.

... et plus récemment :

  • SOGEN qui vise une analyse de la locomotion et de la morphologie du cheval de saut d’obstacles et leurs liens éventuels avec la performance. Co-financement de l’Ifce et du Fonds Eperon, avec le soutien de la Société Hippique Française et du Stud-book Selle Français.
  • GENOTROT qui vise à analyser les effets chez le trotteur français de la mutation DMRT3 favorable à la synchronisation des allures. Co-financement de l'Inra et Le Trot.

Les socioprofessionnels sont très demandeurs d’éléments concrets permettant de mieux comprendre certains problèmes rencontrés en élevage (infertilité, maladie…) ou lors de l’utilisation des chevaux (intolérance à l’effort, boiterie…).

L’ensemble des professionnels équins est tout-à-fait partant pour que la recherche française avance dans ce domaine et apporte son réel soutien au bon déroulement de ces projets (mise à disposition de matériel biologique et phénotypage des équidés). Les professionnels souhaitent maîtriser l’insertion de ces outils au sein de l’organisation et du modèle économique de leur filière. Il s’avère donc indispensable d’une part d’avancer en recherche, de phénotyper les populations, d’enrichir le nombre de caractères mesurés, de stocker les échantillons biologiques et, d’autre part, d’engager une réflexion prospective sur le sujet.

Les tests moléculaires déjà disponibles

Outre les tests disponibles concernant la plupart des robes (roux, noir, tobiano, sabino, crème, silver…), de nouveaux tests sont développés chaque année concernant les anomalies génétiques : SCID (immuno-déficience chez les arabes ou issus d’arabes), CA (atrophie cérébéleuse), EBJ (épidermolyse bulleuse jonctionnelle), HYPP (hyperkaliémie paralysante), myotonie du New Forest…


D’autres tests correspondant à des gènes d’intérêt liés à une aptitude sportive apparaissent :

  • Une scientifique irlandaise a notamment publié en 2009 sur la mise en évidence d’un lien entre un changement de base ADN dans un gène de la myostatine (responsable de la croissance musculaire) et l’aptitude à la distance chez les pur-sang (différentiation des « sprinter », « milers» et des « stayers »). Elle propose déjà un test moléculaire pour prédire cette potentialité (www.equinome.com). L’article de cette scientifique Irlandaise a été accepté dans une revue internationale reconnue. Certes, il n’est pas certain que le test proposé soit plus précis qu’une évaluation génétique classique à partir des performances et des généalogies, mais comme il n’est pas possible d’envisager une telle évaluation chez le pur-sang, c’est une façon de contourner le problème !
  • Un 2012, c’est une équipe suédoise qui a publié sur la mutation DMRT3 qui code pour une aptitude du cheval à synchroniser les allures symétriques (tölt, amble et surtout trot). Le test s’est depuis largement répandu en France. Une étude a démontré l’importance de l’allèle A pour une qualification précoce, mais a souligné que les chevaux hétérozygotes (AC) avaient des résultats en courses à partir de 5 ans bien meilleurs que ceux des homozygotes (AA).
En savoir plus sur nos auteurs
  • Anne RICARD Ingénieur de recherche en génétique équine, IFCE-INRAE
  • Gérard GUERIN Inra
  • Sophie DANVY Ingénieur de développement IFCE
  • Françoise CLEMENT Directrice de la Recherche et du Développement Ifce
  • Bernard DUMONT SAINT PRIEST Ingénieur de recherche & développement « Caractérisation des équidés » IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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