Facteurs de la performance : le technique

Eléments incontournables du sport de haut niveau, les facteurs de la performance sont mal connus en équitation. Pourtant il nous semble rapidement évident que les facteurs physiques, techniques, technico-tactiques, le mental, le social et la « chance » sont des éléments qui contribuent au succès. A partir d’exemples de la discipline du concours complet d’équitation, cette fiche aide le lecteur dans sa réflexion personnelle à vérifier que toutes les conditions qui contribueront à son résultat sont bien présentes dans sa démarche de planification et de préparation de la saison à venir.
Après une 1ère partie sur le facteur physique, cette fiche présentera le facteur technique. Elle détaillera les éléments de performance permettant d’évaluer la capacité du couple à monter de niveau.

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Par Patrick GALLOUX - Guy BESSAT - Philippe MULL - | 16.01.2018 |
Niveau de technicité :
Matthieu Van Landeghem et Trouble Fête dressage au championnat d'Europe de Strzegom (Pologne) ©P. Chevalier
Sommaire

Introduction

La technique du cheval est la préoccupation constante du cavalier ; il « dresse » et il apprend au cheval des mouvements. Cette fiche détaille un certain nombre de capacités que le couple doit être en mesure de maitriser à l’entraînement pour pouvoir espérer résoudre les difficultés de la compétition dans un environnement différent et des vitesses souvent plus élevées. En cas d’échec ou de performance inférieure au potentiel du cheval (par exemple hors choix tactique, un cross non réalisé dans le temps), le cavalier doit également analyser aussi ses propres techniques et capacités ; ce facteur est régulièrement omis dans le bilan de la saison.

Le facteur technique

Cette dimension est souvent la première prise en compte par les cavaliers et les entraîneurs. Elle doit dépasser la simple capacité à réaliser des figures de dressage et les enchaîner ; il ne suffit pas de réaliser un parcours d’obstacles ou des combinaisons mobiles ou fixes d’une certaine dimension et de divers profils. Il faut y apporter un jugement qui qualifiera l’aisance de la réalisation et sa conformité aux critères attendus.

La capacité technique doit être évaluée avec objectivité dans l’intersaison afin de définir des objectifs techniques adaptés à l’évolution souhaitée et au niveau d’entrainement ou de compétition du cheval et du cavalier. On observe régulièrement des couples qui changent prématurément de niveau en cours de saison. Même avec les qualifications exigées, dans bien des cas un ou plusieurs tours sans incident ne peut être le seul critère pour valider un passage au niveau supérieur.

Fréquemment limitée à la capacité du cheval à réaliser une figure ou tel ou tel enchaînement, l’analyse du cavalier oublie souvent sa propre technique. Il est au moins autant justifié de se remettre en cause et de se soumettre à un jugement objectif. Il sera possible d’apprécier sa symétrie, ses qualités d’équilibre (dans toutes les conditions d’abord), ses aptitudes physiques (foncière, de souplesse, de force, notamment le gainage, de tonicité…), sa capacité de dissociation et de relâchement pour réaliser des actions justes et dosées (accord des aides)1.

La performance technique en dressage

Outre la réalisation de figures notées suivant les critères listés dans le protocole, il peut être utile de vérifier la capacité du couple sur des critères de précision et d’activité. En dressage, le « Warm up » est une présentation notée par un entraîneur ou un juge officieux, effectué dans des conditions proches de la compétition2. Il est raisonnable d’estimer qu’il est nécessaire d’obtenir régulièrement 70% sur un niveau de reprise avant de passer au niveau supérieur.

Chez le couple tout doit être pris en compte, y compris sa facilité à réaliser un mouvement sans devoir compenser avec des aides fortes ou contraires pour l’obtenir. Un cheval modeste sans allure doit dépasser le 6. Pour cela, il doit être capable de réaliser chaque figure sans perdre l’impulsion, ni modifier son attitude, ni manquer d’équilibre, ni présenter une absence d’engagement et (ou) être sur les épaules en pesant sur la main, ni être « traversé » notamment au galop. Plus positivement, pour aller chercher les notes hautes (8-9), le cavalier devra produire de l’impulsion dans une parfaite régularité et donc à cadence constante. Il lui faudra présenter un cheval dans l’équilibre correspondant à la figure, dans une bonne attitude (soutien de l’encolure avec le chanfrein en avant de la verticale), avec un maximum d’amplitude (sans perte de rebond) et de légèreté pour le niveau de rassembler de l’allure, et avec des transitions fluides que le critère du protocole qualifie de « nettes et moelleuses »3.

