La myopathie atypique

La myopathie atypique est une maladie saisonnière désormais bien présente en France et en Europe. Elle se caractérise par une destruction des muscles posturaux, respiratoires et du myocarde. Des études récentes ont montré que la cause est une toxine présente dans les graines de certains arbres du genre Acer (érable), dont l'Acer pseudoplatanus ou érable sycomore.

2

Par Dr Dominique VOTION - | 11.09.2020 |
Niveau de technicité :
myopathie atypique
Sommaire

La myopathie atypique : qu'est-ce que c'est ?

La myopathie atypique (MA), aussi appelée myoglobinurie atypique des chevaux au pré, est une maladie généralement fatale se caractérisant par une dégénérescence sévère de différents groupes musculaires, dont les muscles intervenant dans la respiration, la posture ou encore le muscle cardiaque.

La MA frappe les équidés de toutes espèces (chevaux de trait, de selle, poneys, ânes et zèbres) séjournant en pâture la majeure partie de la journée.

La MA ne présente pas les caractéristiques d’une maladie contagieuse. Cependant, son apparition étant liée à des conditions environnementales particulières, plusieurs chevaux pâturant sur une même prairie peuvent être affectés simultanément. Les séries cliniques se déclarent essentiellement au printemps et en automne.

Situation européenne

cas géolocalisés de myopathie atypique entre 2006 et 2019
Répartition des cas de MA géolocalisés, survenus entre l'automne 2006 et l'automne 2019 (1008 cas géolocalisés sur les 1841 cas déclarés en Belgique et en France pour cette période) © D. Stern (AMAG)
Depuis 2006, l'Autriche, la France, l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, l'Irlande, les Pays Bas, le Royaume-Uni, la Suisse, la Suède, l'Espagne et la République tchèque ont été touchés, dont 73% des cas en Belgique, en France et en Allemagne (pour la période 2006 à 2019).


Outre-Atlantique, une maladie présentant les mêmes caractéristiques cliniques a été identifiée depuis 2006 aux Etats-Unis, où elle a été nommée « myopathie saisonnière du pâturage ».

Quelles sont les causes de la myopathie atypique ?

L'hypothèse d'une toxine d'origine environnementale affectant le métabolisme énergétique musculaire est maintenant validée.

myopathie atypique
Samares (a) et feuilles (b) d'érable negundo © F. Patarin - Cliquez pour agrandir
Aux Etats-Unis, il a été montré que la myopathie saisonnière du pâturage était liée à la présence d'un acide aminé appelé « hypoglycine A » présent dans les graines de l'Acer negundo (érable negundo).

En Europe, cet acide aminé est également retrouvé dans les graines et plantules de l'Acer pseudoplatanus ou érable sycomore, plus fréquemment responsable des cas de MA en Belgique et en France. Néanmoins, l'Acer negundo est une espèce invasive qui est en forte expansion, notamment dans le sud-ouest de la France, et peut donc aussi être responsable de cas de MA en Europe.


L'Acer pseudoplatanus est un arbre qui peut atteindre 20 à 30m de haut. Ses feuilles sont vert sombre et présentent 5 lobes arrondis. On le retrouve dans les forêts mixtes de l'Europe occidentale jusqu'à la Mer Baltique. La configuration des fruits (samares) prédispose à la dissémination par le vent, ce qui accroît le rayon d'action d'un arbre ou bosquet.

Une fois ingérées, les toxines sont métabolisées en des composés toxiques qui engendrent des désordres biochimiques sévères.

myopathie atypique
Samares (a) et feuilles (b) d'érable sycomore © F. Patarin - Cliquez pour agrandir
myopathie atypique
Plantule d'érable sycomore au printemps © D. Votion - Cliquez pour agrandir

Quels sont les signes cliniques de la myopathie atypique ?

Signes cliniques présents chez plus de 50% des casSignes cliniques présents chez moins de 50% des cas
Emission d’une urine foncée : émission spontanée ou à la suite d’une palpation rectale ou encore d’une cathétérisation (93%)Difficultés respiratoires (49%)
Muqueuses congestives (couleur rouge) (53%)Hypothermie : température rectale < 37°C (29%)
Faiblesse généralisée (85%)Anorexie (28%)
Raideurs (83%)Difficulté à déglutir (23%)
Psychisme déprimé (80%)Appétit exacerbé (18%)
Fréquence cardiaque augmentée : > 45 battements/min (79%)Hyperthermie : température rectale > 38°C (11%)
Cheval couché sur le flanc (78%)
Appétit conservé (72%)
Tremblements (68%)
Sudation (64%)
Température rectale normale : 37–38°C (60%)
Distension de la vessie (58%)

Comment prévenir la maladie ?

