Principes de la méthanisation avec du fumier de cheval

Le fumier équin fait partie des effluents d’élevage valorisable en méthanisation. Après une description du processus de méthanisation, les atouts et contraintes du procédé et le cadre règlementaire sont présentés dans cette fiche. Le montage d’un projet de méthanisation en vue d’y incorporer du fumier équin y est aussi abordé.

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Par Anne WALLRICH - Pauline DOLIGEZ - | 17.09.2021 |
Niveau de technicité :
Méthanisation à Croisilles (14) © Ifce
Sommaire

Situation de la méthanisation en France

Au 1er janvier 2021, la France compte 1 075 unités de méthanisation :

  • 214 unités valorisent le biogaz produit en injection, soit 20% du parc.
  • 861 unités valorisent le biogaz en cogénération (électricité + chaleur), soit 80% du parc.

Le nombre d’unités fonctionnant en injection a augmenté de 74% en 2020, contre 11% pour les unités en cogénération.

carte des unités de méthanisation en France
Carte des unités de méthanisation en France © ADEME-SINOE

Processus de méthanisation

schéma du processus de la méthanisation
Schéma du processus de la méthanisation © CRAN

La méthanisation est un procédé biologique de valorisation des matières organiques. En l’absence d’oxygène (digestion anaérobie), la matière organique est partiellement dégradée par des bactéries.

À l’issue de ce procédé, on obtient deux produits :

  • Le biogaz ⇒ une énergie renouvelable composée majoritairement de méthane (CH4), à hauteur de 50 à 60%, et de gaz carbonique (CO2), à hauteur de 40 à 50%.
  • Le digestat ⇒ un fertilisant organique valorisable en agriculture, qui contient de la matière organique non dégradée, des matières minérales (N, P, K…) et de l’eau.

La méthanisation est une solution pour le recyclage et la valorisation des déchets organiques des exploitations agricoles, mais également des collectivités et des industries agroalimentaires.

Valorisation de l’énergie

voies de valorisation du biogaz
Schéma des voies de valorisation du biogaz © CRAN
Les voies de valorisation du biogaz sont les suivantes :

  • La chaudière ⇒ production de chaleur sous forme d’eau chaude à 80°C. Nécessite des besoins de chaleur importants sur le site même de l’unité de méthanisation.
  • La cogénération ⇒ production d’électricité et de chaleur sous forme d’eau chaude sur le site de méthanisation. C’est la voie de valorisation la plus utilisée à ce jour en France.
  • L'injection ⇒ injection du biogaz dans les réseaux de distribution et de transport de gaz naturel, après épuration de celui-ci. C’est la voie de valorisation qui se développe le plus ces trois dernières années.
  • Le Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) ⇒ utilisé comme carburant pour les véhicules après épuration.

Atouts et contraintes du procédé de méthanisation

Atouts

  • Le traitement de proximité des déchets organiques.
  • La diminution de la quantité de déchets organiques à traiter par d’autres filières.
  • La diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) par substitution à l’usage d’énergies fossiles ou d’engrais chimiques.
  • Le traitement possible des déchets organiques graisseux ou très humides, non compostables en l'état.
  • La limitation des émissions d’odeurs des matières à l’épandage, puisque les acides gras volatils (AGV), responsables des nuisances olfactives, sont digérés lors du procédé de méthanisation.
  • La double valorisation de la matière organique et de l’énergie produite est l’intérêt spécifique de la méthanisation par rapport à d’autres filières de traitement.
  • La production d'énergie renouvelable, permettant de participer aux atteintes des objectifs ambitieux de la France, des régions et des territoires locaux.
  • La rémunération supplémentaire grâce aux tarifs de rachat des énergies (électricité et gaz).

Contraintes

  • Procédé peu efficace sur un mono-intrant (sauf pour le lisier). Une codigestion d’un mélange de déchets organiques est à privilégier pour permettre d’optimiser la production de biogaz.
  • Nécessite une surveillance régulière de l’installation et de la main d’œuvre pour incorporer les matières tous les jours (ou deux jours).
  • Coût d'investissement élevé, qui est de minimum 200 000 € pour les plus petites unités à la ferme.
  • Montage du projet et études estimés à environ 3 ans.