Pendant l’hiver le cheval doit acquérir les nouvelles figures techniques qui seront rencontrées au cours de la saison et travailler sur les évolutions techniques objectivées en début de saison. Les tableaux ci-dessous rappellent la progression et les figures qui doivent être acquises pour passer à l’étape suivante.

1 : Les nouveaux outils développés à l’IFCE (MAZARIN, MOKAM…) devraient permettre d’objectiver certaines de ces qualités afin de sensibiliser un cavalier à ses marges de progrès.
2 : L’analyse vidéo, les objets connectés sont autant d’outils à disposition pour vérifier la qualité de la présentation.
3 : Règlement des reprises de dressage FFE 2017.

Tableau 1 : Echelonnement des difficultés suivant les niveaux de compétition nationale (FFE 2017).

Niveau des reprisesAlluresMouvement à acquérirDifficultés
Pro 4de travail• Cession à la jambe au trot
• Reculer de 4 à 5 pas
• Serpentine de 3 boucles à faux
Pro 2 et Pro 3rassemblées• Epaule en dedans au trot
• Appuyer au trot sur ½ largeur
• ½ tour autour des hanches au pas
• Départ au galop du pas
Allures rassemblées et le travail au pas.
Pro 1 (entre deux et trois étoiles)rassemblées• Demi pirouette au pas
• Appuyer au galop
• Changement de pied sur le petit coté
• Arrêt à partir du galop
Les changements de pieds et les pirouettes au pas
Pro Eliterassemblées• Changement de pied sur la diagonale

Tableau 2 : Echelonnement des difficultés suivant les niveaux de compétition internationale (FEI 2017).

Niveau des reprisesMouvement à acquérirDifficultés
2 étoiles (reprise A et B)• Epaule en dedans au trot
• Appuyer au trot sur ½ largeur
• Reculer de 4 à 5 pas
• Changement de pied de ferme à ferme sur le petit coté (A)
• Trot moyen sur ½ cercle
• Serpentine au trot de 10 m
• ½ tour autour des hanches au pas
Travail au pas
Allures rassemblées
3 étoiles (reprise A et B)• Arrêt à partir du galop
• Appuyer au galop (A)
• Serpentine entrée à faux, changement de pied entre la 2ème et la 3ème boucle
• Serpentine au galop de deux ½ boucles de 15 m
• ½ pirouette au pas
• Changement de pied sur une petite diagonale
Travail au pas
Trot allongé
Changement de pied et appuyer au galop
4 étoiles (reprise A et B)Rapprochement des figures

La durée des reprises en moyenne de 5 minutes, ne devrait pas nécessiter de préparation particulière4  autre que celle permettant d’acquérir une vraie capacité à être rassemblé sur cette durée sans contraction néfaste.

4: En compétition de dressage, la reprise du grand prix spécial de dressage dure 6min40.

La performance technique sur le cross

Matthieu VAN LANDEGHEM, SAFRAN DU CHAMOIX sur une pointe du cross de Verrie © A. Laurioux
Matthieu VAN LANDEGHEM et Safran du Chamoix © A. Laurioux

Le tableau du nombre d’obstacles, de leur dimension et du nombre d’éléments dans une combinaison ne suffit pas à déterminer les capacités exigées pour une épreuve. Les notes aux chefs de piste de la FEI et les tableaux ci-dessous donnent quelques précisions utiles.

Pour réaliser une progression technique, il est possible de fixer les difficultés suivantes en fonction du niveau des épreuves. Il est ainsi aisé de déterminer les bases minimales d’exigences pour la saison à venir.


Tableau 3 : Exemples d’une progression par rapport à un niveau de compétition nationale donné. D'après : «Concours complet d’équitation» P GALLOUX (Belin)

