Renforcement musculaire du cheval : les bases

Chez l’athlète humain, les séances de musculation font partie intégrante de l’entraînement. Elles sont spécifiques, contrôlées et planifiées et constituent la clef de voûte de la préparation physique dans de nombreux sports. Chez le cheval, le développement de la force musculaire doit aussi faire partie des composantes de l’entraînement dans des séances qui lui sont dédiées. L’objet de cette fiche est de rappeler les bases d’un cycle de renforcement musculaire.

2

Par Patrick GALLOUX - | 06.06.2017 |
Niveau de technicité :
Allongement au trot, exercice d’étirement ou de force : il peut être réalisé en séries sur de longues diagonales ou sur quelques foulées dans la suite d’un mouvement comme l’épaule en dedans mettant en charge un postérieur, ou à la suite d’un exercice de rassembler intensif. © Alain Laurioux
Sommaire

Introduction

L’entraînement du cheval ne peut pas se limiter à un apprentissage technique ; il doit également comprendre la mise en condition physique, le renforcement musculaire et le développement de la souplesse. Du point de vue de l’amélioration physique, une séance sera « à dominante cardio », « renforcement musculaire » ou « assouplissement ». Du point de vue technique elle sera de type « mécanisation » ou « enchaînement » suivant que l’on travaille un mouvement isolé ou une suite de figures, ou « stretching » si elle se place dans une phase de récupération tant musculaire qu’énergétique.

Certains auteurs pensent que le cheval est suffisamment musclé pour le travail qui lui est demandé ; ce n’est probablement pas le cas des épreuves de haut niveau, notamment en dressage, où de nombreux cavaliers pensent que la performance est limitée par la force et que l’« athlétisation »  du cheval de sport devient désormais un objectif de l’entraînement.

Ce qu'il faut savoir avant de commencer

Le renforcement musculaire du cheval doit rechercher un développement harmonieux équilibré de l’athlète « cheval ». Le professeur Jean-Marie DENOIX et M. Jean-Pierre PAILLOUX, dans leur livre « kinésithérapie du cheval », décrivent les muscles les plus sollicités chez le cheval de sport en mouvement :

  • Tension du ligament nucal ;
  • Contraction concentrique des muscles longs de la tête et de l’encolure ;
  • Flexion thoracique et élévation du garrot ;
  • Tension des muscles érecteur du rachis ;
  • Flexion lombo-sacrale et thoraco-lombaire.

Le travail doit toujours être diversifié et accompagné d’exercices d’étirement. Sans cela, le dos du cheval sera hypertonique, limitant sa participation au mouvement, les jarrets fatigueront, la locomotion deviendra ataxique et irrégulière, nuisant à la conservation de l’intégrité de l’appareil locomoteur.

Types de contractions

Il est utile de se rappeler quelques notions de renforcement musculaire.

Suivant le type de l’exercice, le travail développe dans le muscle : la structure (nombre et volume des fibres), la commande nerveuse ou les propriétés élastiques.

On distingue 4 types de contractions musculaires :

  • Contraction concentrique (réduction de la longueur du muscle) : par exemple les muscles fessiers lors de la poussée dans le trot ou le galop allongé ;
  • Contraction isométrique (conservation de la longueur du muscle) : par exemple dans la « pesade » ;
  • Contraction excentrique (étirement du muscle) : par exemple dans les muscles élévateurs des épaules à la réception des obstacles ;
  • Exercice de "pliométrie" (au cours d’un bref instant, le muscle est étiré puis se contracte) : par exemple l’allure du « passage », le terre à terre, les sauts de puces ou une série de contrebas ou de contre-haut.

Pour développer efficacement la masse musculaire, il faut prolonger l’exercice jusqu’à l’utilisation complète des ressources d’ATP*. Chez l’athlète humain, plusieurs exercices sévères sont requis successivement pour arriver à ce résultat. Pour le cheval, c’est un peu plus difficile à réaliser car la relation exercice et muscles sollicités n’est pas toujours très bien connue des utilisateurs. De plus on ne dispose pas réellement de machines spécifiques pour développer un muscle particulier.

Parce qu’il fait appel à un travail volontaire, le travail en concentrique met en œuvre une activité électrique nettement supérieure au travail en pliométrie. Il est donc recommandé en période de compétition pour privilégier la vitesse du geste.

Le travail avec charge (supérieure à ce qu’il peut rencontrer dans son activité sportive) est difficile à mettre en œuvre chez le cheval. On pense au poids du cavalier, aux masselottes sur les membres, à l’utilisation du frein ou au poids de la voiture d’entraînement. Son principal inconvénient est qu’il peut entraîner une altération de l’allure lorsqu’il est pratiqué à l’excès ou trop souvent.

