L'infestation par la douve du foie : une maladie sous-estimée ?

La grande douve du foie (Fasciola hepatica) est un parasite infestant fréquemment les ruminants domestiques, à l'origine de pertes économiques importantes, mais aussi certains herbivores sauvages comme les ragondins et les cervidés. Cette infestation est beaucoup moins fréquente chez le cheval. Son impact sur la santé des équidés est encore mal connu.

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Par Marie DELERUE - | 10.05.2022 |
Niveau de technicité :
pâturage mixte bovins-équins
Sommaire

Qu'est-ce que la douve du foie ?

La douve est un parasite du foie, un vers plat qui fait partie de la famille des Trématodes. Les adultes mesurent de 1,5 à 3,0 cm de long et 1,0 cm de large. Ils vivent dans les canaux biliaires.

On distingue deux types de douves :

  • La petite douve (Dicrocoelium lanceolatum) : l'infestation par ce parasite est très fréquente et très pathogène chez les petits ruminants (ovins et caprins). Elle est en revanche rarissime chez le cheval.
  • La grande douve (Fasciola hepatica), qu'on retrouve dans toute l'Europe.

douve du foie
Schéma de la douve du foie (Fasciola hepatica) © M. Delerue
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Douve du foie (Fasciola hepatica) © S. Prache, INRAe


Nous parlerons ici uniquement de la grande douve.

Comment le cheval peut-il s'infester ?

Les parasites adultes, présents dans l’organisme des animaux sensibles (les équidés, mais surtout les bovins, les ovins et certains herbivores sauvages), excrètent des œufs qui sont émis dans les fèces des animaux infestés.

Ces œufs se développent dans la pâture en larves qui pénètrent ensuite dans des escargots, appelés limnées, dans lesquelles elles se multiplient. Elles ressortent ensuite de leur hôte intermédiaire et se fixent sur la végétation environnante.

Les équidés peuvent s’infester en broutant l’herbe contaminée. Après ingestion, les parasites traversent la paroi de l'intestin et migrent vers le foie. Les parasites adultes vivent dans les canaux biliaires qui assurent le transport de la bile vers l’intestin grêle.

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Cycle de vie de la douve du foie (Fasciola hepatica) © M. Delerue


La grande douve du foie, ainsi que la limnée, ont donc besoin d'un environnement propice pour leur développement : la présence d'eau et des températures supérieures à 10°C.

L'infestation est-elle fréquente chez le cheval ?

Chez les ruminants, l'infestation est très fréquente. La prévalence (nombre d'animaux infestés sur la population totale) a augmenté ces vingt dernières années. Cette augmentation pourrait être due au changement climatique, avec des étés plus pluvieux et des hivers plus doux.

L'infestation des chevaux par la douve est classiquement considérée comme rare. L'infestation semble être plus fréquente chez l'âne que chez le cheval. Cependant, on peut penser que la fréquence d'infestation est sous-estimée chez les équidés du fait d'un diagnostic difficile et de signes cliniques peu évocateurs.

Une récente étude menée en Irlande, recherchant la présence de douves adultes dans le foie, a montré une prévalence de 10% chez des équidés à l'abattoir (soit un cheval sur dix infesté).

Aucune étude n'est disponible en France à notre connaissance. Dans le cadre d’un projet de recherche (le projet Parasit’SimEq), 253 équidés répartis en 18 groupes hébergés en pâtures ont été suivis par coproscopies de mars/avril à octobre 2021. Des œufs de F. hepatica ont été identifiés chez 20 équidés (prévalence cumulative au cours de la saison de pâturage de 8%) hébergés dans 13 groupes.

Ce n’est pas parce qu’un cheval est infesté qu’il en souffre. Dans l’étude irlandaise, aucun lien entre infestation par la douve et note d’état corporel n’a d'ailleurs été établi.

Même si la grande douve est présente dans toute l’Europe, la fréquence d’infestation est très variable en fonction des régions géographiques (du fait de conditions météorologiques différentes) et des conditions de pâturage. Les limnées, nécessaires au développement de la douve, vivent en effet dans des milieux humides ou semi-aquatiques (rigoles de drainage, bords de petits cours d’eau et mares, zones humides temporaires…). De plus, les ruminants et certains herbivores sauvages sont plus sensibles aux parasites et participent, beaucoup plus que les équidés, au recyclage des grandes douves.