Niveau de la compétitionJeunes chevauxInitiationDépartementalRégionalNational
TracéGalopantSinueuxTechnique en fin de parcours
Peu galopant
Enchaînements techniques
Galopant
Chaque obstacle est un problème
ObstacleDes oreilles
Du front
Obst. appelés
Obst. appelés
En sortie de courbe
Obst. appelésAppel facultatifDivers
Originaux
Obstacle en montéeUne foulée après le retour sur le platTronc au sommetAu sommetVertical juste après le sommetOxer juste après le sommet
Obstacle dans la penteAprès le retour sur le platAprès le retour sur le platEn bas de la penteDans la penteJuste après la rupture de pente
Obstacle panoramiqueTroncContrebasBergerieVerticalOxer couvert
Enchaînement-Logique et homogèneVariéD’obstacles de type opposé
Combinaison2 éléments bien espacés2 éléments
sur une courbe
3 éléments4 éléments
peut être suivi d’un obstacle sanction
4 et + peut être
suivi d’un obstacle sanction
Entrée de guéPente douceContrebasTroncVerticalObstacle large mais couvert
Sortie de guéPente doucePente douce
En tournant
Contre-hautObstacleEnchaînement dans l’eau
Saut de puceDouble contrebasContre-haut - verticalTroncs
Contrebas – vertical
Verticaux
Fossé - vertical
Oxers
Obstacle étroit
(2 m)
-Isolé et sur le platavec une difficulté de terrainAu sein d’une combinaisonEn combinaison
Pointe--Isolée et sur le platAvec une difficulté de terrainEn combinaison

La capacité à enchainer en tournant doit également être vérifiée en fonction du niveau de l’épreuve sur la base de barème établis. Le couple doit être capable d’effectuer les contrats à la maison et indiqués plus loin. Sur du fixe ou du semi mobile, la réalisation doit être faite avec facilité avec des exigences de saut en un point précis et d’entrées ou de sorties perpendiculaires à l’obstacle.

Les tableaux suivants décrivent ces exigences dans chaque famille de difficultés et pour chaque niveau de compétition. Ils permettent de se situer par rapport à un niveau de difficulté minimale, avant de pouvoir inscrire un niveau d’épreuve supérieur dans son programme de la saison.

Tableau 4 : Nombre et dimension des obstacles de cross suivant le niveau des compétitions internationales (normes FEI 2017)

NiveauTypeNombreFixesHaiesOxer basOxer hautFosséContrebasNb d’éléments des combinaisons
1 étoileCIC25-301m101m302m101m402m801m60Libre
CCI25-30
2 étoilesCIC27-321m151m352m401m603m201m80
CCI30-35
3 étoilesCIC30-351m201m402m701m803m602m00
CCI35-40
4 étoilesCCI40-451m201m453m002m004m002m00

Tableau 5 : Guide conduite des chefs de piste de la FEI pour les compétitions internationales (normes FEI 2017)

Niveau de compétitionObjectifObstaclesInterdiction
1 étoileApprentissageObstacles techniques de tracé ou de conduite : isolésPas d’obstacles avec fossé en appel dans une combinaison de moins de 4 foulées
Pas de saut de puce dans une descente
2 étoilesApprentissagePremier regroupement d’obstacles
3 étoilesSélectionVertical sans pied
4 étoilesSélection

Le niveau de difficulté devient notable à partir des compétitions de niveau 3 étoiles ; les enchaînements sont variés et la capacité à changer la forme de l’abord est évaluée avec des questions différentes qui s’enchaînent au sein d’un même groupe d’obstacles. A l’inverse, dans une épreuve d’apprentissage (1 et 2 étoiles), généralement l’obstacle isolé qui précède une combinaison la prépare.

Le niveau des 4 étoiles teste de nombreuses capacités dont celle de sortir des combinaisons sans perte d’impulsion. Elles sont complexes et suivies d’un obstacle important qui pénalisera son mauvais passage. On y trouve également des obstacles aux dimensions généreuses à sauter également à faible vitesse parce qu’ils seront placés dans une courbe serrée ou un dénivelé.

Tableau 6 : Combinaison en courbe, relation entre le nombre de foulées et la sévérité du tournant (normes FEI 2010).

Nombre de fouléesAngleNiveau minimum
1 à 2 foulées10°CCI*** , CCI**** et nationaux (A1)
3 foulées60°
4 foulées90°
60°CCI ** ou petits nationaux (A2)
5 foulées90°
60°CCI * ou niveau régional (B)
6 foulées90°

La capacité à sauter de biais peut également être vérifiée à partir des valeurs suivantes :

Tableau 7 : Exemple de critères pour les obstacles à sauter en biais (proposition de l’auteur).

Nombre de fouléesAngleNombre d'élémentsNiveau minimum
1 foulée30°3CCI*** et nationaux (A1)
2 foulées45°3
2 foulées30°2CCI ** ou petits nationaux (A2)
3 foulées30°2CCI * ou niveau régional (B)

Les sauts de précision, qu’ils soient sur des obstacles étroits plus ou moins larges ou des pointes plus ou moins ouvertes, isolés ou en combinaison font partie des exigences de la compétition.

