Les deux systèmes d’organisation sociale des équidés

Au sein des sept espèces d’équidés dans le monde, il existe au moins 2 systèmes distincts d’organisation sociale. Chacune des espèces se conforme globalement à l’un ou l’autre de ces systèmes.

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Par Marianne VIDAMENT - Géraldine FLEURANCE - | 11.03.2019 |
Niveau de technicité :
pâturage
Sommaire

Organisation en groupes familiaux et en groupes de mâles célibataires

Cette organisation est celle des chevaux domestiques, des chevaux de Przewalski, des zèbres des plaines, des zèbres des montagnes et des hémiones de Mongolie (une sous-espèce d’ânes d’Asie).

Les équidés sont ici organisés en familles (harems), au sein desquelles un mâle (rarement plusieurs) s’associe à quelques femelles accompagnées de leurs jeunes de moins de 2-3 ans. Cette structure est relativement stable. Les jeunes mâles quittent leur groupe natal et vivent de l’âge de 2 à 5 ans au sein de petits groupes de mâles célibataires, qui comprennent également les mâles qui ont perdu leur harem.

Ces équidés ne sont pas territoriaux [1]. Les domaines vitaux [2] de ces différents groupes se recouvrent plus ou moins largement (1 à plusieurs km²). Il n’y a pas de défense active de certaines parties du domaine vital.

Ce système (liens sociaux stables) est adapté aux espaces où les ressources alimentaires sont relativement abondantes, ou du moins réparties de manière homogène. En cas d’alternance saisonnière des ressources alimentaires, ces espèces peuvent se regrouper pour migrer temporairement, dans leur ensemble, vers des sites plus propices. Ce système de fusion-fission est observable chez les zèbres des plaines avec migration de très nombreux individus.

Mais en fonction des ressources, il a été observé, dans certains cas très particuliers, l’apparition de systèmes territoriaux dans certaines populations de chevaux féraux [3] avec peu de ressources.

[1] territoire = part du domaine vital qui est défendue

[2] domaine vital = Espace où l’animal vit ordinairement et qui suffit à répondre à ses besoins primaires

[3] chevaux féraux ou marron = chevaux domestiques revenus à l’état sauvage

Les équidés concernés

troupeau de chevaux dans un pré
Chevaux domestiques © Pixabay
comportement social du cheval
Chevaux de Przewalski © H. Roche


Zèbres des plaines © Wikipédia / CC-BY-SA-2.5
Zèbre des montages © Wikipédia / CC-BY-SA-3.0-migrated

Organisation en groupes instables avec certains mâles reproducteurs territoriaux

Cette organisation est celle des ânes sauvages d’Afrique, des zèbres de Grevy et de certaines espèces d’ânes d’Asie (ânes du Tibet « kiang » et certaines hémiones (« khur » en Inde, « khulan » au Turkmenistan-Kazakhstan, onagres en Iran)). Ces derniers présentent une certaine variabilité dans leur structure sociale.

Ce système est tout à fait différent du premier. Il n’existe aucune relation stable entre les individus, en dehors de la mère et de ses jeunes. Ceux-ci peuvent rester soit solitaires, soit se retrouver au sein d’associations temporaires de compositions diverses, d’un seul ou des deux sexe(s). Les mâles défendent des territoires de reproduction d’une taille très élevée (10 km2) seulement quand une femelle en chaleurs s’y trouve. Seul le mâle du territoire peut saillir les femelles qui s’y trouvent. Il peut tolérer d’autres mâles si ceux-ci ne s’intéressent pas aux femelles en chaleurs. Il ne quittera ce territoire qu’en cas d’extrême sécheresse et y reviendra dès que possible.

Les ânes domestiques descendent de l’âne sauvage d’Afrique. En saison de reproduction et surtout en présence de femelles en chaleurs, les baudets (ânes mâles reproducteurs) domestiques sont territoriaux. Ils peuvent attaquer facilement d’autres mâles.

Ce système (quelques mâles territoriaux, liens plus lâches) où les individus sont plus solitaires est adapté à la vie dans des habitats quasi-désertiques, aux ressources très limitées et inégalement réparties.

Mais en fonction des ressources à la disposition de ces espèces, il a été observé l’inversion entre ces deux systèmes d’organisation sociale : groupes assez stables d’ânes (notamment entre ânesses et leur mâle), surtout quand l’alimentation est abondante. Chez les hémiones, on observe l’un ou l’autre des systèmes d’organisation sociale suivant la sous-espèce étudiée. Pour les ânes féraux [3], les ressources et la topographie de l’habitat conditionneraient la composition des groupes de femelles, et les stratégies de reproduction des mâles seraient en relation avec la distribution des femelles dans l’habitat et leur visibilité.

Les équidés concernés

Ane domestique © M. Vidament
Ane sauvage d’Afrique (de Somalie) © Wikipédia / CC BY-SA 3.0


Hémione (âne sauvage d’Asie) © Ifce
Kiang (âne sauvage du Tibet) © Wikipédia / CC BY-SA 4.0
Zèbres de Grevy
Zèbres de Grevy © Pixabay / MonikaP


Ce qu’il faut retenir

Deux systèmes d’organisation sociale existent chez les équidés sauvages :
•    Le système des chevaux : des petits groupes stables qui cohabitent relativement facilement sur un domaine vital non défendu ;
•    Le système des ânes : des groupes plus instables et des mâles reproducteurs qui défendent leur territoire en saison de reproduction.

Ces deux systèmes proviennent très certainement de l’adaptation de ces espèces aux ressources alimentaires initiales de ces espèces : steppe avec de l’herbe pour les chevaux, désert avec des ressources aléatoires pour les ânes.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Marianne VIDAMENT Docteur vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Éthologie » et « Médiation équine » IFCE
  • Géraldine FLEURANCE Ingénieure de recherche IFCE | INRAE, Centre de recherche Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes - UMR 1213 Herbivores - Saint-Genès-Champanelle (63)

Bibliographie

  • BOURJADE M., 2007. Sociogenèse et expression des comportements individuels et collectifs chez le cheval. Thèse, Université de Strasbourg. Disponible sur : http://scd-theses.u-strasbg.fr/1427/01/BOURJADE_Marie_2007.pdf
  • FLEURANCE G., LEBLANC M.A. et DUNCAN P., 2004. Le comportement des équidés en liberté. 30ème Journée de la Recherche Equine, Paris, pages 101-113.
  • KLINGEL H., 1975. Social-organization and reproduction in equids. J. Reprod. Fertil., 23, pages 7-11.
  • PURDY S., 2018. Small herd behaviour in domestic donkeys. Equine Vet. Educ., 31(4), pages 199-202.
  • RUDMAN R., 1998. The social organisation of feral donkeys (Equus asinus) on a small Caribbean island (St. John, US Virgin Islands). Applied Animal Behaviour Science, 60(2-3), pages 211-228.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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