Améliorer l'efficacité économique des exploitations

Améliorer l'efficacité économique d’une entreprise repose sur un diagnostic de son fonctionnement technico-économique et s’appuie sur des repères de comparaison à d’autres entreprises équestres en activité. Le Réseau Équin a identifié des leviers pour mieux conduire les exploitations afin d’en améliorer les résultats économiques, en s’appuyant sur une augmentation des produits, sur une meilleure maîtrise des coûts et/ou sur une optimisation du travail.

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Par Charlotte GEYL - | 02.02.2024 |
Niveau de technicité :
Ecuries du Haras du Pin © L. Van Hoevelaken
Sommaire

Le Réseau Équin

Le Réseau Équin, créé en 2006, est un dispositif de recherche de références techniques et économiques. Il porte sur plusieurs domaines d’activités équines : élevage de chevaux et poneys de sport, chevaux de loisir et chevaux de trait, établissements équestres (centres équestres, écuries de pension, fermes équestres). Ce réseau valorise les données économiques collectées annuellement dans des exploitations équines choisies sur le territoire (128 fermes suivies en 2020-2024). Ces entreprises sont sélectionnées selon plusieurs critères : ancienneté de l’exploitation, viabilité économique, reconnaissance des pairs et volonté du chef d’exploitation de partager son expérience.

Définition du revenu agricole

 REVENU AGRICOLE = PRODUITS - CHARGES

Les postes du revenu agricole
ProduitsCharges
Produits des différentes activitésCharges opérationnelles (liées à chaque activité)
Subventions, aides, primes...Charge de structure (électricité, foncier, assurance, salaires...)
Frais financiers

Rechercher un niveau de produit d’exploitation suffisant

Le chiffre d'affaires

Métier du sport et des loisirs
© A. Bassaler

Le premier objectif évident peut être d’augmenter le chiffre d’affaires, c’est-à-dire les ventes de l’exploitation, qui composent en grande partie le produit brut. Cet objectif se traduit par une optimisation des prix pratiqués et/ou une augmentation des volumes de vente.


Les ventes de chevaux

© A.C. Grison

Les prix de vente pratiqués (chevaux, prestations) sont fixés selon la connaissance du marché. Des repères de prix sur le marché du cheval sont disponibles en consultation sur Stats&Cartes.

Les jeunes chevaux destinés à la compétition de niveau professionnel se vendent les plus chers, mais ils représentent à peine 5 % du marché sport-loisir. Les chevaux destinés aux autres utilisations se vendent à des prix moindres (moins de 2 000 € en moyenne, pour des équidés non destinés à la compétition). La marge de manœuvre est alors limitée et vise à ajuster les tarifs pour vendre au juste prix. Un cheval au prix de vente demandé trop élevé comparé à la tendance du marché risque de ne pas se vendre ou de se vendre dans un délai trop long, parfois moins cher, après une période pendant laquelle le cheval coûte à entretenir.

Dans des élevages suivis par le réseau, il a été observé que certains jeunes chevaux sont vendus tardivement, à 6 ans, à des prix à peine plus élevés que ceux de 3 ans à meilleur potentiel. Le prix de vente d’un cheval dépend de son niveau de travail. Un cheval valorisé se vend plus cher. Toutefois, il convient de cibler les animaux pour que l’investissement de valorisation soit en adéquation avec le potentiel de l’animal, afin que le prix de vente ultérieur soit économiquement intéressant, pour que l’investissement soit rentable.


Le taux de productivité par jument

Dans les élevages suivis par le réseau, on constate qu’un faible nombre de poulains est vendu rapporté à l’effectif de juments mises à la reproduction. Ce faible taux de productivité numérique est un critère zootechnique qu’il convient d’optimiser puisque le produit d’exploitation en découle. Le choix des reproducteurs et des techniques de monte utilisées doit en particulier être raisonné pour maximiser le taux de gestation. Le renouvellement des juments peu fertiles doit être également envisagé sans tarder. La surveillance des naissances, puis des premiers jours post-poulinage, permet aussi de diminuer le taux de mortalité, plutôt élevé en élevages de chevaux de trait et ânes, souvent conduits en plein air intégral.

Diversification

La diversification d’activités (prestations), après étude de marché, mais aussi des circuits de commercialisation utilisés, peut également permettre d’accroître les produits.

Les subventions et primes perçues

Enfin, le produit d’exploitation inclut également les subventions perçues. Les exploitations équines peuvent prétendre à certaines aides agricoles européennes, dans le cadre de la PAC (Politique Agricole Commune). Les Droits à Paiement de Base (DPB) et certaines aides du second pilier, comme des mesures « de soutien aux investissements », sont en particulier accessibles aux exploitations équines, selon le type d’activité exercée et la localisation géographique.

Mettre les charges en adéquation avec les produits

Dans les exploitations suivies par le réseau, une grande variabilité des charges a été mise en évidence entre des exploitations de même type d’activité. Un 2ème levier possible pour améliorer le résultat économique est donc d’analyser et optimiser les différents postes de charges des exploitations, charges opérationnelles comme charges de structure. Il s’agit de mettre en adéquation les charges aux produits attendus et de ne pas augmenter les charges sans avoir de retour sur investissement.