Tableau 8 : Exemple de critères pour les obstacles étroits (normes FEI 2017)

LargeurSi triple brosseNiveau minimum
125-135±5 à 10 cmCCI****
130-140±5 à 10 cmCCI*** et nationaux (A1)
140-150±5 à 10 cmCCI ** ou petits nationaux (A2)
150-160±5 à 10 cmCCI * ou niveau régional (B)

Lorsque le cheval doit passer dans un « œil », les dimensions de l’ouverture sont également définies : Au niveau des 3 et 4 étoiles : H 1m80 et L 1,60 m, 2 étoiles : H 2.00m et L 1.90m, 1 étoile H 2.10m et L 2m.

Tableau 9 : Exemple de critères pour les pointes (normes FEI 2017)

OuvertureFrontNiveau minimum
75 à 90°2,50 mCCI***, CCI**** et nationaux (A1)
60 à 75°2,80 mCCI ** ou petits nationaux (A2)
45 à 60°3,00 mCCI * ou niveau régional (B)

Il est possible de tester la franchise et la compréhension du cheval par l’introduction d’obstacles étroits ou de combinaison dans une ligne de cavalettis ; le cavalier rentre rênes longues et laisse le cheval faire. Ce test n’est utilisable qu’à faible hauteur et ne rend pas compte de la capacité à gérer un abord sur une bonne place (qui ne demande pas à monter à l’abord).

La performance technique sur le CSO

Erwan LEROUX et QUAMBI DU FIGUIER sur l’épreuve de CSO © A. Laurioux
Erwan LEROUX et QUAMBI DU FIGUIER sur l’épreuve de CSO © A. Laurioux

Le cheval doit avoir la capacité de sauter avec facilité des obstacles aux dimensions attendues. La vitesse est désormais alignée sur les épreuves habituelles de CSO (350 à 375 m/min) et devrait pas poser de problème spécifique si le parcours n’est pas roulé très court.
NB : Précédemment la vitesse imposée était de 400 m/min obligeant à avancer tout en gardant le cheval en équilibre.

Pour préparer les CCI où l’épreuve de CSO est après le cross, le cheval doit garder des qualités dynamiques, qu’il doit savoir produire malgré un certain niveau de fatigue, par un entraînement adapté notamment lors de phases lactiques, ou pour exemple après des séquences de pré-fatigue de type excentrique ou de pliométrie.


Les difficultés du parcours étant assez simples par rapport à la discipline du saut d’obstacles, la vitesse «classique», la hauteur des obstacles reste un des enjeux majeurs (1m30 en CCI****) avec la gestion des combinaisons et de lignes à distance normale.

Conclusion

Pour une évaluation objective de son niveau technique et justifier un passage au niveau supérieur, il est essentiel de se mesurer aux difficultés techniques que le couple doit être capable de résoudre avec une certaine aisance et facilité. Cette appréciation à l’entraînement complétée par une analyse objective des résultats de la saison précédente permettra de se fixer des objectifs techniques et sportifs réalistes pour la saison suivante afin d’éviter les déceptions.

Après avoir évalué le physique et la technique et pris la mesure du travail à fournir en construisant sa planification sportive, il faudra aussi s’intéresser aux « oubliés » des facteurs de la performance ; ils font l’objet de la fiche suivante : les facteurs de la performance - partie 3.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Patrick GALLOUX IFCE - Phd, BEES 3 Équitation, ancien Écuyer du Cadre noir de Saumur, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports (HC)
  • Guy BESSAT (BEES 3 Athlétisme, préparateur physique de cavaliers, consultant à l’ENE de Saumur pour la mise en place du suivi de la condition physique)
  • Philippe MULL ifce - BEES 2 Equitation, Ecuyer du Cadre noir et entraîneur du Pôle France jeune de concours complet

Bibliographie

  • GALLOUX P. ; BESSAT G. (2018) : L’entraînement du couple cheval de sport / cavalier. Ifce, 252 p.
  • BESSAT G. ; AUDIBERT E. (2017) : Le cavalier, ce sportif qui s’ignore tant – la condition physique, la clé de sa réussite (fiches de travail et exercices adaptés aux cavaliers de tous niveaux) bessatguy(at)gmail.com
  • GALLOUX P. (2011) : Concours complet d’Equitation. Belin, 234 p.
  • GALLOUX P. (1991) : Contribution à l’élaboration d’une planification de la préparation énergétique du cheval de concours complet (thèse de doctorat). Poitiers
  • FEI Dressage test https://inside.fei.org/fei/your-role/organisers/eventing/dressage-test
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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