Nature des intrants

La méthanisation est un mode de traitement des déchets ou sous-produits organiques. Toutes les matières organiques fraîches - exceptées les matières fortement ligneuses (bois, branches…) - peuvent être méthanisées :

  • Les matières de l’exploitation : effluents d’élevage, résidus de cultures, ensilages, cultures dérobées…
  • Les déchets d’industries agro-alimentaires et de collectivités : issues de silos, tontes de pelouses, déchets de brasseries…
  • Les boues de stations d’épuration.
Chaque matière a son propre pouvoir méthanogène : c’est la quantité de gaz qu’elle pourra générer, mesurée en m3 de biogaz ou de méthane par unité de masse.
Biomasse utilisable en méthanisationBiomasse non utilisable
  • Déjections animales : lisier, fumier, fientes…
  • Produits agricoles : ensilage de maïs, d’herbe…
  • Coproduits agricoles : pailles, fanes, menues-paille…
  • Déchets agro-alimentaires : huiles, graisses, déchets de fruits et légumes…
  • Déchets de collectivités : tontes de pelouses, restes de restauration collective…
  • Boues de stations d’épuration des eaux usées (STEP)
Matières ligneuses : bois, branchages, copeaux, sciure, anas de lin…

Cette liste n’est pas exhaustive. Plus de 465 matières différentes peuvent être incorporées en méthanisation.

potentiels méthanogènes des principaux substrats
Potentiels méthanogènes des principaux substrats © CRAN (source : base de données Méthasim, IFIP, 2018)


Pour une production de biogaz maximale, les intrants incorporés doivent être le plus frais possible. Pour cela, ils doivent être stockés de manière à éviter une dégradation anaérobique, donc privilégier un stockage couvert ou en silos.

Les matières traitées en méthanisation doivent être exemptes d’indésirables afin de ne pas endommager le matériel. 

Les prétraitements de la matière

Broyage

Les matières les plus fibreuses, comme le fumier équin riche en paille, peuvent être broyées finement afin de faciliter leur incorporation dans le digesteur. Les broyeurs permettent une réduction de la consommation énergétique en agitation et en pompage, étant donné que la matière est plus fine et plus digestible.

Les broyeurs sont généralement équipés de pièges à cailloux, ce qui permet de séparer les corps étrangers de la matière à traiter.

Hygiénisation/pasteurisation

Les sous-produits animaux (SPAN) sont portés à une température minimale de 70°C pendant une heure sans interruption avant d’entrer dans le digesteur. Pour être hygiénisées, les matières doivent au préalable être broyées à une taille maximale de 12 mm.

Ce prétraitement est obligatoire dans le cadre de la mise en marché européen du digestat produit. Une dérogation nationale (Arrêté du 09/04/2018) permet d’utiliser le digestat dit « non transformé » (non pasteurisé selon les textes règlementaires) à destination des sols agricoles français uniquement. Cependant, au-delà d’un tonnage entrant d’effluents d’élevage de plus de 30 000 t/an dans la même unité de méthanisation ou provenant de plus de 10 élevages différents, la pasteurisation reste obligatoire.

Pour l’utilisation des digestats sur les sols agricoles ⇒ voir la fiche sur la valorisation des digestats.

Réglementation

Réglementation ICPE

Les installations de méthanisation sont soumises à la réglementation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement). Les installations de méthanisation dépendent de la rubrique 2781. Les arrêtés de prescription de cette rubrique ont été révisés en date du 17 juin 2021. Les installations sont soumises à différents régimes (D pour Déclaration, E pour Enregistrement et A pour Autorisation) en fonction de la nature des matières traitées et de la quantité journalière incorporée.

2781-1
Méthanisation de matière végétale brute, effluents d’élevage, matière stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industries agroalimentaires
Quantité de matières traitées 100 t/jA
30 t/j quantité de matières traitées < 100 t/jE
Quantité de matières traitées < 30 t/jD

Mode de contractualisation pour les structures équines

Afin de sécuriser les partenariats avec une unité de méthanisation, il est nécessaire de rédiger un contrat de fourniture de matière. Ce contrat précise la quantité et la qualité du gisement à fournir, la fréquence des apports, la prise en charge du transport de la matière, les modalités d’échange avec du digestat, les modalités financières et la durée du partenariat.