* ATP : Adénosine Tri Phosphate utilisé dans la contraction musculaire élémentaire

Types d'exercices et récupérations associées

Exercice de force par excellence, le travail de la pirouette peut aller de la série de ¼ de tour avec des segments de ligne droite au galop, à plusieurs tours enchaînés avec un temps de repos complet entre les mouvements. © A. Laurioux
Exercice de force par excellence, le travail de la pirouette peut aller de la série de ¼ de tour avec des segments de ligne droite au galop, à plusieurs tours enchaînés avec un temps de repos complet entre les mouvements. © A. Laurioux

Compte tenu que l’on recherche une répétition, une durée et (ou) une intensité conduisant à l’épuisement de l’ATP, la forme de la récupération requiert toute notre attention. Le délai pour observer le gain de force obtenu par l’exercice peut être de plusieurs jours après la séance.

La récupération différée correspond au délai pour éliminer la fatigue et retrouver l’intégrité du muscle. Il faut noter que les exercices utilisant les contractions les plus efficaces pour développer la force (isométrique et excentrique) nécessitent de longs délais (plusieurs semaines chez l’athlète humain) pour récupérer et ne peuvent donc pas être utilisés dans un cycle de préparation terminale.


Dans un développement de la force maximale, la récupération entre les séries est effectuée à l’arrêt ou au pas pour faciliter la resynthèse de l’ATP par la voie anaérobie alactique.

Les formes d'exercice

Chez l’athlète humain, l’entraîneur utilise trois formes d’exercice suivant l’objectif :

Le développement du volume et de la masse musculaire :

Avec une force proche de la force maximale ou supérieure dans le cas des exercices isométriques ou excentriques :

  • Par exemple 5 séries de 1 à 3 répétitions, avec 7 minutes de repos et une à deux semaines pour une totale récupération.

La recherche de la "force endurance" :

Avec une force inférieure à la force maximale mais beaucoup de répétitions :

  • Jusqu’à épuisement, 6 séries de 6 répétitions avec 5 minutes de repos et deux jours pour une totale récupération.

Le développement de la "force vitesse":

Avec une force inférieure à la force maximale mais une exécution très rapide :

  • 10 à 20 séries de 15 répétitions avec 5 à 7 minutes de repos.

Ces valeurs utilisées chez l’homme montrent l’intensité nécessaire pour espérer un renforcement musculaire et la durée du repos entre les séries et entre les sessions.

Les règles à respecter - L'adaptation des règles au cheval athlète

L'adaptation des règles au cheval athlète

Allongement au trot, exercice d’étirement ou de force : il peut être réalisé en séries sur de longues diagonales ou sur quelques foulées dans la suite d’un mouvement comme l’épaule en dedans mettant en charge un postérieur, ou à la suite d’un exercice de rassembler intensif. © Alain Laurioux
Allongement au trot, exercice d’étirement ou de force : il peut être réalisé en séries sur de longues diagonales ou sur quelques foulées dans la suite d’un mouvement comme l’épaule en dedans mettant en charge un postérieur, ou à la suite d’un exercice de rassembler intensif. © A. Laurioux

La sollicitation des muscles agonistes et antagonistes

Une bonne séance combine le travail des muscles agonistes et antagonistes. En effet, pas assez forts et élastiques, les muscles antagonistes freineront prématurément le mouvement généré par les muscles agonistes. Le mouvement sera moins ample et peu harmonieux ;

L’amplitude du mouvement

Si le renforcement musculaire doit se faire dans les longueurs utilisées dans l’exercice de compétition, les muscles antagonistes bénéficieront aussi de travailler dans toute leur amplitude. C’est pourquoi même le cheval de dressage doit galoper à l’extérieur le nez étendu et si possible sauter de petits obstacles.


Le risque de la spécialisation

Un bon entraînement développe aussi la musculature générale même si le cheval est hyper spécialisé comme les chevaux de spectacle. C’est un gage d’équilibre et d’harmonie musculaire qui contribue à réduire les risques tendineux.

Le relâchement

Pendant l’exercice le cheval doit être décontracté afin de laisser les muscles jouer dans toute leur amplitude. Il est donc plus intéressant d’utiliser pour le renforcement musculaire les exercices que le cheval exécute le plus facilement et de garder pour le travail technique les exercices qui lui sont difficiles.

C’est progressivement et dans un état de faible stress que le cheval découvrira ses amplitudes articulaires et développera une musculature autorisant des mouvements amples.