Nombre de chevaux en adéquation avec l'activité

Un premier constat repose sur le dimensionnement du cheptel détenu, pas toujours en adéquation avec l’objectif économique. Or le surplus d’animaux est coûteux, y compris en main d’œuvre (soins). En centre équestre, par exemple, le critère du nombre d’heures vendues par équidé présent est très variable selon les structures. Or la productivité de la cavalerie apparaît comme un paramètre majeur de rentabilité, compte tenu du coût annuel de chaque équidé présent. La réduction du cheptel n’est pas simple à mettre en œuvre. En effet, il s’agit de se séparer des chevaux improductifs : juments peu voire infertiles, chevaux invendus, équidés fréquemment blessés/malades, reproducteurs ou autres équidés en retraite... La vente à très bas prix voire le don de ces animaux est souvent la solution adoptée pour s’affranchir du coût engendré par leur entretien, l’abattage étant peu fréquent.

Alimentation : le poste le plus coûteux

Parmi les différents postes de charges opérationnelles, l’un des plus coûteux est celui de l’alimentation des animaux, qui représente jusqu’à la moitié du montant des charges. Une bonne stratégie d’utilisation des surfaces en herbe peut permettre de couvrir une grande partie des besoins des animaux :

Jument et son poulain mangeant une ration de concentrés
© J. Dolley

La complémentation de la ration est à bien raisonner selon les besoins de chaque animal. Le coût de ration dépendra du type de concentrés utilisés (céréales ou aliments du commerce), mais aussi des quantités achetées et de leur mode de conditionnement (vrac ou en sac). À titre d’exemple, il a été observé que pour un centre équestre achetant la totalité des aliments distribués, un différentiel d’environ 10 000 € par an est observé en moyenne entre l’utilisation d’une ration traditionnelle (orge + compléments minéraux vitaminés + foin) par rapport à des aliments du commerce (aliments composés + foin). Une large palette d’autres régimes que la ration traditionnelle foin/concentrés est par ailleurs possible (ensilage de maïs, enrubanné…).

Une conduite sanitaire raisonnée

© A. Gillot

La conduite sanitaire du cheptel constitue un autre poste élevé de charges qui montre également d’importantes variabilités selon les exploitations, liées à des stratégies très variées : d’une gestion très économe (moins de 100 € / an / équidé) à une gestion très préventive (près de 500 € / an / équidé). Mais réduire ce coût ne signifie pas adopter un mode de gestion trop économe, compte tenu des risques, par exemple en cas de poulinage difficile (perte du poulain voire de la jument) et encore plus en cas d’épidémie (incapacité de travail voire décès d’animaux, arrêt temporaire voire cessation d’activité...). Il s’agit plutôt de passer d’une stratégie très préventive à une conduite raisonnée, avec des interventions sur l’animal à bon escient : plan de vaccination adapté mais systématique, vermifugation raisonnée (2 à 3 par an, utilisation de coproscopies), surveillance post-poulinage, isolement des nouveaux arrivants... La conduite se raisonne aussi en termes d’infrastructures (notamment clôtures) pour limiter les risques de blessures, parfois coûteuses en soins et frais vétérinaires.

Sélection et caractérisation des chevaux à valoriser

© IFCE

Comme déjà décrit, la valorisation des jeunes chevaux de l’élevage sera à raisonner pour bien sélectionner les animaux concernés. Ce poste a un coût, d’où l’importance de bien caractériser les animaux en amont pour évaluer au plus tôt leur potentiel et optimiser leur mise en marché (pas d’investissement à perte).

La conduite de la reproduction repose sur une sélection des reproducteurs adaptée à l’objectif économique de production (marché visé) car il existe une importante variabilité en matière de coût de la génétique mâle (prix de saillie). Le statut articulaire des reproducteurs est également à prendre en compte pour produire des animaux sans problèmes précoces d’appareil locomoteur, défavorables à leur vente ou nécessitant des interventions vétérinaires.

Améliorer la productivité de la main d’œuvre

cheval au marcheur
© A. Laurioux

Comparées aux autres activités agricoles, les exploitations équines exigent plus de main d’œuvre : chaque unité de main d’œuvre gère ainsi moins d’animaux et moins de surfaces. En équin, la main d’œuvre constitue donc un facteur clé de réussite et doit être suffisamment efficace pour dégager plus de produit tout en maîtrisant les coûts.

Gestion en lots d'animaux

Il s’agit de concilier l’augmentation de la productivité du travail et le niveau d’investissement. Une exploitation peut, par exemple, conduire ses chevaux en lots à certains stades de leur vie ou investir dans des bâtiments et équipements économes et permettre un gain de temps par une mécanisation et automatisation accrues (abreuvement des animaux, curage des boxes, distribution de l’aliment, utilisation de longe automatique...).

Complément

En 2018, l’OESC (Observatoire Economique et Social du Cheval) a mené une étude avec l’appui du réseau EQUICER. Les données économiques pour les périodes de 2014, 2015 et 2016 de 125 élevages de chevaux de sport et de 121 centres équestres ont été analysées. À cette étude, s’est ajoutée une enquête qualitative auprès de 32 élevages de sport et 34 centres équestres.

Il ressort des enquêtes qualitatives qu’une partie des dirigeants de centres équestres ont changé leurs prestations pour s’adapter à la clientèle tout en maitrisant les charges, comme celle d’alimentation. Ceux qui s’en sortent le mieux sont les établissements qui ont agi sur les trois leviers que sont les prestations, les tarifs et les charges.

Pour les éleveurs de chevaux de sport, l’enquête qualitative dégage trois groupes très différents : les éleveurs multi-activités qui proposent de la pension en plus de leur élevage, les prestataires-éleveurs qui proposent de la pension, un petit élevage et parfois en plus de l’étalonnage et des éleveurs sans autres activités.
Ceux qui s’en sortent le mieux sont les gérants qui développent de nouvelles prestations autres que l’élevage pour s’adapter aux demandes des clients.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Charlotte GEYL Ingénieur de projets et développement - Observatoire Economique et Social du Cheval (OESC) de l'IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

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