Les thérapies médicales en pathologie articulaire

L’appareil musculo-squelettique du cheval est très fortement sollicité lors de son utilisation sportive. Les traitements médicaux des pathologies articulaires génèrent beaucoup d’intérêt dans les équipes de recherche vétérinaire spécialisées en locomotion équine. Les dernières nouveautés en thérapeutiques médicales articulaires équines sont donc présentées ici.

3

Par Sébastien CAURE - | 02.01.2012 |
Niveau de technicité :
course sur hippodrome
Sommaire

Introduction sur les thérapies en pathologie articulaire

Dans le monde vétérinaire, les chevaux sont une espèce à part, car, à la différence des autres animaux de compagnie, les performances sportives sont recherchées. Certes les lévriers de course, les chiens de traîneau, ou encore les chameaux de course sont également élevés et entraînés pour leurs aptitudes sportives, mais aucune espèce n’est aussi largement utilisée pour ses aptitudes sportives.

Pour cette raison, l’appareil musculo-squelettique du cheval est très fortement sollicité, ce qui amène le vétérinaire à soigner et essayer de prévenir les pathologies articulaires, tendineuses, ligamentaires, osseuses et musculaires.

Les traitements médicaux des pathologies articulaires génèrent beaucoup d’intérêt dans les équipes de recherche vétérinaire spécialisées en locomotion équine.

Nos objectifs ne sont pas de réaliser une présentation exhaustive, mais de présenter les dernières données de la science, et les avancées technologiques, qui sont déjà accessibles dans nos cliniques. En préambule, nous présenterons les mécanismes du développement des pathologies articulaires, puis les dernières nouveautés en thérapeutiques médicales articulaires équines.

Les mécanismes de développement des pathologies articulaires

On peut aussi parler de pathogénie.

Les maladies de développement

Ce sont les défauts d’aplomb et les contractures, qui, si elles ne sont pas réglées dans les 2 à 3 premiers mois de vie, peuvent générer des ostéoarthroses juvéniles, en raison de contraintes articulaires anormales. Les mécanismes de développement de la pathologie articulaire liés à ces anomalies d’aplomb sont proches de ceux développés ci-dessous pour l’ostéo-arthrose.

L’autre maladie de développement est l’ostéochondrose, qui traduit un défaut de l’ossification enchondrale. A la naissance, le poulain a un squelette immature riche en cartilage. Lors des premiers mois de vie, ce squelette s’adapte aux contraintes biomécaniques et s’ossifie. Les lésions d’ostéochondrose que sont les fragments articulaires ou les kystes osseux sous-chondraux sont le résultat d’un processus anormal d’adaptation et d’ossification.

Ces lésions peuvent ensuite favoriser le développement d’ostéo-arthrose en raison d’une articulation mal conformée, donc mal adaptée, ou instable.

L’ostéo-arthrose

La figure ci-dessous schématise une articulation et ses différents constituants, à deux niveaux différents (vue d'ensemble et zoom).

thérapies en pathologie articulaire
Schéma d'une articulation © J.Dolley

La figure ci-dessous montre les différents mécanismes de développement de l’ostéo-arthrose. Ces mécanismes sont complexes et souvent liés, les uns entraînant les autres.

thérapies en pathologie articulaire
Schéma des mécanismes de développement de l'ostéo-arthrose © S. Caure

Les dernières données sur les traitements les plus anciens

La figure ci-dessous montre les niveaux auxquels agissent les différentes thérapeutiques. Ce schéma est complexe. Il faut suivre les différents chemins de la pathogénie.

thérapies en pathologie articulaire
Niveaux d'action des différentes thérapeutiques © S. Caure


Les traitements par voie générale

En ce qui concerne les compléments alimentaires, les dernières études montrent que l’association de glucosamine et de chondroïtine sulfate améliorent cliniquement les chevaux atteints d’ostéo-arthrose, mais avec des effets limités, et ces produits sont sans doute plus efficaces en terme de prévention qu’en terme de traitement. La glucosamine et le chondroïtine sulfate sont des précurseurs des glycosaminoglycanes, un des constituants majeurs du cartilage. On pourra retenir que l’absorption de chondroïtine sulfate et consorts est faible : 3 à 7%.

Un autre complément oral a été récemment comparé à la supplémentation glucosamine-chondroïtine sulfate, et a montré une action supérieure à cette dernière association. Ce complément est un collagène de type 2 dénaturé, qui, par un processus immunologique complexe, lors de son absorption au niveau du petit intestin, bloque l’action des lymphocytes T, un des précurseurs de la cascade inflammatoire du développement de l’ostéo-arthrose. Ce complément doit cependant être donné sur plusieurs mois pour être efficace.

Concernant les formes injectables, les glycosaminoglycanes peuvent être administrés par voie intramusculaire. Une étude a comparé un traitement de glycosaminoglycanes versus placebo, en période de repos hivernal, sur des chevaux de course. Elle a montré la supériorité des glycosaminoglycanes injectables sur le placebo, avec un nombre de départs en courses la saison suivante plus élevé et des gains moyens par course courue plus élevés également avec les injections de chondro-protecteurs.