Il est difficile d'empêcher la présence de samares sur les pâtures. Même en évitant de planter des érables à proximité des herbages, la dissémination des graines par le vent est importante (jusqu’à plus de 100m de l’arbre).

Le bilan des études épidémiologiques amène à conseiller de :

  • Complémenter les chevaux vivant au pré.
  • Réduire le temps passé au pâturage aux saisons à risque.
  • Rentrer les chevaux les jours de pluie ou de grand vent.
  • Laisser une pierre à sel à disposition.
  • Abreuver avec l’eau du réseau, nettoyer régulièrement les abreuvoirs…

Il n'est pas exclu que la toxine puisse être contenue dans les fruits d'autres arbres, c'est pourquoi la recherche en Europe s’attache à :

  • Mettre en place des outils (dosages des toxines) pour identifier les autres sources d’intoxication potentielles : autres arbres, fourrages conservés, eau de boisson…
  • Elaborer un test de terrain, à partir d’une prise de sang, qui permette de confirmer rapidement le diagnostic clinique et d’établir un pronostic de survie.

Reconnaître vos érables à partir de leurs feuilles, des fruits (samares) et de leurs fleurs

Tous les érables ne sont pas incriminés ! Reconnaître ceux qui bordent vos prairies peut vous aider à évaluer le risque...

reconnaître les érables
Feuilles, fruits (samares) et fleurs des érables sycomore, plane et champêtre © B. Renaud (AMAG)

Traitement

Aucun antidote de la toxine n'existe actuellement. Un traitement symptomatique est mis en place : administration de vitamines et d'antioxydants qui soutiennent la fonction musculaire et le métabolisme énergétique. L’apport énergétique doit être assuré via des sucres puisque le muscle du cheval ne sait plus, temporairement, utiliser les lipides.

Réseau de surveillance

Depuis 2005, un réseau d’alerte de la myopathie atypique a été constitué : il s’agit de l’AMAG (Atypical Myopathy Alert Group). Initié et géré par l’Université de Liège (Belgique), il rassemble les chercheurs et cliniciens européens confrontés à la problématique de la MA.

Depuis l’apparition des premiers cas français en 2002, le Réseau d’Epidémio-Surveillance en Pathologie Equine (RESPE), participe au réseau européen.

Le groupe AMAG collecte les informations épidémiologiques et cliniques auprès des propriétaires de chevaux et des vétérinaires (de terrain, de cliniques privées et universitaires) et informe les professionnels de la filière équine lors de l’émergence de séries cliniques. Retrouvez les informations sur le site : http://labos.ulg.ac.be/myopathie-atypique/

Si vous avez connaissance d’un cas, MERCI de le déclarer :

En savoir plus sur nos auteurs
  • Dr Dominique VOTION Docteure vétérinaire - Université de Liège

Bibliographie

  • www.myopathie-atypique.be
  • BAISE E., HABYARIMANA J.A., AMORY H., BOEMER F., DOUNY C., GUSTIN P., MARCILLAUD-PITEL C., PATARIN F., WEBER M. et VOTION D.M., 2015. Samaras and seedlings of Acer pseudoplatanus are potential sources of hypoglycin A intoxication in atypical myopathy without necessarily inducing clinical signs. Equine Vet. J., 48(4), pages 414-417. DOI : 10.1111/evj.12499.
  • RENAUD B., FRANÇOIS A.C., DOPAGNE C., ROUXHET S., GUSTIN P. et VOTION D., 2019. Identification of the maple tree responsible for atypical myopathy.
  • VOTION D.M., FRANÇOIS A.C., KRUSE C., RENAUD B., FARINELLE A., BOUQUIEAUX M.C., MARCILLAUD-PITEL C. et GUSTIN P., 2020. Answers to the frequently asked questions regarding horse feeding and management practices to reduce the risk of atypical myopathy. Animals, 10(2), 365. Version française de l'article libre d'accès en cliquant sur le lien Supplementary Material.
  • VOTION D.M., 2016. Atypical myopathy : an update. In Practice, 38(5), pages 241-246.
  • VOTION D.M., VAN GALEN G., SWEETMAN L., BOEMER F., DE TULLIO P., DOPAGNE C., LEFERE L., MOUITHYS-MICKALAD A., PATARIN F., ROUXHET S., VAN LOON G., SERTEYN D., SPONSELLER B.T. et VALBERG S.J., 2014. Identification of methylenecyclopropyl acetic acid in serum of European horses with atypical myopathy. Equine Vet. J., 46(2), pages 146-149.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 08 05 2024

Fiche réalisée avec nos partenaires

RESPE Université de Liège

Cette fiche vous a-t-elle été utile ?