Quand penser à une infestation par la douve ?

douve du foie
Cheval buvant dans une prairie humide © M. Sabbagh
Un environnement particulier

Certains éléments de l'environnement du cheval peuvent favoriser l'infestation par la douve :

  • Le climat, notamment lors d'étés pluvieux et d'hivers doux. Le changement climatique pourrait favoriser dans les années à venir l'infestation par la grande douve.
  • Un pâturage mixte avec des ruminants (bovins, ovins).
  • Une proximité avec des animaux sauvages (ragondins, cervidés).
  • Des pâtures humides ou contenant des points d'eau naturels.

Des signes cliniques peu évocateurs

Chez le cheval, les signes cliniques sont, la plupart du temps, peu prononcés et peu spécifiques.

L'infestation peut s'accompagner d'une baisse de forme, d'un amaigrissement, d'une baisse d'appétit, d'un poil piqué, de muqueuses jaunâtres, de diarrhée.


Comme ces signes cliniques sont peu évocateurs, il est parfois difficile de penser de prime abord à une infestation par la douve. Votre vétérinaire peut néanmoins envisager cette hypothèse diagnostique lorsque le cheval est soumis à un environnement à risque et présente un amaigrissement d'origine inconnue.

Comment diagnostiquer une infestation par la douve ?

coproscopie
Coproscopie © A. Kempfer
Actuellement, le diagnostic définitif repose sur la réalisation d’une coproscopie, c'est-à-dire la recherche au microscope de la présence d’œufs de grande douve dans les crottins. Cependant, du fait de l’excrétion intermittente des œufs, cette méthode est peu fiable : seuls 60 à 70% des chevaux infestés présenteraient une coproscopie positive.

Des tests sérologiques, qui recherchent la présence d’anticorps dirigés contre la grande douve, sont disponibles chez les ruminants, mais fonctionnent mal chez les équidés.

Comment prévenir l'infestation ?

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Gare aux zones humides et cours d'eau dans les prairies ! © M. Sabbagh
Il n'est pas nécessaire de traiter les chevaux de façon préventive avec un douvicide.

Cependant, une vigilance accrue doit être portée aux équidés exposés aux principaux facteurs de risque (prairies très humides, co-pâturage avec des ruminants…). Il est conseillé de restreindre l'accès aux zones humides et cours d'eau (ruisseaux…) ou d'entretenir les berges le cas échéant.

Quel traitement ?

En cas de diagnostic ou de forte suspicion de la part de votre vétérinaire, celui-ci pourra prescrire et administrer un vermifuge spécifique habituellement destiné aux ruminants, car la grande douve n'est sensible à aucun des antiparasitaires utilisés chez le cheval. Deux molécules douvicides sont disponibles : le triclabendazole et le closantel. Ces molécules ne sont cependant pas commercialisées pour les équidés et devront être utilisées hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Leur usage doit donc se faire exclusivement sous la responsabilité de votre vétérinaire.

Des cas de résistance des grandes douves au triclabendazole ont été décrits dans la littérature. Ces traitements doivent donc être utilisés chez les équidés uniquement en cas de forte suspicion de symptômes dus à une infestation par la douve.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Marie DELERUE Docteure vétérinaire - experte sanitaire spécialité équine et ingénieure de recherche & développement IFCE

Bibliographie

  • ANSES (2016). Fiche de description de danger biologique transmissible par les aliments / Fasciola hepatica. 3 pages.
  • BEESLEY N.J., CAMINADE C., CHARLIER J., FLYNN R.J., HODGKINSON J.E., MARTINEZ-MORENO A., MARTINEZ-VALLADARES M., PEREZ J. and RINALDI L. (2018). Fasciola and fasciolosis in ruminants in Europe : identifying research needs. Transboundary and emerging diseases, 65 (Suppl. 1), pages 199-216.
  • DORCHIES P. (2010). La fasciolose des équidés, une infestation parasitaire inhabituelle. Bulletin des Groupements Techniques Vétérinaires, n°57, pages 71-78.
  • QUIGLEY A., SEKIYA M., EGAN S., WOLFE A., NEGREDO C. and MULCAHY G. (2017). Prevalence of liver fluke infection in Irish horses and assessment of a serological test for diagnosis of equine fasciolosis. Equine Veterinary Journal, 49(2), pages 183-188.
  • WILLIAMS D.J.L. and HODGKINSON J.E. (2017). A neglected, re-emerging disease. Equine Veterinary Education, 29(4), pages 202-204.
  • https://www.esccap.fr/parasites-gastro-intestinaux-cheval/la-grande-douve-fasciolose.html
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 14 05 2024

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