Facteurs de la performance : le physique

Eléments incontournables du sport de haut niveau, les facteurs de la performance sont mal connus en équitation. Pourtant il semble rapidement évident que les facteurs physiques, techniques, technico-tactiques, le mental, le social et la « chance » sont des éléments qui contribuent au succès. A partir d’exemples de la discipline du concours complet d’équitation, cette fiche aide le lecteur dans sa réflexion personnelle à vérifier que toutes les conditions qui contribueront à son résultat sont bien présentes dans sa démarche de planification et de préparation de la saison à venir.
Après les généralités, cette première partie présentera le facteur physique, 1er élément de la performance.

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Par Patrick GALLOUX - Guy BESSAT - Philippe MULL - | 17.01.2018 |
Niveau de technicité :
Thibault VALETTE et QING DU BRIOT, dans leur victoire par équipe aux jeux olympiques de Rio (2016) © EKL
Sommaire

Introduction

La performance n’est pas seulement le résultat d’une démonstration technique d’un couple cavalier-cheval ; elle se réalise dans des conditions très particulières dont le sportif ne maitrise pas toujours l’ensemble des composantes. De nombreux autres éléments conditionnent le succès ou peuvent contrarier une performance attendue ou ne pas permettre le renouvellement de ce qui ne sera qu’un « coup de chance ». L’objet de cette fiche est de sensibiliser le lecteur à ses différents facteurs afin qu’il les intègre dès le début de sa planification et dans la programmation des objectifs de la saison à venir.

Pour reprendre le titre de l’ouvrage du Lt Col Agoston L D'ENDRODY  «Give your horse a chance», donnons une chance à notre cheval en analysant toutes les composantes de la performance.

Les facteurs de la performance - généralités

Classiquement, les facteurs de la performance comprennent :

  • Le facteur physique : il s’agit d’optimiser les aptitudes physiologiques (métaboliques, énergétiques, cardiovasculaires) et musculaires en vue d’un effort. On y inclura l’état de santé.
  • Le facteur technique : on y trouve la qualité du geste sportif, la précision technique, la vitesse d’exécution, la variété des mouvements, la capacité à les enchaîner et la qualité des déplacements.
  • Le facteur technico-tactique : il consiste à analyser en temps réel une situation, à mettre en place une stratégie ou une réponse, à gérer un timing et à avoir une connaissance aigüe du règlement et des concurrents.
  • Le facteur mental : il comprend la confiance en soi, l’envie, la maitrise émotionnelle, la capacité à se concentrer, à prendre des risques, à se dépasser voire à accepter la souffrance, à être agressif, à avoir la rage de vaincre et à se faire plaisir.
  • Le facteur social : il traduit l’influence du contexte social et relationnel sur la performance dans la relation entraîneur/entraîné, le collectif, la situation professionnelle, familiale et affective et d’hygiène de vie.
  • Le facteur «chance» ou «les aléas de la compétition» : il est imprévisible par définition, mais il faut être préparé à saisir sa chance ou à contrer une situation moins favorable que prévue. On y trouve notamment les conditions climatiques, le niveau des concurrents, l’ordre de passage, les erreurs de jugement, les blessures ou abandons de membres de l’équipe ou de concurrents…

Si le facteur social est souvent considéré comme un facteur pouvant contribuer à la contre-performance, les autres facteurs, hors la technique et le physique, peuvent avoir des poids différents suivant les individus et les disciplines.

Dans notre sport, où la victoire est celle d’un couple d’athlètes, les facteurs de performance liés au cheval et au cavalier doivent se cumuler pour obtenir le succès ; il est assez rare que des qualités arrivent à se compenser et c’est souvent le maillon faible qui aura le plus d’influence sur une possible contre-performance.

Nous allons reprendre chaque facteur pour l’expliciter dans le cadre des sports équestres et plus précisément du concours complet.

Le facteur physique

Le challenge est de préparer le cheval et le cavalier à l’effort physique auquel ils devront répondre aux cours de trois épreuves successives. Ils ne devront pas devoir puiser dans leurs ultimes ressources lors de l’épreuve de cross pour ne pas contrarier une bonne performance lors de l’épreuve finale du concours de saut d’obstacles. L’entraînement doit donc préparer à ces contraintes, les « routiner » afin que le couple soit au jour du concours dans l’efficience, la lucidité et la performance. Dans cette épreuve de « triathlon », Il s’agit donc bien d’une gestion rationnelle des efforts au cours de la compétition et de l’optimisation des capacités requises, plus que d’une réelle performance intrinsèque ou de tentative de record.