Concernant le tyludronate, l’efficacité a été prouvée pour améliorer la mobilité dorsale de pur-sang à l’entraînement, sur les lésions d’éparvins sur des chevaux de selle, et n’est pas certaine sur les douleurs podales (une étude a montré l’intérêt et une autre l’absence d’efficacité).

Les traitements intra-articulaires classiques

Le cheval a été la première espèce à être traitée par voie intra-articulaire avec de l'acide hyaluronique.

Les études récentes les plus intéressantes concernent les effets délétères sur le cartilage. Mc Ill Wraith a démontré que les corticoïdes utilisés à petites doses (4mg pour un boulet, 10mg pour un grasset par exemple) n’ont pas d’effets délétères sur le cartilage. Par contre, le dépomédrol est à proscrire.

Les traitements anti-inflammatoires naturels de dernière génération : IRAP 1 et IRAP 2

Mode d’action

La figure ci-dessus montre le niveau d’action des antagonistes de l’interleukine 1. Deux produits sont présents sur le marché : l’IRAP et IRAP de deuxième génération. Leur principe est le même : au contact de billes et dans une étuve à 37°C, pendant 24h, faire produire aux cellules sanguines (majoritairement les monocytes, les kératinocytes et les neutrophiles de manière accessoire) un antagoniste de l’IL 1. Une fois cette molécule produite, on récupère le sérum, on le congèle pour le stockage, puis on l’injecte en intra-articulaire de manière à bloquer l’action de cette IL 1. Les protocoles classiques comportent 3 injections avec un intervalle de 1 à 2 semaines entre les injections, puis des rappels plus ou mois espacés en fonction des signes cliniques.

Etudes réalisées

Notre expérience à la clinique de Livet date de 3 ans et demi. Nous avons traité plus de 300 chevaux soit plus de 4000 articulations. Nous avons constaté 0,3% de réactions inflammatoires suite à l’injection. Ces complications sont inférieures à ce qui est rapporté avec l'acide hyaluronique (12% de réactions inflammatoires quand il est utilisé seul).

Les thérapies régénératives

PRP et autres facteurs de croissance

Les facteurs de croissance sont des protéines qui favorisent la régénération tissulaire. L’organisme est capable de régénération de tissus, quand il est abîmé, les tissus articulaires n’étant pas les champions en la matière.

Il existe de très nombreux facteurs de croissance contenus dans les plaquettes, ce qui a poussé les différents chercheurs à essayer d’obtenir un plasma riche en plaquettes (PRP).

Ces produits peuvent être injectés seuls en intra-articulaire, ou bien associés aux cellules souches.

Les cellules souches mésenchymateuses

C’est la « Rolls » de la thérapie articulaire : remettre en place des cellules souches, qui ont la capacité de se transformer en cellules cartilagineuses, en cellules osseuses, ligamentaires, tendineuses ou encore méniscales. C’est le rêve de tout chercheur, de réussir plus que la gestion de l’inflammation, la régénération tissulaire.

C’est maintenant facile d’obtenir des cellules souches chez le cheval, soit à partir de prélèvement de moelle osseuse, soit à partir de cellules graisseuses. Les études montrent qu’il vaut mieux prélever de la moelle osseuse. Différents laboratoires permettent de mettre en culture des cellules souches, mais pour le moment plus pour des injections intra-tendineuses et/ou intra-ligamentaires, que pour des traitements intra-articulaires.

Les premières études visaient à réimplanter les cellules souches dans les défets cartilagineux et les kystes osseux sous-chondraux en les fixant en place à l’aide de gels de fibrine.

Les dernières voies de recherche visent à faire des choses plus simples : injecter directement les cellules souches en intra-articulaire et les laisser se fixer là où il y en a besoin. Il y a différentes études qui montrent l’efficacité de ces techniques sur la régénération de cartilage, et également sur la capacité de régénérer des ménisques ou des ligaments croisés. A la clinique, nous utilisons la combinaison cellules souches plus PRP, avec des premiers résultats cliniques encourageants (20 articulations traitées de cette manière).

Ce qu'il faut retenir

La thérapie articulaire est en plein essor. Les dernières avancées de la science sont très prometteuses. Elles sont déjà accessibles dans de nombreuses cliniques.

Il nous reste à valider toutes ces techniques et à trouver la meilleure association cellules souches-facteurs de croissance de manière à optimiser cette thérapie régénératrice. Il ne faut cependant pas oublier de limiter au maximum les pathologies articulaires, avec un élevage de qualité visant à prévenir les maladies de développement et une gestion optimale de l’entraînement et des aires d’exercice. De cette manière, on favorise la performance en préservant l’intégrité physique de nos chevaux.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Sébastien CAURE Docteur vétérinaire - clinique vétérinaire équine de Livet (14)

Bibliographie

  • Cell-based Therapies in Orthopedics. Veterinary Clinics of North America, Equine Practice, 27(2), august 2011.
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

Cette fiche vous a-t-elle été utile ?