Sperme congelé : utilisation des petites doses et de l’insémination artificielle profonde

Pour certains étalons, un faible nombre de paillettes de semence congelée est affecté par jument pour une saison. Afin de tenter d'optimiser leur utilisation pour obtenir une gestation, le recours à l'utilisation de petites doses et à l'insémination artificielle profonde est fréquent. Tour d'horizon pour mieux comprendre.

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Par Laurent VIGNAUD - Laetitia LE MASNE - | 04.09.2017 |
Niveau de technicité :
Cuve de conservation des pailettes de semence
Sommaire

Contexte

Depuis plusieurs années, le nombre de paillettes de semence congelée fourni par contrat de saillie est variable selon les étalons et les vendeurs. Il peut être réduit à 4-5 paillettes, voire une seule. Cette tendance a favorisé l'émergence de la technique d'insémination à faible dose pour tenter d'optimiser le nombre de paillettes disponibles pour obtenir une gestation.

  • Une seule paillette (parfois 2) est alors utilisée à chaque insémination.
  • Une seule insémination est généralement réalisée par chaleur. Elle est effectuée la plupart du temps post-ovulation, maximum 6 heures après l'ovulation.
  • Un suivi ovarien 4 fois par jour est réalisé (soit toutes les 6 heures au minimum), compte tenu de la durée de survie très faible de l'ovocyte après ovulation.

Une dérive de cette technique s'est développée. Elle consiste à déposer la semence en haut de la corne utérine, du côté où se trouve le follicule pré-ovulatoire. On parle d'insémination artificielle profonde (IAP).

Techniques d'insémination et éléments de physiologie

Cathéter IA classique et à la paillette
Cathéter IA classique et à la paillette © Ifce
Lors d'une saillie naturelle ou d'une insémination classique, la semence est déposée juste derrière le col de l'utérus de la jument. Pour l'insémination, un cathéter est utilisé, connecté à une seringue contenant la semence diluée.

L’insémination artificielle profonde permet de déposer le sperme en haut de la corne de l’utérus, du côté du follicule pré-ovulatoire. En effet, le lieu de stockage des spermatozoïdes dans la jument se trouve dans les oviductes, juste au-dessus de l’extrémité des cornes de l’utérus.


Elle se pratique :

  • Soit avec un endoscope ou fibroscope : après avoir insufflé de l’air dans l’utérus, la tige de l’endoscope est poussée jusqu’en haut de la corne utérine, à l’endroit de l’ouverture de l’oviducte, 1 seule IA est possible par cycle. Cependant, cette technique est très lourde et onéreuse à mettre en oeuvre. Elle est donc très peu utilisée sur le terrain.
  • Soit en utilisant un cathéter spécial (muni à son extrémité d'un embout percé d'un trou). Ce cathéter est poussé jusqu'en haut de corne utérine choisie, une main étant introduite dans le rectum pour le guider. Cette sonde est plus rigide qu'un cathéter classique. La paillette y est introduite juste après décongélation et après en avoir coupé l'extrémité soudée.

utérus de la jument
Sites d'insémination classique et insémination profonde dans l'utérus de la jument © Ifce
La distance entre le col de l'utérus et l'entrée de l'oviducte est d'environ 50 cm.

Bien que la vitesse de déplacement des spermatozoïdes soit de 50µm/s (18 cm/h), une partie d'entre eux y parvient en 10, voire 20 minutes. Ce déplacement rapide n'est donc pas lié à leur mobilité propre, mais principalement à des contractions utérines "ascendantes".

La mobilité propre des spermatozoïdes n'est utile qu'après leur pénétration dans l'oviducte et surtout lors de la fécondation. Environ 2 000 spermatozoïdes mobiles sélectionnés sont stockés dans la jonction utéro-tubaire avant l'ovulation, et ce quelle que soit la quantité de semence déposée initialement.


Dans les quatre heures suivant l'insémination, la totalité des spermatozoïdes restés dans l'utérus sont évacués par voie vaginale par des contractions utérines "descendantes".

Quel impact des doses réduites de spermatozoïdes en IA sur la fertilité ?

Les doses IAC autrefois préconisées par l'Ifce étaient : 8 paillettes contenant chacune 50 millions de spermatozoïdes chacune, soit 400 millions de spermatozoïdes par dose d'insémination. La plupart du temps, deux inséminations étaient réalisées par chaleur. La fertilité par cycle avoisinait les 45%.

Les doses classiques à présent se rapprochent plus de 200 millions (4 paillettes par insémination) voire même parfois une seule paillette (50 millions) par chaleur.

La fertilité est fonction :

  • De l'étalon (semence + ou - fertile)
  • De l'éjaculât (pour un même étalon)
  • De la technique de monte
  • De nombre de spermatozoïdes déposés par insémination
  • De nombre d'inséminations
  • De l'intervalle dernière insémination-ovulation
  • De la jument

Même si l'on a pu constater des gestations avec de très faibles doses de spermatozoïdes, la fertilité reste en partie dépendante du nombre de spermatozoïdes inséminés.

Quels effets de l'insémination artificielle profonde sur la fertilité ?

On constate pour l'IAP :

  • Pas de gain de temps réel sur le transit des spermatozoïdes dans l'utérus entre l'IA profonde et une IA classique derrière le col.
  • Un tout petit peu plus de spermatozoïdes à la jonction utéro-tubaire du côté de l'insémination lors d'IAP, avec une variabilité importante selon la qualité de la semence.
  • La sélection des spermatozoïdes "de bonne qualité" limite l'intérêt de cette technique pour la semence d'étalons subfertiles ou hypo-fertiles dont les spermatozoïdes ne passent pas cette barrière.

Ce qu'il faut retenir

A l'heure actuelle, les différents protocoles réalisés par différentes équipes de chercheurs montrent que l'IAP :

  • N'induit pas plus d'inflammation de la muqueuse utérine que l'IA classique
  • N'augmente pas la fertilité d'une semence subfertile
  • N'augmente pas la fertilité des juments subfertiles
En savoir plus sur nos auteurs
  • Laurent VIGNAUD Ingénieur de projets et développement IFCE
  • Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 14 05 2024

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