Ce facteur physique est influencé par des aptitudes physiologiques (métaboliques, énergétiques et cardiovasculaires) et des qualités musculaires (souplesse, élasticité, force, tonicité) au service de l’effort. Il apparaît souvent que l’entraînement pratiqué néglige une ou plusieurs de ses composantes par rapport notamment à la seule technique.

Les aptitudes physiologiques

Les aptitudes métaboliques, énergétiques et cardiovasculaires se définissent comme la capacité plus ou moins grande d’optimisation fonctionnelle de tous les éléments qui contribuent au mouvement, à la contraction, à la gestuelle... Elles permettent notamment l’apport d’oxygène aux muscles, la production d’énergie, la tolérance ou l’élimination des déchets… Ce sont le muscle cardiaque, les poumons, le système vasculaire jusqu’à l’irrigation de la fibre musculaire. Une intensité de travail contrôlée et sa variation seront nécessaires pour générer un réel développement de ses capacités.

Par exemple pour l’épreuve de cross, il est admis que le cheval doit avoir une vitesse au seuil anaérobie supérieure (V4) élevée. Pour compenser le ralentissement sur les obstacles et notamment dans les combinaisons ou les « clusters1», la vitesse effective sera largement supérieure à la vitesse moyenne ; il est pour cela nécessaire d’avoir la garantie de disposer d’une vitesse intrinsèque2 et de surcroit  « en équilibre lactique » confortable2.

A l’entraînement, si on devait évaluer le niveau de préparation, un cheval entraîné devrait être capable de réaliser un galop en continu à la vitesse exigée de l’épreuve sur environ les ¾ de la distance3 avec une lactatémie à l’arrivée proche de 4 mmol/l, en y incluant des changements d’allure voire des changements de rythme.

Tableau 1 : Distances et vitesses en concours international (FEI 2017)
NiveauTypeDistanceVitesseDurée du crossExemple de test
1 étoileCIC2600 - 3120 m520 m/min5’00 à 6’004’ à 520 m/min
CCI3640 – 4680 m520 m/min7’00 à 9’006’ à 520 m/min
2 étoilesCIC3025 – 3575 m550 m/min5’30 à 6’304’30 à 550 m/min
CCI4400 – 5500 m550 m/min8’00 à 10’006’45 à 570 m/min
3 étoilesCIC3420 – 3990 m570 m/min6’00 à 7’004’40 à 570 m/min
CCI5700 – 6270 m570 m/min10’00 à 11’007’00 à 570 m/min
4 étoilesCCI6270 – 6840 m570 m/min11’00 à 12’008’00 à 570 m/min

1 : Il est devenu fréquent de regrouper ensemble plusieurs obstacles dans une zone assez réduite pour favoriser la vision du public et les besoins des médias.
2 : Les chevaux ayant un entraînement spécifique ont une V4 moyenne de 570 m/min. Les chevaux les plus entraînés et ayant une qualité de galop plus adaptée au concours complet (chevaux près du sang) ont des V4 qui atteignent 600 m/min+.
3 : Le test peut être réalisé en 3 répétitions (séparés de deux minutes) sur une durée totale égale à 1,2 fois à 1,5 celle de  l’épreuve envisagée.

De son côté, le cavalier doit être en mesure de dominer physiquement ce type d’épreuve pour garder une qualité de jugement et d’actions jusqu’au dernier obstacle. Il est démontré que la pratique quotidienne de l’équitation même intensive ne suffit généralement pas à donner des capacités de vitesse mentale donc de réaction, d’endurance et de résistance suffisante. Un travail complémentaire de préparation physique est nécessaire. Enfin, la sévérité de l’épreuve ou le type du cheval monté (trop énergique ou à soutenir) peut largement contribuer à augmenter le coût énergétique en compétition. Chez les jockeys, lors de leur visite annuelle une évaluation physique était réalisée sur simulateur avec des conditions de tensions de rênes imposées4.

Test d’effort chez des jockeys à Chantilly en situation de courses simulée © Jean-Louis Jouffroy
Test d’effort chez des jockeys à Chantilly en situation de courses simulée © Jean-Louis Jouffroy

Pour le cavalier, un protocole d’évaluation de la condition physique des cavaliers de haut niveau de l’IFCE et ceux du pôle France Jeunes a été mis en place (voir : Protocole et grille d’évaluation des tests physiques « G. Bessat / IFCE 2017 »). Il consiste par exemple à réaliser un test foncier de type « test léger » en navette afin de déterminer la fréquence cardiaque, la VMA5 et VO²max6 selon des paliers atteints.


Des tests de force dynamique ou statique et de souplesse ont été également mis en place sur des exercices pertinents pour la discipline afin de déterminer les priorités à suivre pour la préparation physique du cavalier.

Par exemple, un cavalier normalement prêt pour une épreuve de haut niveau doit être capable de réaliser un footing de 20 à 25 min à une vitesse de 13 à 16 km/h7.

