La morphométrie 3D

Développée en 1999 par le Pr Nathalie Crevier-Denoix, en collaboration entre l'École Nationale Vétérinaire d'Alfort (ENVA) et l'INRA (ex INRAE), la morphométrie en trois dimensions (morphométrie 3D) est une méthode qui permet de caractériser la conformation du cheval de façon objective.

Son principal intérêt est d'obtenir, à partir de repères morphométriques, des longueurs et valeurs d’angles rapidement mesurées sur le cheval en mouvement au pas. En effet, l'évaluation par simple examen visuel du modèle à l'arrêt lors des concours de « Modèle et Allures » (M&A) est biaisée par la recherche d'un certain « placer » du cheval, variable selon le présentateur. En morphométrie 3D, l'évaluation du cheval se fait à partir d'un « arrêt sur image » issu d'une vidéo d'un cheval en mouvement. Il y a donc peu d'impact du présentateur.

Cette méthode originale a pour particularités :

• D'être en trois dimensions, avec des mesures de longueurs et d’angles réels, non projetés sur un plan.
• De n'utiliser que 2 marqueurs cutanés (gain de temps pour l'estimation de grands effectifs) pour 28 repères.
• D'utiliser l'enregistrement vidéo du cheval au pas, donnant des valeurs du modèle plus reproductibles qu'à l'arrêt.

L’analyse des chevaux se fait en trois étapes.

L’enregistrement des données

Les chevaux sont filmés par 4 caméras lors d'un aller-retour en main et au pas, dans un couloir d'environ 10 m de long sur 0,70 m de large. Deux caméras sont installées à chaque extrémité du couloir afin de filmer le cheval de face et de derrière. Les deux autres sont situées sur un côté, orientées de façon à former un angle de 60° entre elles, pour obtenir des images de profil.

Le traitement et la synchronisation des 4 films

Après l'enregistrement des données, les films issus des prises de vue des quatre caméras sont traités puis synchronisés de façon à obtenir des images de référence.

Les relevés anatomiques et le calcul des paramètres morphométriques

Les images de référence obtenues à partir des films permettent d'effectuer des relevés au niveau de 28 repères anatomiques (15 images de référence sur le membre antérieur, la région tête-encolure et le tronc d'une part, et 13 images sur le membre postérieur et le dos). Un calcul d’environ 400 paramètres morphologiques est ensuite réalisé grâce aux coordonnées 3D des 28 repères pour obtenir les valeurs :

• Des principales longueurs et rapports (segments des membres, des bras de levier, rapport longueur/taille au garrot...)
• Des principales largeurs (épaules, hanches…)
• Des principales hauteurs et rapports (taille au garrot, rapport hauteurs/taille au garrot…)
• Des angles articulaires (angles réels et projection dans un plan sagittal et frontal)
• Des angles des segments par rapport à l'horizontale et à la verticale

Une étude préliminaire a été réalisée sur un total de 40 chevaux, en comparant la morphologie de 20 chevaux de niveau international en CSO à celle de 20 chevaux de niveau amateur (Crevier-Denoix et al., 2004).

Une autre étude menée à grande échelle avec cette méthode en 2002 a concerné un total de 750 jeunes chevaux de race Selle Français, âgés de 4 ou 5 ans. En parallèle, 36 étalons, pères et/ou grands-pères de ces mêmes jeunes chevaux, ont aussi été enregistrés en 2003. L’analyse de ces données a permis de calculer les héritabilités de différents caractères et de présenter les caractéristiques morphologiques de la production d'une trentaine d'étalons (c'est-à-dire de calculer la probabilité d'apparition d'un trait morphologique en lien avec les caractéristiques de son ascendance). Voici des exemples d'héritabilité, calculée grâce à la morphométrie 3D, pour quelques traits morphlogiques chez les Selle Français :

Si l'héritabilité (h²) est supérieure à 0,4, alors le caractère est considéré comme héritable. La profondeur relative du thorax et la longueur du tronc sont donc des caractères héritables.

Porté par l’IFCE, financé par le Fonds Éperon, l’IFCE et l’INRA, et mené en partenariat avec les socio-professionnels (SHF et Selle Français notamment), ce programme vise à rechercher des gènes majeurs prédictifs de l’aptitude au saut d’obstacles. Pour ce faire, 2 500 jeunes chevaux de 4 ou 5 ans ont fait l’objet d’une caractérisation fine concernant leur morphologie et leur locomotion. Pour ce qui est de la morphologie, c’est la technique de la morphométrie en 3 dimensions (M3D) qui a été utilisée.

Chaque cheval a été filmé à l’issue de son parcours de CSO à l'occasion de compétitions. Avec une équipe rodée, l’enregistrement prend à peine deux minutes. Les images des quatre caméras sont recombinées pour obtenir les coordonnées 3D de chaque articulation (28 repères). Le programme calcule les distances entre les points et les angles entre les segments (380 dimensions au total).

À terme, lorsque les dépouillements seront terminés, sont prévus :

• Une restitution individuelle à l’éleveur de chaque cheval, avec la position de ce dernier par rapport au reste de la population de référence selon chacun des critères mesurés.
• Une analyse génétique incluant les calculs d’héritabilité pour chacun des critères.
• Une indexation génétique des reproducteurs (comme base à un outil d’aide au croisement).
• L’analyse d’éventuelles corrélations avec les performances en saut d’obstacles.
• La recherche de marqueurs génomiques permettant la prévision précoce d’aptitudes et/ou le croisement raisonné.

Au titre d’illustration, on peut rappeler les indices génétiques calculés en 2002 à partir d’une base test de 750 chevaux de sport. Même si les étalons en question ne sont plus de la première actualité, les profils de Rosire et Royal Feu (cf. ci-dessous) rappellent bien que leurs productions respectives étaient très différentes sur le plan morphologique.