Montage d’un projet de méthanisation

Fournisseur de fumier dans une unité de méthanisation à proximité

Fournir une unité de méthanisation en fumier équin est la solution la plus simple pour une structure équine possédant peu de matières. Ce système permet de trouver une voie de valorisation au fumier équin sans être obligé de gérer une installation de méthanisation. De plus, ce système est particulièrement adapté aux structures équines ne possédant pas de surface pour implanter une unité de méthanisation. Des dons gratuits, des échanges avec de la paille, du foin ou du digestat peuvent être envisagés avec les exploitants d’unités de méthanisation. Ces conditions sont à définir en fonction de plusieurs éléments : qualité du fumier, distance par rapport à l’unité de méthanisation, échange fourrage/fumier, restitution du digestat sur les sols de l’exploitation équine.

Recommandations aux producteurs de fumier équin

• Veiller au tri du fumier en éliminant les potentiels indésirables : fers, brosses, licols, cailloux…

• Favoriser un stockage du fumier sur une aire bétonnée, afin d’éviter le mélange avec de la terre et des cailloux, et sur une aire couverte, afin d’éviter la dilution avec les eaux de pluies.

• Éviter un stockage du fumier trop long (supérieur à 6 mois) afin de conserver le potentiel méthanogène.

Projet de méthanisation sur la structure équine

La création d'une unité de méthanisation sur la structure équine permet de traiter les fumiers sur place et donc d’éviter le transport. Ce système exige de la surface, le respect des distances d’implantation (règlement ICPE) et du personnel dédié à la gestion de l’unité (approvisionnement, suivi, maintenance).

Afin de monter ce type de projet, les porteurs de projet peuvent se faire accompagner par des bureaux d’études qui évaluent la faisabilité du projet, engagent les démarches administratives et conseillent le porteur du projet tout au long du projet.

La durée du montage d’un projet de méthanisation est estimée à environ trois ans. Ces projets sont longs car les dossiers administratifs nécessitent des temps de recours parfois de plusieurs mois. La demande de subvention peut être une étape assez longue, puisqu’un appel à projets est ouvert qu’une seule fois par an pour ce type d’installation.

Le montant de l’investissement d’une unité de méthanisation est compris entre 200 000 € pour les plus petites unités et plusieurs millions d’euros pour les grosses installations (collectifs agricoles ou unités territoriales).

Année 1Année 2Année 3
Études préliminaires
  • Avant-projet
  • Étude de faisabilité
  • Étude de raccordement
Démarches administratives
  • Demande de subvention, permis de construire, agrément sanitaire, démarche ICPE
  • Consultations et choix du constructeur
Construction
  • Mise en route
  • Suivi de l’installation
Exigences et recommandations pour les valorisateurs de fumier équin

• Veiller à la qualité du fumier à traiter en réalisant une analyse préalable de la matière et une analyse visuelle du fumier à réception sur l’unité.

• Vérifier, grâce à l’analyse de la composition du fumier, la conformité de cette matière avec le procédé de méthanisation choisi (teneur en matière sèche adaptée au système envisagé).

• Privilégier un fumier frais dont le pouvoir méthanogène est plus élevé (mise en place d’approvisionnements fréquents).

• En système continu, le broyage du fumier est à privilégier pour faciliter son incorporation dans le digesteur.

Ce qu’il faut retenir

• Le partenariat de plusieurs fournisseurs de matières organiques pour la codigestion des déchets organiques est essentiel pour garantir une production de biogaz rentable pour l’unité de méthanisation.

• L’unité de méthanisation est soumise à la réglementation ICPE.

• Le montage d’un projet de méthanisation est estimé à environ 3 ans.

• Le coût d’investissement est élevé (minimum 200 000 €) et jusqu’à plusieurs millions d’euros.

• L’accompagnement du porteur de projet par un bureau d’études est nécessaire pour développer une unité de méthanisation.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Anne WALLRICH Chambre d’agriculture de Normandie
  • Pauline DOLIGEZ Ingénieure de projets & développement « Alimentation et entretien des équidés » IFCE

Bibliographie

  • ADEME-SINOE (2021). Carte des méthaniseurs de France.
  • Arrêté du 9 avril 2018 fixant les dispositions techniques nationales relatives à l'utilisation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés, dans une usine de production de biogaz, une usine de compostage ou en « compostage de proximité », et à l'utilisation du lisier.
  • Arrêté du 14 juin 2021 modifiant l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l'environnement.
  • Arrêté du 17 juin 2021 modifiant l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n°2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

Fiche réalisée avec nos partenaires

Chambre d'agriculture de Normandie

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