4 : Les mesures de tension de rênes effectuées sur le cross à l’entraînement dépassent déjà les 25 kg (15 à 40 kg).
5 : Vitesse maximale aérobie
6 : Consommation maximale d'oxygène
7 : Les cavaliers mesurés à Saumur ont obtenu sur un premier test, des scores moyens de 13,5km/h.

Les aptitudes musculaires

Souvent négligées chez le cheval en tant que capacité à développer spécifiquement, les aptitudes musculaires comprennent la souplesse, l’élasticité, la tonicité (qualité spécifique du muscle) et la force. La fiche équipaedia « le renforcement musculaire » propose quelques principes et exemples pour rendre plus spécialisées certaines séances de dressage ou d’obstacles et y introduire des dominantes « force » ou « cardio ».

Le cheval de concours complet doit être en mesure d’enchainer de nombreux sauts sur de courtes distances8, qui, sans être à des hauteurs et largeurs maximales, peuvent demander des efforts importants de par leur position sur le terrain et le dénivelé. L’athlète cheval devra aussi être en mesure de reconstituer ses capacités de force, notamment après un effort important dû à un gros obstacle sans élan, une combinaison difficile ou plus simplement un mauvais abord et (ou) un mauvais saut ou une glissade.

Il est important de pouvoir réaliser des séances avec des séries de plusieurs répétitions de sauts sur des registres différents de contraction. Les conditions de l’exercice doivent être précisément notées et individualisés9. Un cheval prêt, devra être capable d’enchainer plusieurs fois la ligne sans baisser de pied et de sauter une ligne de plusieurs éléments (3 à 5) avec autant de détente et de couverture du premier au dernier.

8 : Sur le cross, on peut atteindre 45 efforts en CCI 4 étoiles soit un effort tous les 145m et des combinaisons jusqu’à 5 éléments ; en CIC les efforts sont plus rapprochés avec une norme plancher fixée à 1 effort pour 100m.
9 : La dimension des obstacles, l’obliquité des barres de cavalettis et la distance dans les lignes doivent être notées en pied ou avec un décamètre dans le carnet d’entraînement.
 

La santé

Incontournable pour bien entraîner, un cheval doit être en parfaite santé pour que l’on puisse lui imposer le travail nécessaire au développement de sa condition physique. Souvent attiré par de jolies aptitudes, il est fréquent de faire l’impasse sur cette situation et de tolérer un bilan très insuffisant et insatisfaisant.

L’autre situation est de garder un cheval à l’entraînement qui a eu un grave problème de santé, notamment de « jambes », et d’essayer de poursuivre une carrière de haut niveau en le ménageant au prétexte que l’on a déjà beaucoup investi sur lui. Les come-back sont rares, peut-être faut-il aussi se poser la question de la cause de ses blessures qui peuvent être aussi liées à un entraînement insuffisant dans ses débuts, ou mal conduit au cours de sa carrière.

Conclusion partielle

Le facteur physique est essentiel et incontournable dans la performance de haut niveau ; sans lui, la technicité du couple ne pourra s’exprimer dès que la fatigue deviendra trop importante. Dans des épreuves de plus en plus techniques, il est tentant de passer ce facteur en second plan ; seule une planification raisonnée comme celle qui sera présentée dans les fiches suivantes permet d’équilibrer la préparation et d’associer préparation technique et physique aussi bien pour le cheval que pour le cavalier.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Patrick GALLOUX IFCE - Phd, BEES 3 Équitation, ancien Écuyer du Cadre noir de Saumur, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports (HC)
  • Guy BESSAT (BEES 3 Athlétisme, préparateur physique de cavaliers, consultant à l’ENE de Saumur pour la mise en place du suivi de la condition physique)
  • Philippe MULL ifce - BEES 2 Equitation, Ecuyer du Cadre noir et entraîneur du Pôle France jeune de concours complet

Bibliographie

  • GALLOUX P. ; BESSAT G. (2018) : L’entraînement du couple cheval de sport / cavalier. Ifce, 252 p.
  • BESSAT G. ; AUDIBERT E. (2017) : Le cavalier, ce sportif qui s’ignore tant – la condition physique, la clé de sa réussite (fiches de travail et exercices adaptés aux cavaliers de tous niveaux) bessatguy(at)gmail.com
  • GALLOUX P. (2011) : Concours complet d’Equitation. Belin, 234 p.
  • GALLOUX P. (1991) : Contribution à l’élaboration d’une planification de la préparation énergétique du cheval de concours complet (thèse de doctorat). Poitiers
  • FEI Dressage test https://inside.fei.org/fei/your-role/organisers/eventing/dressage-tests
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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