Quelques exemples d'exercices chez le cheval

Chez l’athlète, qu’il soit humain ou cheval, de nombreuses règles sont communes :

  • Le cheval doit commencer son renforcement musculaire avant de se spécialiser et avant de développer la poussée des postérieurs ;
  • Les musculations générale et spécifique doivent être conduites parallèlement ;
  • La beauté du geste est limitée par l’insuffisance des muscles antagonistes dont le développement doit être réalisé en même temps que celui des muscles qui le génèrent.

Les exercices doivent être diversifiés

Les exercices doivent être enchaînés en variant les conditions ; différentes longueurs ou vitesses d’allongement des muscles, contractions concentrique et excentrique mixées, …

Quelques exemples :

  • Quelques foulées d’épaule en dedans suivies d’un trot allongé sur le cercle ; les muscles travaillent dans différentes tensions, longueurs et vitesses d’exécution ;
  • Quelques foulées d’épaule en dedans suivies d’un appuyer, les muscles abducteurs travaillent successivement comme agonistes et antagonistes ;
  • Quelques foulées de reculer, repartir au trot, en main ou monté : dans le reculer, les muscles habituellement sollicités pour la seule élévation du membre se doivent de contribuer à mouvoir la masse du cheval.  

Le mouvement doit être juste pour être utile

Quelques exemples :

  • “Epaule en dedans » sur trois pistes (et non quatre pistes) pour garder un bon placement du postérieur et lui permettre de développer une poussée utile ;
  • “Appuyer” en équilibre et en avançant, pour alléger l’épaule interne et lui permettre de s’élever et de progresser vers l’avant. C’est la condition indispensable pour pouvoir ensuite augmenter la poussée.

L'attitude du cheval dépend de son niveau de dressage

  • L’encolure monte progressivement en fonction de la souplesse et de la force du dos du cheval ;
  • L’angle « tête - encolure » se ferme progressivement pour ne pas contrarier l’équilibre et l’avancée des postérieurs sous la masse ;
  • Le cheval doit rester léger et décontracté, se tenant sans l’aide des aides du cavalier pour développer sa musculature.

Étirements et contractions se succèdent

Au cours d’une séance, la série d’exercices doit permettre d’étirer le muscle, puis de le contracter puis de nouveau l’étirer. Quelques exemples :

  • Pirouette au galop suivie d’une extension de l’allure sur une encolure basse,
  • Allure du « passage » suivie d’un cercle au trot ou galop avec extension de l’encolure,
  • Galop à faux suivi d’une courbe opposée au galop juste ou un galop allongé bien droit et en équilibre.

Les règles d'or

Pour développer la charge, notamment par l’activité, il est nécessaire d’avoir un cheval avec un bon équilibre et une épaule bien orientée.

Dans une attitude juste, décontractée et sans résistance inutile, le cheval développera une musculature efficiente sans faire appel nécessairement à des charges maximales.

Le jeune cheval doit développer d’abord la force des épaules par le développement de sa mobilité pour pouvoir supporter la force musculaire de la croupe dont le développement est plus aisé.

Le relèvement de l’encolure et la fermeture de l’angle « tête-encolure » doit se faire progressivement pour ne pas contraindre exagérément le dos et les jarrets du cheval.

La transmission de la poussée des postérieurs aux épaules doit atteindre un niveau satisfaisant avant toute spécialisation.

Planifier ses séances est un impératif, la récupération d’une séance de musculation doit être bien appréciée.

Conclusion

L’intégration de séances de musculation ou d’exercices spécifiques de renforcement musculaire dans une séance de travail fait partie des domaines explorés à l’Ifce chez les chevaux de dressage. Ces essais conduiront à faire évoluer notre réflexion dans ce domaine, cette fiche n’étant qu’une première approche d’une démarche en cours.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Patrick GALLOUX IFCE - Phd, BEES 3 Équitation, ancien Écuyer du Cadre noir de Saumur, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports (HC)

Bibliographie

  • GALLOUX P. ; BESSAT G. (2018) : L’entraînement du couple cheval de sport / cavalier. Ifce, 252 p.
  • DENOIX JM (2014) : Biomécanique et gymnastique du cheval. Vigot, 190 p. 
  • GALLOUX P. (2011) : Concours complet d’Equitation. Belin, 234 p.
  • KARL P. (2006) : Dérives du dressage moderne. Belin, 159 p.
  • COMETTI G. (2005) : Les méthodes de développement de la force. UFR STAPS de Dijon
  • DENOIX JM PAILLOUX JP. (1997) : Kinésithérapie du cheval. Maloine, 291 p.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 14 05 2024

Cette fiche vous a-t-elle été utile ?